Première diffusion le 1er juillet 2023
Le JDD outragé, le JDD brisé, le JDD martyrisé, mais le JDD libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple… On se croirait à l’Hôtel de ville de Paris, le 25 août 1944, pendant la Libération, lorsque le général de Gaulle prononçait son célèbre discours. Mais non, nous sommes au Théâtre libre dans le Xème arrondissement de Paris le 28 juin 2023, une soirée en soutien des journalistes en grève du quotidien dominical, une analyse et un conseil amical.
Arrêts sur images s’engage
Nous reprenons le verbatim d’un article du 28 juin d’Arrêt sur images de Daniel Schneidermann, où il donne la parole à Caroline Fontaine, une ancienne journaliste licenciée de Paris Match :
« J’ai fait des reportages très durs. Et pourtant je le dis là devant vous, chers confrères et amis…» Caroline Fontaine s’arrête. La voix s’étrangle. La salle (comble) du Théâtre libre, à Paris, se lève, l’applaudit une minute, deux minutes. «…Bolloré et ses sbires m’ont fait beaucoup plus de mal ». Représentante de la société des journalistes de Paris Match, Caroline Fontaine a été licenciée pour l’exemple, pour s’être opposée à un éditorial de l’ex-directeur de Match Patrick Mahé, « parce qu’ils veulent envoyer le message très clair que personne n’est à l’abri ». C’est la première fois qu’elle prend la parole en public. « Il faut se battre sans peur », lance-t-elle à ses consœurs et confrères du JDD, aujourd’hui menacés par le rouleau compresseur Bolloré. « Colmater avec nos petits bras. À Paris Match, vingt-cinq sont partis, la plupart en silence. Moi, je refuse de négocier. Il faut aller aux prudhommes, pour soi et pour le collectif. »
Voir aussi : Enquête au cœur de la résistance contre Bolloré
La soirée de soutien a été organisée par RSF, qui n’a pas toujours été partisan de la liberté d’expression. Le très macronien Jean-Marc Dumontet, propriétaire de la salle, l’a proposée gratuitement, c’est un « acte civique » a‑t-il déclaré au Monde avec un joli mouvement de menton.
« Ils sont venus, ils sont tous là, même ceux du sud de l’Italie, y’a même Giorgio le fils maudit » chantait Charles Aznavour. Et en effet ils sont tous là, l’économiste assoiffée de pouvoir Julia Cagé, l’écolo Marine Tondelier qui veut interdire CNews, Edwy Plenel est dans la salle, il y a un député Renaissance, le journaliste Hervé Gattegno, un sénateur socialiste, Clémentine Autain de LFI qui veut mettre les médias sous le contrôle des syndicats, la CGT, la CFDT, et une partie de la rédaction du JDD, remontés comme des ressorts libéraux libertaires.
Amis journalistes, du courage !
Vous êtes en grève depuis le 22 juin. Arnaud Lagardère, encore un peu propriétaire du journal avant de le céder à Bolloré, est venu ratifier le choix du nouveau directeur de votre rédaction, devant vous le mardi 27 juin au matin. Oui, il le confirme, c’est bien lui qui a choisi Geoffroy Lejeune, « un ami très proche, un jeune qui connaît le numérique, une opportunité à saisir, des journalistes de talent il n’y en a pas beaucoup ». Un choix économique a‑t-il affirmé et non un choix politique et la ligne éditoriale du journal ne changera pas, ce ne sera jamais « un tract militant ».
Notre supplique : démission, démission tout de suite !
Bien entendu, on n’est pas obligé de le croire sur parole. Plus l’heure est grave, plus les décisions doivent être empreintes de courage. À ceux — tous ne le sont pas — des journalistes du JDD qui sont marqués dans leur chair, affligés au plus profond de l’âme de voir arriver l’affreux Geoffroy Lejeune à la tête de la rédaction, nous donnons un amical conseil :
Pour vous journalistes sceptiques, scandalisés, hostiles, révulsés, indignés, insoumis, démoralisés, atteints au plus intime, il y a une solution, une seule : la démission immédiate et sans conditions. Oui vous resterez fiers, non vous ne prendrez pas l’argent de l’infâme Bolloré, cet argent probablement sale et gagné dans des conditions probablement condamnables. Oui vous refuserez cette aumône tendue par une main indigne, non vous n’invoquerez pas la clause de conscience qui vous donnerait droit à des indemnités de la part d’un bourreau. Oui vous partirez libres, la tête haute et votre honneur sans tache, vous démissionnerez sans conditions en hommes et en femmes responsables donnant ainsi un puissant exemple à toute la profession. Ou alors, je me tromperais sur votre sens du devoir et de la dignité…? Je n’ose y croire…
Voir aussi : Geoffroy Lejeune, portrait