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La commission Bronner, contre le complot et la désinformation ou le contraire

11 octobre 2021

Temps de lecture : 6 minutes
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La commission Bronner, contre le complot et la désinformation ou le contraire

Temps de lecture : 6 minutes

La campagne présidentielle lancée, la majorité entend imposer son tempo médiatique. Si des acteurs privés se sont mobilisés, à l’image de Křetínský qui a mis la main à la poche pour lancer un média centriste (Franc-tireur), le gouvernement aussi s’active. Mercredi 29 septembre, à la demande du président Macron une commission qui répond au nom légèrement pompeux de « Les Lumières à l’heure du numérique », a été créée.

Un peu de lumière dans un monde obscur de complotistes, la loi Avia sans le nom

Le pos­tu­lat posé par la com­mu­ni­ca­tion élyséenne est sim­ple : la révo­lu­tion numérique a changé notre rap­port à l’information, l’élite s’est vue con­fis­quer le mono­pole de l’information ce qui est « por­teur d’une face som­bre ». Une « frag­men­ta­tion du débat » qui s’accompagne de la « résur­gence de dis­cours de haine » et du « recul du savoir et de la sci­ence dans cer­taines cir­con­stances ». Emmanuel Macron voudrait donc un « grand débat » sur la ques­tion et pour ce faire, les « élites » repren­nent la main avec une quin­zaine d’experts mis­sion­nés pour « penser l’espace de débat com­mun de notre démoc­ra­tie ». L’objectif de la com­mis­sion, qui sera dirigée par Gérald Bron­ner, con­sis­tera à ren­dre une série de propo­si­tions con­tre les dif­fuseurs de haine et la dés­in­for­ma­tion. Devrait donc ressor­tir de cette com­mis­sion un ensem­ble de pré­con­i­sa­tions atten­ta­toires aux lib­ertés sous cou­vert de lutte con­tre la haine. Une sorte de loi Avia sans vote du Par­lement. Le risque ici est évidem­ment la remise en cause de l’espace de lib­erté qui s’est créé avec le développe­ment d’internet.

Des « Lumières » au profil Macron-compatible

Pour remet­tre un peu d’ordre dans les médias, une com­mis­sion a été nom­mée. Qua­torze « experts », his­to­riens, uni­ver­si­taires, jour­nal­istes et acteurs de ter­rain selon l’Élysée. La par­ité est respec­tée avec sept hommes et sept femmes, la diver­sité aus­si, et on relèvera un élé­ment pour le moins éton­nant, puisque le site de l’Élysée pré­cise pour l’une de ces expertes, Rahaf Har­foush, qu’elle est une anthro­po­logue cana­di­enne. La France ne dis­poserait donc pas d’anthropologues suff­isam­ment com­pé­tents et devrait aller en chercher en Amérique du Nord ? Tous ont pour point com­mun de ne pas être très cri­tique à l’égard de la poli­tique menée depuis bien­tôt cinq ans. On y retrou­ve essen­tielle­ment des pro­fils très « Sci­ence-Po Paris » plutôt anci­enne généra­tion… Mais pas seule­ment puisque fig­ure égale­ment la jour­nal­iste Aude Favre (IEP de Stras­bourg), déla­trice à ses heures per­dues et ani­ma­trice de la chaine AudeWT­Fake qui décrypte les infor­ma­tions fauss­es ou perçues comme telles par cette dernière. Deux his­to­riens spé­cial­isés dans la Shoah ont aus­si été dépêchés : Ian­nis Roder et Annette Wiev­ior­ka lais­sant augur­er que cette ques­tion sera évo­quée. L’historien Jean Gar­rigues et sa ligne « ni Zem­mour ni Plenel » sem­ble lui assez bien incar­n­er la ligne direc­trice qui a guidé ce recrute­ment de cette com­mis­sion… Une com­mis­sion qui rap­pelle étrange­ment un média privé qui va bien­tôt voir le jour : Franc-tireur.

