Vendredi 11 octobre, un élu du Conseil régional de Bourgogne-Franche Comté, Julien Odoul, a invité la Présidente de région à demander à une accompagnatrice scolaire voilée de retirer son voile islamique dans l’assemblée où elle se trouvait. Cette initiative a provoqué une tempête médiatique sur laquelle nous revenons. Celle-ci n’a pas été épargnée par des faux semblants et des protestations outragées largement médiatisées.
Les faits
Le 11 octobre 2019, lors de l’assemblée plénière du Conseil régional de Bourgogne-Franche Comté, Julien Odoul, un élu du Rassemblement National, s’adresse à la Présidente de région dans un vacarme de protestation. Il la presse d’intervenir pour demander à une femme voilée accompagnant un groupe scolaire « de bien vouloir retirer son voile islamique » « au nom des principes de laïcité ».
Ce sera le début d’une tempête médiatique qui verra s’afficher des divisions au sein de la classe politique et du parti présidentiel et se multiplier force tribunes, débats et mêmes menaces plus ou moins « voilées » dont seront victimes tant le Ministre de l’éducation que Julien Odoul.
Le 13 octobre, au journal de TF1, nous apprenons que la vidéo de l’initiative de l’élu RN a été vue plus de 3 millions de fois. « Cette photo a ému de nombreux internautes : un fils qui se réfugie dans les bras de sa mère » commente la journaliste Anne-Claire Coudray.
La couverture médiatique : la victimisation avant tout
Les médias de grand chemin ont couvert cet événement dans l’immense majorité des cas sous l’angle d’une « agression » de l’élu régional contre la femme voilée présente dans l’assemblée.
Le Parisien donne le 14 octobre la parole à l’accompagnatrice : « ils ont détruit ma vie ». Devant un journaliste de France 3, elle donne son ressenti : « un rejet que je n’avais pas senti avant ».
Le site des « marocains du monde » informe que sur CNews, « Laurence Ferrari recadre un élu islamophobe ». « Regardez cette photo, un petit enfant de huit ans qui pleure dans les bras de sa mère, est ce que vous êtes fier de vous ? N’avez-vous pas honte ? » lance Laurence Ferrari à l’élu régional sur le plateau de CNews. Pour de nombreux médias, dont France Info et Europe 1, la femme voilée a été « prise à parti » et va déposer plainte.
Le 13 octobre, c’est selon Libération « honte au RN et à ses idiots utiles ».
Comme nous le relations dans un récent article, Le Monde publie le 15 octobre une tribune de 90 personnalités dénonçant « la haine des musulmans ».
Checknews (financé par Facebook, ne l’oublions pas) de Libération nous apprend le 17 octobre qu’il y a eu à cette date « 85 débats sur le voile » et zéro femme voilée invitée. Le Point évoque le 17 octobre « l’opportunisme dévoilé » de Julien Odoul, « habitué aux coups d’éclat médiatiques ». Le Huffington post nous parle le 18 octobre du « ras le bol de ces femmes musulmanes »
Le 18 octobre, Marianne estime que l’on est en présence d’ « une femme voilé humiliée, les islamistes ravis ». Le 21 octobre, sur le plateau de LCI, une invitée compare l’accompagnatrice voilée à « une pieta, une Rosa Parks », une militant des droits civiques aux États-Unis dans les années 1960.
Le 22 octobre, 101 musulmans de France signent dans Marianne une tribune intitulée « le voile est sexiste et obscurantiste ».
Agression verbale versus entrisme islamiste
Dans l’immense majorité des médias, la demande de Julien Odoul est présentée comme une agression verbale à l’encontre de l’accompagnatrice voilée. La réaction négative de son enfant est devenue un élément majeur de cette initiative. On est strictement dans le registre émotionnel : un élu RN a fait pleurer un enfant, il a fait preuve de cruauté. C’est tout à fait condamnable. CQFD. Le médiatique est devenu émotique. Cette analyse, qui s’apparente à une réaction immédiate, va être largement utilisée au point d’éluder tout élément de contexte ainsi que l’enjeu majeur de cette initiative.
L’identité de la femme voilée
Alors que de nombreux médias se sont enquis du ressenti de Fatima E, l’accompagnatrice voilée, après la demande de Julien Odoul, peu se sont interrogés sur son identité. Le site de revue de presse Fdesouche s’interroge: « est-elle membre d’un conseil d’administration proche des islamistes ? » et apporte des éléments à ce sujet.
Marianne nous informe que Fatima E. a accordé un entretien exclusif au Comité contre l’islamophobie (CCIF), une association proche des frères musulmans. Très peu de médias relèvent cette orientation militante de l’accompagnatrice voilée.
Les précédents
Pratiquement aucun média ne le souligne, la demande de discrétion relative aux signes religieux dans une assemblée représentative de la République n’est pas une nouveauté. Pour ne citer que deux exemples, en 2009, le Président de l’assemblée nationale rappelait suite à la venue d’une lycéenne voilée que le public doit se tenir à découvert au Parlement, une prescription qui remonte « à une période où la déférence due à la représentation nationale voulait qu’un homme retire son couvre-chef ». Le Président de l’assemblée nationale de l’époque ne donnera pourtant pas suite à la demande de transcrire cet usage en une loi prohibant les signes religieux au Parlement.
Le Figaro a consacré en 2000 un article à la demande de Laurent Fabius à un prêtre et à une religieuse de retirer leur croix et leur voile pour s’assoir dans l’hémicycle de l’assemblée nationale. Hormis dans les réseaux sociaux, ces précédents, qui n’ont alors pas suscité une telle vague d’indignation et de protestations, ont été totalement passés sous silence. Il est vrai qu’ils auraient relativisé l’initiative du conseiller régional en l’inscrivant dans un souhait largement partagé de discrétion relative aux signes religieux dans une assemblée de la République.
L’Islam militant, la pratique des petits pas
Peu de commentateurs ont donné une interprétation politico-religieuse au port du voile par l’accompagnatrice présente au conseil régional de Bourgogne Franche Comté. L’initiative de Julien Odoul a été présentée comme une agression, alors qu’il ne s’est pas adressé directement à la femme voilée. La réaction de l’enfant a été surexploitée médiatiquement au point de saturer l’information sur cet événement.
Les voix de musulmans ayant subi l’islamisme dans leur pays comme celle de Mohamed Sifaoui, (« Le voile n’est pas islamique mais islamiste ») et de Zineb El Razoui, etc., ont été bien discrètement relayées dans ce concert de pleureuses. « Le voile est un étendard militant, c’est le cheval de Troie de l’idéologie islamiste. Cette année, il y a une offensive sur les sujets scolaires. Il faut une initiative ferme pour tarir ce vivier militant », a rappelé opportunément la journaliste rescapée de Charlie Hebdo, Zineb El Razoui.
Au final, l’émotion de l’accompagnatrice et les pleurs de son enfant auront relégué au second plan d’autres enjeux de société bien plus importants. Sans parler d’éléments de contexte plus que troublants. L’image qui restera sera l’enfant de la « pieta » en larmes et comme commentaire majeur le « sentiment de rejet » de sa mère. La sidération par l’émotion comme solde de tout compte de cet événement largement médiatisé.