« La censure fait des ravages en Europe », clamait le 27 décembre dernier en Une l’hebdomadaire conservateur Sieci, le 4e titre le plus vendu sur le segment des hebdomadaires d’actualité en Pologne. Avec en sous-titre la mention « De quoi il est interdit de parler en Suède, en Allemagne et en France », la couverture présentait une jeune femme blonde bâillonnée au moyen d’un drapeau européen sur fond de Gilets jaunes avec le drapeau français, de voitures en feu, de tentes de « migrants » (sans doute à Paris), d’homosexuels en slip moulant avec des ballons aux couleurs du lobby LGBT, de victime d’attentat terroriste et d’islamistes brandissant un panneau comparant l’Europe à un cancer. Le titre de l’article sur la censure en Europe occidentale, écrit par la journaliste Aleksandra Rybińska, qui connaît très bien la situation en France et en Allemagne, deux pays dont elle parle la langue : « L’Européen bâillonné ».
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L’hebdomadaire Sieci (anciennement wSieci) aime les couvertures-chocs. Il avait beaucoup fait parler de lui à l’étranger au début de l’année 2016 avec sa couverture sur le « viol islamique de l’Europe ».
Cette nouvelle couverture de Sieci a ceci d’intéressant qu’elle renvoie à un article bien informé sur les faits réels de censure notamment en France, à un moment où les autorités polonaises sont régulièrement accusées de porter atteinte aux libertés fondamentales et à la liberté des médias, principalement en raison du remplacement de la direction et des journalistes de la radio et la télévision publique (ce qu’avaient fait aussi les gouvernements précédents).
« France : furie populiste »
La censure qui sévit en France est en première place sous l’intertitre « France : furie populiste ». Aleksandra Rybińska mentionne les accusations portées contre les réseaux sociaux face au mouvement des Gilets jaunes et la tentation de réglementer les infox/fake news plutôt que de s’interroger sur les motifs du mécontentement populaire.
La journaliste polonaise fait remarquer que Macron mène une guerre contre les médias depuis le début de sa présidence et a encore renforcé ses accusations contre les réseaux sociaux avec les manifestations des Gilets jaunes, alors que ces mêmes réseaux sociaux étaient vantés pour leur rôle à l’époque des « printemps arabes ». Rybińska mentionne ensuite la nouvelle loi sur les infox/fake news qui permettra de bloquer la diffusion d’informations supposées fausses en période électorale ainsi que l’accord passé entre le gouvernement français et Facebook.
« Suède : ils veulent nous faire taire »
Vient ensuite le tour de la Suède avec un paragraphe sur le Näthatsgranskaren, l’organisme suédois chargé de combattre les discours haineux sur Internet, composé d’anciens policiers et de juristes qui passent leur temps à décortiquer les commentaires, les dessins et les mèmes Internet, à la recherche de critiques à l’encontre des minorités ethniques, religieuses ou sexuelles.
Selon les chiffres publiés par le journal suédois Aftonbladet, les premières victimes de cet organisme de surveillance sont les retraités, peu habitués qu’ils sont à contrôler leur langage et leur pensée afin de ne pas sortir du cadre du politiquement correct. Âge moyen des cibles du Näthatsgranskaren condamnées par la justice pour incitation à la haine : 55 ans.
Allemagne : privatiser la censure
La particularité allemande, c’est que la surveillance des Internautes a été confiée à une fondation, Amadeu-Antonio, dirigée par une certaine Anetta Kahane qui était à l’époque de la RDA une confidente rémunérée de la Stasi, la police politique communiste. C’est l’ancien ministre de la Justice (de décembre 2013 à mars 2018) et actuel ministre des Affaires étrangères Heiko Maas qui lui a confié ce rôle en 2015.
En tant que ministre de la justice, Maas, du parti social-démocrate SPD, s’est beaucoup engagé dans la lutte contre l’extrême droite comprise, selon Rybińska, comme englobant toutes les personnes avec des opinions à droite du SPD. C’est lui qui est à l’origine de la loi obligeant, sous peine de lourdes sanctions financières, les réseaux sociaux à supprimer sans délai tout ce qui pourrait s’apparenter à un « discours de haine » : la Netzwerkdurchsetzungsgesetz ou NetzDG.
La Fondation Amadeu-Antonio a participé à l’élaboration de cette loi, sans doute, ironise la journaliste polonaise, pour mettre à profit l’expérience de l’ancienne agente de la Stasi. Anetta Kahane continue ainsi de lutter contre le « fascisme » comme à l’époque communiste, et elle a dit plusieurs fois dans les médias que la censure d’Internet est indispensable pour lutter contre la haine à l’égard des immigrants et de la gauche. Sur la liste des groupes représentant une menace pour l’État établie par sa fondation, on trouve même, à côté du parti Alternative pour l’Allemagne (AfD), la CDU de la chancelière Angela Merkel. Une conception très élargie des groupes dangereux…