La commission a entendu, au cours de ses six mois de travail, cent-soixante-cinq personnes en quatre-cinq auditions : la commission d’enquête sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre (TNT) a rendu ses conclusions le mardi 14 mai 2024.
Le rapport a été rendu sur fond de désaccords particulièrement vifs : à l’issue des auditions de la commission d’enquête sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre, les députés ont rendu un rapport marqué par les dissensions entre le président Renaissance de la commission Quentin Bataillon et son rapporteur LFI Aurélien Saintoul.
Un rapport très dissonant
Marque du profond désaccord entre les deux députés, le rapport dévoile neuf propositions déposées « à titre personnel » de la part du rapporteur. Saintoul espère ainsi « interdire la diffusion de programmes jeunesse les matins avant l’école » (proposition personnelle n°I) quand la majorité y voit une mesure problématique qui tournerait nécessairement le jeune public vers les contenus payants en ligne (Disney +, Netflix). La majorité considère par ailleurs les chaînes de la TNT comme un rempart face aux réseaux sociaux et un canal en faveur d’une information fiable, quand la LFI propose à l’inverse de « soumettre la délivrance de l’autorisation d’émettre sur la TNT à une redevance annuelle pour occupation du domaine public assise sur le chiffre d’affaires des éditeurs concernés » (proposition personnelle n°V).
Par ailleurs, la présentation distincte de deux conférences de presse (l’une du rapporteur Saintoul le 14 mai et la seconde du président Bataillon le 15 mai) laisse entendre la disparité de vues qui anime les protagonistes de cette commission d’enquête.
Le catéchisme LFI contre la liberté d’expression, la chasse aux cathos
Parmi les propositions personnelles du rapporteur, concessions obtenues par Aurélien Saintoul qui se serait livré à des mises en garde contre la censure si elles ne lui avaient pas été permises, certaines s’inscrivent nettement en défaveur de la liberté d’expression. Ainsi, la proposition n°VIII entend « prévoir dans la loi du 20 septembre 1986 l’obligation pour les éditeurs de chaînes sur la TNT de respecter le principe de laïcité, incompatible avec la diffusion d’émissions à caractère religieux ; prévoir de faire respecter par l’ARCOM le principe d’une réfutation des théories pseudo-scientifiques ». La cause ? « La présence disproportionnée d’émissions religieuses uniquement liées au catholicisme sur les chaînes du groupe Canal+ à l’image du programme « En quête d’esprit » […] »
Éditorialistes contre experts
De même, sa proposition n°III envisage de « renoncer à la fonction d’éditorialiste [dans les programmes des chaînes d’information, puisqu’elle est] intrinsèquement liée à la presse écrite d’opinion, au profit d’experts disposant de compétences et titres pour analyser les faits. » Le titre d’expert, octroyé parfois à titre arbitraire, sera-t-il plus honnête que celui d’éditorialiste ? Car si la fonction d’éditorialiste induit une orientation du propos, celle d’expert autoproclamé le comporte tout autant… Par ailleurs, cette proposition semble entrer en contradiction avec la proposition n°13 du rapport (édictée par la commission), qui prévoit de « fixer des normes de présentation des personnes intervenant à l’antenne et de leurs engagements politiques, en application de la décision du Conseil d’État du 13 février 2024 ».
Une proposition diversitaire (suivez mon regard)
L’ensemble des commissaires ont par ailleurs dressé 38 propositions, parmi lesquelles l’incontournable injonction diversitaire qui consiste à « donner à l’ARCOM le pouvoir de sanctionner le manque de représentation de la diversité de la société française » ou « inscrire dans la loi l’obligation de progrès des chaînes de la TNT dans la juste représentation des femmes et de la diversité […] ».
La question du pluralisme est également évoquée (« rendre obligatoire l’expression pluraliste et l’équité des temps de parole par tranche horaire », proposition n°27), au même titre que les exigences en matière de déontologie journalistique sont formulées (« prévoir que chaque média d’information soit doté d’une charte définissant sa ligne éditoriale », proposition n°31).
Une place plus forte semble également être appelée de leur vœu par les commissaires, qui aspirent à « doter l’ARCOM d’un pouvoir d’enquête sur pièces et sur place pour constater le fonctionnement et l’indépendance des rédactions » (proposition n°32), « permettre à l’ARCOM de prononcer des amendes pouvant allant jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires en cas de manquements répétés d’un éditeur à ses obligations légales ou conventionnelles » (proposition n°36) ou « confier à l’ARCOM une étude sur la stratégie des chaînes sur les réseaux sociaux » (proposition n°24) – liste non exhaustive. Vaste programme…