Asinus asinum fricat. Le grand prix des Médias de CB News, agence spécialisée qui couvre justement l’information médiatique, ressemble à un autosatisfecit du système, à l’heure où de moins en moins de lecteurs ont confiance dans la presse mainstream. Les Gilets jaunes n’ont fait qu’accélérer le mouvement, et pour garder la main, le système est obligé de recourir à une censure basse du front, mais 2.0 : effacement des audiences des pages d’extrême-gauche sur Facebook, nettoyage à la hache de Google News aux dépens de la réinformation régionale, censures du quotidien Présent par Facebook, censure de Google pour Breizh Info, censure puis rétablissement d’un article de l’Ojim par Facebook etc.
Prix publicitaire pour CB News
Parmi les médias primés, on retrouve Libération pour les hors-séries, la Croix pour les titres de presse, France Culture pour les radios. Pour ne blesser personne, le titre de la meilleure Une n’a pas été attribué, tandis que la répartition des prix montre la volonté d’en donner un peu à chaque annonceur ou capitaliste médiatique – il serait bête de fâcher une future source de revenus ou d’information.
Bien que ce « grand prix médias » n’apparaît que ce pourquoi il a été organisé, c’est-à-dire un événement à vocation publicitaire qui sert bien plus CB News que les médias primés, La Croix n’a pu s’empêcher de s’adresser un autosatisfecit doré sur tranche : « Notre joie a été vive de recevoir mardi le prix CB News du « meilleur titre de presse 2019 » décerné par un jury de professionnels des médias et de la communication. Ce prix, nous en sommes très fiers. Nous y voyons la reconnaissance de nos efforts pour honorer une certaine idée de l’information. […] Avec la volonté d’éclairer la marche du monde et le destin des hommes ». Rien que ça ! La Croix avait déjà été primée en 2014 par CB News, et classée seconde en 2012 derrière Libé, c’est dire.
La Croix entrée dans les mœurs modernistes
Derrière l’hubris de la rédaction, l’envers est moins flatteur. Fondée en 1883 par les Assomptionnistes, dix ans après le Pèlerin, La Croix fait partie du groupe Bayard (ex-Maison de la Bonne Presse avant 1969) qui a aussi la main sur 27% de la presse jeunesse en France. Cependant, La Croix, encore sixième journal de France en termes de diffusion, a depuis longtemps rompu avec son objectif premier qui était de créer les conditions d’un gouvernement respectant les valeurs chrétiennes et le plaçait en concurrence frontale avec les journaux anticléricaux ou laïcistes.
La laïcité est entrée dans les mœurs, et la soumission au politiquement et religieusement correct dans celle de La Croix – qui a supprimé dès 1968 la croix latine qui ornait sa manchette – à l’époque, cela correspondait aussi à la ligne résolument moderniste, voire crypto-marxiste, d’une grande partie des réformateurs du clergé, intellectuels ou chargés de mettre en place les changements radicaux du Concile dans les paroisses.
En 2017, le journal vote et appelle à voter Macron, comme nombre de ses confrères, mais en suivant une ligne résolument universaliste et sans-frontiériste : « Nous n’acceptons pas l’idée d’un choix déterminé par la crainte. Crainte de l’avenir, de l’Europe, du monde, de l’étranger, de l’autre. Nous ne pouvons-nous résigner à ce que l’on élève des clôtures autour de la France et à ce que l’on introduise des séparations entre les habitants de notre pays en fonction de leur nationalité ». En 2002 entre Chirac et le Pen, le quotidien avait déjà adjuré ses lecteurs de voter Chirac.
De même, La Croix semble assez opposée aux Marches pour la vie – au point d’en diviser la fréquentation par quatre en 2018, avant d’être corrigée sur Twitter par l’évêque de Gap. Opposition frontale aux populistes – comme les collègues mainstream, propagande de l’islam dans ses colonnes, croisières thématiques consacrées… au bouddhisme, publicité pour des prières organisées par des… protestants LGBT et d’une association « catholique LGBT », hors-série thématique de 100 pages pour taper sur le FN en 2016… La Croix semble avoir remisé ses convictions chrétiennes là où sont entreposés depuis le Concile chaires, dais de procession, chemins de croix, ornements anciens et soutanelles rouges : au grenier.
Avec les résultats qu’on sait : moins de 100 ordinations diocésaines par an (78 en 2019) contre une moyenne de 277 entre 1945 et 1949, des églises démolies ou vendues faute de servir, des diocèses de cinq paroisses où la plupart des villages n’ont plus de messe, des couvents qui ferment faute de vocations, le nombre de prêtres divisé par huit en cinquante ans… ce qui tranche d’ailleurs avec la bonne santé relative des établissements et paroisses traditionnels, adeptes de la messe en latin – ils représentent bon an mal an entre un quart et un cinquième des ordinations, pour 10% des fidèles pratiquants à peine. L’Eglise issue du Concile est soumise au politiquement correct : elle accueille les migrants, tape sur le Pen et vote Macron.
Quant à La Croix, elle n’échappe pas à la stérilité et à la soumission : sa ligne résolument en accord, avec les idées en vogue du moment ne séduit pas. Le journal a perdu un lecteur sur dix entre 2017 et 2018, et un sur 12 depuis 2008. Le prix CB News semble être un hochet pour un titre qui nie sa propre identité et qui préfère s’affadir, plutôt que de défendre ses convictions en se démarquant de la presse mainstream.