L’échec des noces entre M6 et TF1 a débouché sur une recomposition du paysage audio-numérique. Faute de grand mariage, la chaîne de Nicolas de Tavernost s’est repliée sur une alliance plus modeste qui lui permet de s’attaquer au segment des 15–34 ans.
À la recherche du rebond
Les audiences de M6 n’ont jamais été aussi faibles depuis 1992. Quatrième chaîne nationale avec 8,4 % de part de marché en 2022, la chaîne est victime comme tout le PAF du déclin de la télévision en France.
Pour faire face à l’érosion de son audimat, elle a tenté un rapprochement avec la première chaîne mais le patron de M6 Nicolas de Tavernost a vu sa noce rêvée avec TF1 empêchée par l’Autorité de la concurrence : un désaveux pour celui qui aurait pris la tête d’un mastodonte télévisuel. Lot de consolation, il avait gardé la dote de la jeune mariée…
Longtemps désireux de se séparer de la chaîne, Nicolas de Tavernost, historique du groupe depuis sa création en 1986 et PDG depuis 2000 a finalement opté pour une stratégie de partenariat.
Mariage de raison
Pour réinventer son modèle, M6 fait le choix d’un partenariat avec le média en ligne Konbini. Ce média en ligne à destination d’une tranche jeune peut permettre à M6 de capter un nouveau public.
Dans son communiqué de presse, M6 explique ce rapprochement « dans le cadre du développement de l’offre de contenu sur sa plateforme de streaming gratuite »… Et d’ajouter que cela permettra à Konbini d’accroître sa visibilité. M6 étant la plateforme de vidéo à la demande la plus prisée des 15/34 ans, l’alliance semble opportune. On pourrait même parler d’un mariage de raison pour Konbini, qui trouvera là le soutien d’un géant de la télé qui pourrait résoudre ses épisodiques tracas financiers.
L’union devrait par ailleurs donner naissance à une chaîne FAST, c’est-à-dire une chaîne thématique « gratuite » avec publicité, du nom de Konbini 24/24 et cela dès le mois de mars sur l’offre 6play 24/24. S’ajoute à cela un panel d’offres de contenu autour des formats Konbini ainsi qu’une collaboration à venir avec l’émission à succès « Top Chef ».
De Loft Story à Konbini, une certaine idée de la poubelle
En nouant un partenariat avec Konbini, M6 fait un choix éditorial qui n’est pas neutre. Ce média est en pointe dans les combats progressistes et s’apparente à un véritable calque des lubies de la gauche libérale américaine : « wokisme », indigénisme, féminisme, LGBT+++…
Konbini, comme Brut, sont des outils média de type libéral libertaire qui se font les porte-voix de combats sociétaux. Ils ont en commun de fonctionner grâce à un contenu viral mais d’être bien incapable d’autonomie financière. Ainsi, Brut a aussi recours à de généreux mécènes pour survivre.
Pour M6, la carte Konbini répond à une certaine logique. En perte de vitesse, M6 tente de diversifier son offre avec du football puisque la chaîne retransmettra une partie de l’Euro 2024. Mais diffuser des évènements sportifs très occasionnels ne la sauvera pas et Konbini permet de toucher un segment large avec des contenus parfois « chocs » et provocants. Pas mal de sexe dans des déclinaisons déroutantes, un peu de nazi, de l’intersectionnel (ou coup double banlieue/LGBT), du « woke »… Mais aussi des sujets fondamentaux du type : Peut-on utiliser nos règles pour un soin du visage ?
On trouve aussi un peu de contenu mensonger comme l’histoire de ce jeune homme qui a vécu 10 ans avec des chevreuils et en a écrit un beau livre — mais qui en réalité a menti… Konbini n’enlèvera pas pour autant son contenu sur le sujet.
En avril 2001, M6 avait fait le grand saut dans l’aventure américaine de la télé-réalité rompant, selon Benjamin Castaldi, un « pacte » avec TF1 qui consistait à refuser de recourir à de tels programmes.
Une américanisation par le petit écran qui depuis a fait du chemin et participe d’un abrutissement des masses. Deux décennies plus tard, en difficulté, M6 espère encore tirer son épingle du jeu en s’appuyant sur un contenu poubelle.
D’un point de vue plus global, cette alliance entre une chaîne historique et un média télé bien installé s’inscrit dans la recomposition de l’offre média. M6 offre une assise financière quand Konbini propose un savoir-faire et des contenus qui captent l’attention d’un segment de consommateur.
Voir aussi : Kombini, infographie