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La Conférence Nationale des Métiers du Journalisme 2019 se pose la question de l’innovation. Mais pas celle de l’autocritique

27 janvier 2019

Temps de lecture : 5 minutes
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La Conférence Nationale des Métiers du Journalisme 2019 se pose la question de l’innovation. Mais pas celle de l’autocritique

Temps de lecture : 5 minutes

Le 24 janvier 2019 se tenait la Conférence Nationale des Métiers du Journalisme (CNMJ) à la Sorbonne. « Instance de dialogue et de propositions » regroupant les 14 écoles de journalisme reconnues par la profession, le CNMJ se réunit une fois par an. Le thème de cette 9ème édition : « Les journalistes doivent-ils innover ? ». L’envoyé spécial de l’Ojim était présent.

Baisse de la confiance dans les médias

Hasard du cal­en­dri­er, la con­férence se tient le jour de la pub­li­ca­tion par La Croix du baromètre annuel de la con­fi­ance des Français dans les médias Sans sur­prise, la con­fi­ance dans les médias est au plus bas (nous y revien­drons dans un prochain arti­cle). La réponse est donc évi­dente : oui, les jour­nal­istes doivent innover. L’objectif de la journée, à tra­vers des tables ron­des, est de faire un panora­ma des dernières inno­va­tions et de la manière de les insuf­fler dans les rédac­tions et écoles de jour­nal­isme. Au pro­gramme de la journée est joint un livret « Femmes, hommes, modes d’emploi dans les médias » où respon­s­ables de rédac­tions (TF1, L’Équipe, Ouest-France), pro­fesseurs d’universités et d’écoles de jour­nal­isme s’engagent vers un « mou­ve­ment de libéra­tion » (sic) des femmes.

Robots rédacteurs

La table ronde « Les jour­nal­istes face au robot » est l’occasion pour les inter­venants de se pos­er la ques­tion de l’impact des robots et algo­rithmes sur le méti­er de jour­nal­iste. De l’algorithme générant une sélec­tion d’articles en fonc­tion de critères pré­cis au robot rédi­geant des arti­cles, les usages sont mul­ti­ples. Claude de Loupy, co-fon­da­teur de Syl­labs, per­suade la cinquan­taine de per­son­nes présentes dans la salle que ses « moteurs de rédac­tion » recen­trent les jour­nal­istes sur la valeur ajoutée de leur méti­er. Le Monde avait fait appel lors des élec­tions départe­men­tales de 2015 à ces « robots rédac­teurs qui trans­for­ment vos don­nées en texte » pour génér­er des arti­cles sur le résul­tat des élec­tions pour les 36 000 com­munes français­es. Les robots se lim­it­eraient donc à assur­er une exhaus­tiv­ité de l’information qu’une armée de jour­nal­istes ne pour­rait per­me­t­tre et ain­si aug­menter l’audience des médias en ligne.

Un inter­venant fait remar­quer que les jour­nal­istes n’ont pas fait cinq ans d’étude pour faire du « bâton­nage de dépêch­es ». Il ne faudrait donc pas avoir peur des robots. « Comme tous les grands rem­place­ments, celui par les robots est un fan­tasme (sic bis). » dit un des par­tic­i­pants. Une autre util­i­sa­tion ingénieuse des robots est mise en avant : un bot du Finan­cial Times envoy­ant une noti­fi­ca­tion aux jour­nal­istes lorsqu’un arti­cle en cours d’édition cite trop d’experts mas­culins (sic ter). Mais « ce bot n’a aucune valeur con­traig­nante ». Nous voilà ras­surés. Avec ces inno­va­tions, le jour­nal­iste pour­rait devenir un fact-check­er (vérifi­ca­teur d’information) des arti­cles écrits pas les robots ain­si qu’un acteur cen­tral de la lutte con­tre les fake news/infox. Tout un programme.

L’innovation peut elle s’enseigner ?

Une autre table ronde se pose la ques­tion de l’enseignement de l’innovation dans les for­ma­tions au jour­nal­isme. Les respon­s­ables de rédac­tions ou d’écoles présents détail­lent les mesures pris­es pour insuf­fler l’innovation dans leurs équipes. Le jour­nal­iste de demain se doit d’avoir « l’esprit entre­pre­neur­ial et la capac­ité à pilot­er des pro­jets ». La présence de dirigeants du groupe Télé­gramme et Cen­tre France, groupes de presse régionaux, per­met d’appréhender le jour­nal­isme avec un regard moins parisien. Un mem­bre de l’association Pro­fes­sion Pigiste, au détour d’une réponse à une ques­tion du pub­lic, esquisse une piste d’innovation : « Quand on quitte Paris, on se rend compte à quel point la presse nationale évolue dans un monde très parisien. Un change­ment, ça serait aus­si une inno­va­tion. ».

Numérique mon amour

Une table ronde sur les nou­velles façons d’innover dans les médias est l’occasion de décou­vrir en com­pag­nie d’un représen­tant du Con­sor­tium Inter­na­tion­al des Jour­nal­istes d‘Investigation (ICIJ, ayant coor­don­né entre autres l’enquête des Pana­ma Papers) et de respon­s­ables de « lab­o­ra­toire média » des acteurs qui innovent dans leur manière de faire du jour­nal­isme en s’appuyant sur des out­ils numériques (traite­ment de don­nées, info­gra­phie, réal­ité aug­men­tée, etc). Un inter­venant con­clu­ra en rap­pelant que «l’objectif est seule­ment d’apporter de l’information aux lecteurs. Il ne sert à rien de croire qu’on fait de l’Intelligence Arti­fi­cielle parce qu’on a dit le mot Data. » Un adver­saire du progrès ?

Et l’autocritique de la profession ?

Lors de cette con­férence, les pro­pos sont restés cen­trés sur l’innovation tech­nologique. Si le sujet des fake news/infox n’a pour une fois pas été au cœur d’une con­férence sur le jour­nal­isme, la référence incon­tourn­able au Brex­it et à l’élection de Trump liés aux fake news n’a pas été oubliée. Celle du rôle des jour­nal­istes dans le divorce entre le peu­ple et les élites dans le résul­tat de ces élec­tions, quant à elle a été passée sous silence. Le thème a été un peu effleuré par quelques inter­venants et lors de la con­clu­sion de la journée par Bernard Stiegler, philosophe influ­encé par Jacques Der­ri­da : « Les gilets jaunes ont rai­son de cri­ti­quer les jour­nal­istes. […] Nous devons analyser nos erreurs ». Si l’on en croit les résul­tats épou­vanta­bles de l’enquête annuelle de La Croix, il y a plus qu’urgence…

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