L’année dernière, le prix avait été décerné à la rédaction de Charlie Hebdo, touchée par une attaque islamiste le 7 janvier 2015. Cette année, c’est Kamel Daoud, écrivain et (ancien ?) journaliste algérien francophone, qui a été récompensé.
Jeudi 14 avril, devant une cinquantaine de personnes, dont le gratin de l’élite journalistique (Laurent Joffrin, Philippe Labro, PPDA, Christine Ockrent, FOG, etc.) et le Premier ministre Manuel Valls, ce dernier s’est vu décerner le prix Jean-Luc Lagardère du journaliste de l’année. Premier paradoxe : on décerne un prix de journalisme à un homme qui, depuis qu’il a été visé par une fatwa, a officiellement renoncé au journalisme.
Second paradoxe : il est curieux de voir l’intelligentsia parisienne, connue pour sa distance vis-à-vis des faits, récompenser celui qui, en février dernier, s’est attiré les foudres d’une vingtaine d’universitaires pour un article à contre-courant sur les viols de Cologne. Dans Le Monde du 31 janvier 2016, l’écrivain expliquait en effet à quel point l’accueil du réfugié était atteint par une « surdose de naïveté ».
En effet, selon lui, l’immigré sauvera certes son corps en se rendant en Europe, mais n’abandonnera pas pour autant sa culture. Une culture arabo-musulmane où règnent la « misère sexuelle » et le « rapport malade à la femme, au corps et au désir ». Ainsi, « l’accueillir n’est pas le guérir », estimait-il. Et d’ajouter : « Le rapport à la femme est le nœud gordien, le second dans le monde d’Allah. La femme est niée, refusée, tuée, voilée, enfermée ou possédée. »
Un discours réaliste qui, forcément, a fortement déplu aux gardiens de la pensée correcte. Toujours dans le quotidien du soir, une vingtaine d’universitaires avaient donc publié une tribune pour dénoncer « une série de lieux communs navrants sur les réfugiés originaires de pays musulmans ». Pour eux, Kamel Daoud « recycle les clichés orientalistes les plus éculés » et participe à « la banalisation des discours racistes affublés des oripeaux d’une pensée humaniste qui ne s’est jamais si mal portée ».
C’est pourquoi ce jeudi 14 avril, à la Maison des Champs-Élysées dans le 8ème arrondissement, l’élite du journalisme a pris toutes les pincettes nécessaires en appelant à éviter d’être « l’arbitre des élégances morales ou de soutenir des dérives poujadistes ». Le message est passé. De son côté, Manuel Valls, prudent, s’est adressé au chroniqueur du Point en ces mots : « Je suis face à un dilemme : vous soutenir, c’est vous mettre en difficulté. Pourtant, je ne veux pas vous laisser seul. »
Mais pour Télérama, il y a « une forme de gêne à regarder une élite parisienne accueillir des personnes persécutées de par le monde et devenues des symboles ». En effet, depuis 2012, date à laquelle un prédicateur islamiste a lancé une fatwa contre lui, réclamant son exécution publique pour apostasie, Kamel Daoud vit dans une semi-clandestinité dans sa ville d’Oran, en Algérie. Depuis cet événement, il a annoncé renoncer officiellement au journalisme.