Des doublons avec Franc-tireur

Dans l’équipe, fig­urent deux futurs col­lab­o­ra­teurs de la revue Franc-tireur (bis) qui ver­ra le jour mi-novem­bre et qui a pour objec­tif de déringardis­er le cen­trisme en pour­fen­dant les pop­ulistes et cor­rigeant les fake news ! Rudy Reich­stadt, fon­da­teur et directeur du site « Con­spir­a­cy Watch » et Rachel Khan, la femme de Jean-François Khan. Une présence de deux plumes de la revue qui sera dirigée par Christophe Bar­bi­er et à laque­lle col­la­boreront des per­son­nal­ités comme Car­o­line Fourest et Raphaël Enthoven, illus­trant la par­tial­ité d’une équipe qui ren­dra son rap­port à quelques mois du pre­mier tour de la présidentielle.

Voir aus­si : Con­spir­a­cy Watch : obser­va­toire objec­tif du com­plo­tisme ou bras armé du gauchisme ?

Bronner : un menteur pour faire la chasse au complot !

Pour diriger la fine équipe, on retrou­ve un soci­o­logue con­tro­ver­sé, le pro­fesseur et mem­bre de l’Académie de médecine Gérald Bron­ner (pho­to ci-dessus). Éton­nant cap­i­taine d’équipe dont on voit à la sim­ple con­sul­ta­tion de sa fiche Wikipé­dia qu’il a recon­nu à deux repris­es avoir dif­fusé de fauss­es infor­ma­tions dans ses livres. Une pre­mière fois dans son ouvrage paru en 2010 La Planète des hommesRéen­chanter le risque qui traite de l’épidémie de choléra à Haïti et dans La pen­sée extrême, ouvrage paru en 2009 dans lequel il reprend des légen­des urbaines comme vérités établies. Dans une péri­ode de doutes per­ma­nents quant à la vérac­ité des pro­pos tenus dans les médias, de revire­ments et de con­tra­dic­tions dans les poli­tiques san­i­taires menées, met­tre un homme d’un tel pedi­gree à cette place relève d’un toupet qui n’étonne plus venant d’Emmanuel Macron mais qui risque de met­tre à mal l’action de cette com­mis­sion avant même ses pre­miers travaux.

Une commission qui agace jusque dans les médias mainstream

Si la mise en place de cette com­mis­sion Bron­ner a ému sur les réseaux soci­aux, elle a égale­ment agacé jusque dans les rédac­tions main­stream. Par­mi les « lumières » de la com­mis­sion, c’est la nom­i­na­tion de Guy Val­lan­cian, chirurgien, pro­fesseur hon­o­raire des Uni­ver­sités et mem­bre de l’Académie nationale de médecine qui est la plus dénon­cée. Fraîche­ment sanc­tion­né par un blâme (juin 2021) par la cham­bre dis­ci­plinaire nationale de l’Ordre des médecins, il a vu son nom revenir dans Le Monde sous la plume de la pneu­mo­logue Irène Fra­chon qui voit dans ce per­son­nage l’un des fers de lance de la néga­tion des effets nocifs du Médi­a­tor. Vive­ment cri­tiqué, Val­lan­cian a fini par jeter l’éponge et démissionner.

L’éditorialiste Alex­is Poulain, chez Rus­sia Today, a d’ailleurs dévelop­pé le CV du per­son­nage sur les réseaux soci­aux pré­cisant que sa con­damna­tion par l’Ordre était liée à un fait de dés­in­for­ma­tion pour faire con­damn­er un con­frère. Un per­son­nage trou­ble qui a don­né lieu à plusieurs por­traits dont un dans Mar­i­anne dans lequel on apprend qu’il est l’urologue des stars et fut l’un des médecins du prési­dent François Mit­ter­rand. Libé qui se voit peut-être con­cur­rencé dans la lutte con­tre les fauss­es infor­ma­tions, est aus­si assez scep­tique sur la démarche, évo­quant une « trou­blante com­mis­sion Bron­ner »Mar­i­anne, sous la plume avisée de Youness Bousse­na, a de son côté pro­posé une cri­tique plus générale de la notion de com­plo­tisme invo­quant notam­ment les travaux de Julien Giry, auteur d’une thèse sur le sujet.

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