Il y a quelques jours, nous répercutions l’appel au secours de la mère de Julian Assange, réfugié depuis 2012 à l’ambassade d’Équateur à Londres. Des nouvelles très récentes permettent de constater une aggravation de sa situation qui pourrait conduire au pire.
Révélation d’une inculpation américaine
Nul ne savait avant le 16 novembre 2018 si Assange était véritablement inculpé aux États-Unis. Un procureur de l’État de Virginie, suite à une erreur administrative, a levé le voile. Le procureur explique que l’inculpation doit rester secrète, même si cela porte atteinte aux droits de la défense « L’acte d’accusation, les déclarations sous serment venant l’appuyer, le mandat d’arrêt, ainsi que la présente motion et le projet d’injonction doivent rester secrets jusqu’à ce qu’Assange soit appréhendé (…), et qu’il ne puisse donc plus se soustraire à l’arrestation et à l’extradition. »
Le secret n’est qu’à moitié levé. Si l’inculpation existe, on n’en connaît pas les motifs, la date, les circonstances. Après la défaite d’Hilary Clinton en 2016, les démocrates attribuent une partie de leur déconfiture aux révélations de Wikileaks sur la candidate et veulent le scalp du fondateur de Wikileaks.
Mais ce n’est pas mieux du côté républicain. Le directeur de la CIA, Mike Pompeo (devenu chef de la diplomatie de Trump), parle de WikiLeaks comme d’un « service de renseignement non étatique fréquemment assisté par des acteurs étatiques comme la Russie » et le ministre de la justice, affirme que la capture de M. Assange reste une priorité. Mieux, le procureur spécial Robert Mueller, chargé d’enquêter sur l’ingérence de la Russie dans les élections de 2016 inculpe des citoyens russes pour avoir utilisé des documents Wikileaks. Il y a un consensus américain pour avoir la peau d’Assange.
Prise de distance de l’Équateur
Le président équatorien Correa, qui avait protégé Assange, est battu en mai 2017 par Lenin Moreno qui prend ses distances avec celui que l’on doit qualifier de détenu. Il essaie de faire exfiltrer Assange en le nommant diplomate mais la justice britannique, aux ordres du grand frère américain, refuse son statut diplomatique et confirme son arrestation s’il pose le pied dehors. Assange, attaquant plusieurs États étrangers (l’Espagne en soutenant les indépendantistes catalans, l’Allemagne en comparant Merkel et Hitler), met la diplomatie équatorienne à rude épreuve. Les Équatoriens, mal à l’aise avec ses prises de position, lui coupent alors toute liaison avec l’extérieur et interdisent toute visite sauf celles de ses avocats.
Vers une disparition physique ou l’extradition
Avec quelques péripéties, un accord fragile est ensuite trouvé : Assange retrouve une communication internet mais devra s’interdire d’attaquer un État étranger. Il pourra recevoir des visites filtrées et encadrées. Cet accord ne sera pas signé par Assange mais sera plus ou moins respecté. Par ailleurs l’ambassade ne prendra plus ses frais à sa charge.
Pire, l’Équateur se réserve le droit de le faire hospitaliser à Londres si son état le demande. Hospitalisation = arrestation par la police britannique = extradition aux États-Unis = minima prison à vie ou peine de mort. Imaginez que vous êtes enfermé dans une pièce exigüe de quelques mètres carrés pendant plus de 2.200 jours, sans jamais sortir, sans prendre l’air, sans famille ni amis, dans quel état seriez-vous ? Assange est malade physiquement et psychologiquement. Il reste à l’ambassade ? Il s’affaiblit petit à petit. Il est hospitalisé ? Bonjour les procureurs américains.
Comme le note son successeur à la tête de Wikileaks, l’islandais Kristinn Hrafnsson, après une visite à l’ambassade : ses conditions se sont durcies de manière telle qu’Assange est véritablement dans une prison avec des gardiens équatoriens devenus hostiles. Il ajoute « Ils veulent briser Assange, le détruire ». Qui est ce Ils ? L’État profond américain, secondé par les services britanniques aux ordres et nolens volens l’Équateur, un très petit État qui peut subir de multiples pressions. La France s’honorerait à accorder l’asile politique à Julian Assange.
Crédit photo : Cancillería del Ecuador via Flickr (cc)