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La couverture-choc d’un grand hebdomadaire polonais sur la censure qui sévit en France, en Allemagne et en Suède

12 janvier 2019

Temps de lecture : 4 minutes
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La couverture-choc d’un grand hebdomadaire polonais sur la censure qui sévit en France, en Allemagne et en Suède

Temps de lecture : 4 minutes

« La censure fait des ravages en Europe », clamait le 27 décembre dernier en Une l’hebdomadaire conservateur Sieci, le 4e titre le plus vendu sur le segment des hebdomadaires d’actualité en Pologne. Avec en sous-titre la mention « De quoi il est interdit de parler en Suède, en Allemagne et en France », la couverture présentait une jeune femme blonde bâillonnée au moyen d’un drapeau européen sur fond de Gilets jaunes avec le drapeau français, de voitures en feu, de tentes de « migrants » (sans doute à Paris), d’homosexuels en slip moulant avec des ballons aux couleurs du lobby LGBT, de victime d’attentat terroriste et d’islamistes brandissant un panneau comparant l’Europe à un cancer. Le titre de l’article sur la censure en Europe occidentale, écrit par la journaliste Aleksandra Rybińska, qui connaît très bien la situation en France et en Allemagne, deux pays dont elle parle la langue : « L’Européen bâillonné ».

https://twitter.com/yveslejeune/status/1084193740116422656

L’hebdomadaire Sieci (anci­en­nement wSieci) aime les cou­ver­tures-chocs. Il avait beau­coup fait par­ler de lui à l’étranger au début de l’année 2016 avec sa cou­ver­ture sur le « viol islamique de l’Europe ».

Cette nou­velle cou­ver­ture de Sieci a ceci d’intéressant qu’elle ren­voie à un arti­cle bien infor­mé sur les faits réels de cen­sure notam­ment en France, à un moment où les autorités polon­ais­es sont régulière­ment accusées de porter atteinte aux lib­ertés fon­da­men­tales et à la lib­erté des médias, prin­ci­pale­ment en rai­son du rem­place­ment de la direc­tion et des jour­nal­istes de la radio et la télévi­sion publique (ce qu’avaient fait aus­si les gou­verne­ments précédents).

« France : furie populiste »

La cen­sure qui sévit en France est en pre­mière place sous l’intertitre « France : furie pop­uliste ». Alek­san­dra Rybińs­ka men­tionne les accu­sa­tions portées con­tre les réseaux soci­aux face au mou­ve­ment des Gilets jaunes et la ten­ta­tion de régle­menter les infox/fake news  plutôt que de s’interroger sur les motifs du mécon­tente­ment populaire.

La jour­nal­iste polon­aise fait remar­quer que Macron mène une guerre con­tre les médias depuis le début de sa prési­dence et a encore ren­for­cé ses accu­sa­tions con­tre les réseaux soci­aux avec les man­i­fes­ta­tions des Gilets jaunes, alors que ces mêmes réseaux soci­aux étaient van­tés pour leur rôle à l’époque des « print­emps arabes ». Rybińs­ka men­tionne ensuite la nou­velle loi sur les infox/fake news  qui per­me­t­tra de blo­quer la dif­fu­sion d’informations sup­posées fauss­es en péri­ode élec­torale ain­si que l’accord passé entre le gou­verne­ment français et Face­book.

« Suède : ils veulent nous faire taire »

Vient ensuite le tour de la Suède avec un para­graphe sur le Näthats­granskaren, l’organisme sué­dois chargé de com­bat­tre les dis­cours haineux sur Inter­net, com­posé d’anciens policiers et de juristes qui passent leur temps à décor­ti­quer les com­men­taires, les dessins et les mèmes Inter­net, à la recherche de cri­tiques à l’encontre des minorités eth­niques, religieuses ou sexuelles.

Selon les chiffres pub­liés par le jour­nal sué­dois Afton­bladet, les pre­mières vic­times de cet organ­isme de sur­veil­lance sont les retraités, peu habitués qu’ils sont à con­trôler leur lan­gage et leur pen­sée afin de ne pas sor­tir du cadre du poli­tique­ment cor­rect. Âge moyen des cibles du Näthats­granskaren con­damnées par la jus­tice pour inci­ta­tion à la haine : 55 ans.

Allemagne : privatiser la censure

La par­tic­u­lar­ité alle­mande, c’est que la sur­veil­lance des Inter­nautes a été con­fiée à une fon­da­tion, Amadeu-Anto­nio, dirigée par une cer­taine Anet­ta Kahane qui était à l’époque de la RDA une con­fi­dente rémunérée de la Stasi, la police poli­tique com­mu­niste. C’est l’ancien min­istre de la Jus­tice (de décem­bre 2013 à mars 2018) et actuel min­istre des Affaires étrangères Heiko Maas qui lui a con­fié ce rôle en 2015.

En tant que min­istre de la jus­tice, Maas, du par­ti social-démoc­rate SPD, s’est beau­coup engagé dans la lutte con­tre l’extrême droite com­prise, selon Rybińs­ka, comme englobant toutes les per­son­nes avec des opin­ions à droite du SPD. C’est lui qui est à l’origine de la loi oblig­eant, sous peine de lour­des sanc­tions finan­cières, les réseaux soci­aux à sup­primer sans délai tout ce qui pour­rait s’apparenter à un « dis­cours de haine » : la Net­zw­erk­durch­set­zungs­ge­setz ou Net­zDG.

La Fon­da­tion Amadeu-Anto­nio a par­ticipé à l’élaboration de cette loi, sans doute, iro­nise la jour­nal­iste polon­aise, pour met­tre à prof­it l’expérience de l’ancienne agente de la Stasi. Anet­ta Kahane con­tin­ue ain­si de lut­ter con­tre le « fas­cisme » comme à l’époque com­mu­niste, et elle a dit plusieurs fois dans les médias que la cen­sure d’Internet est indis­pens­able pour lut­ter con­tre la haine à l’égard des immi­grants et de la gauche. Sur la liste des groupes représen­tant une men­ace pour l’État établie par sa fon­da­tion, on trou­ve même, à côté du par­ti Alter­na­tive pour l’Allemagne (AfD), la CDU de la chancelière Angela Merkel. Une con­cep­tion très élargie des groupes dangereux…

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