Première diffusion le 06/10/2022.
Ce titre choc n’est pas de notre fait mais de Médiapart le 23 septembre 2022 qui désosse le « prêt amical » de 14M€ du tycoon tchèque Daniel Křetínský à Libération pour qu’il passe l’hiver au chaud. Visite guidée avec un peu de technique.
Posséder un média pour exister politiquement
Ce n’est pas un secret, ni Bernard Arnault, ou Xavier Niel ou Vincent Bolloré ou Rodolphe Saadé n’investissent dans les médias pour gagner de l’argent. Ils tirent leurs ressources de LVMH, Free, Vivendi ou de l’armement maritime. Il en est de même pour Daniel Křetínský. Gagnant des centaines de millions d’euros dans le charbon et le lignite devenus aussi précieux que l’or, il peut se permettre quelques emplettes médiatiques pour influencer le pouvoir politique : des participations minoritaires dans Le Monde ou TF1, des rachats directs comme dans Marianne, Elle, Télé7 jours, Femme actuelle, des créations comme celle de Franc-tireur.
Tout ceci paraît constituer un hors d’œuvre. L’entrée dans Libération marque une autre étape, il rentre dans la cour des grands, sans oublier qu’il a déjà pris des positions dans l’économie classique en prenant des parts dans Casino, en s’intéressant à la Fnac ou à M6 quand la chaîne était encore à vendre.
Prêt sous conditions
Bien entendu, officiellement Kretinsky est « « heureux de participer ainsi à la pérennisation d’un journal indépendant et indispensable au débat démocratique ». Ben voyons, dirait l’autre. La réalité est toute autre. Le titre est chapeauté par une holding de tête (FDPI) à laquelle il donne 1M€. Fort bien. Mais la holding possède une SAS Presse indépendante qui elle-même possède le journal. Kretinsky apporte 14M€ à Presse indépendante, un prêt au taux de 4%, remboursable en 2026. Et des conditions sous-jacentes sont apportées.
Un prêt libéré par tranches, avec un couperet
Kretinsky pas fou n’apporte pas les 14M€ tout de suite, seulement 3,5M€. Ensuite le journal devra démontrer ses progrès en termes de rentabilité. Mais le journal perd régulièrement de l’argent, 12M€ en 2020, 8M€ en 2021, entre 6 et 7M€ probables en 2022. Les 3,5M€ permettront de vivre jusqu’au printemps 2023, guère plus. Que se passe t’il si le journal n’a pas amélioré ses comptes à cette date ? Le flou demeure. Kretinsky refuse d’aller plus loin ? Altice de Patrick Drahi ne veut plus mettre au pot. Si le prêt n’est pas remboursé en 2026, le taux d’intérêt monte à 10%. Mieux si les délais de non-paiement s’allongent une pénalité de 2M€ est prévue. Les aides de l’Etat sont autour de 3M€ en 2019, autour de la même somme (chiffres non précisés) pour 2020 et 2021. Mais ces subventions massives reçues par Libération ne lui ont jamais permis de trouver un équilibre. Comme l’écrit Médiapart — que nous ne citons pas si souvent — « Libération se retrouve la corde au cou, sommé de trouver un équilibre qu’il n’a jamais su trouver depuis des années, en moins de quatre ans. »
Confirmation involontaire de Libération
Dov Alfon, ancien des services de renseignement israéliens et directeur de la rédaction du quotidien, a répondu dès le 27 septembre sous le titre « Médiapart aurait-il préféré voir Libé au tribunal de commerce ? ». Une réponse en forme de quasi aveu. Sans Křetínský le journal se serait bien retrouvé au « tribunal de commerce », en cessation de paiement. Daniel Křetínský soutient Libération comme la corde (dorée) soutient le pendu. Il laisse la corde un peu lâche, le journal survit tel quel. Il resserre le nœud ou bien le quotidien disparaît, ou il doit trouver un nouveau mécène ou il tombe dans l’escarcelle de son préteur. CQFD ?
Voir aussi : Libération, infographie