« Toujours pas de communiqué de l’EI pour revendiquer et se réjouir des résultats d’hier soir… » : ce Tweet ignoble émis par un député PS a récemment fait le tour des médias. Si le message a été supprimé aussitôt par l’auteur, il témoigne d’un drôle de discours de propagande qui se banalise chez les politiques, mais aussi, beaucoup plus grave, chez certains journalistes.
Le premier a avoir avancé, sans trembler du menton, que « Daech vote Front National » n’est autre que Renaud Dély, le rédacteur en chef de L’Obs, plus ou placardisé il est vrai, et que plus grand-monde ne prend au sérieux. Sur France Inter le 19 novembre, il trouvait déjà « quelques convergences de vue entre le FN et les terroristes ou du moins, quelques indices troublants ».
En effet, en voulant « bordéliser » la vie politique, le Front National ferait le jeu de la division et donc… de Daech. CQFD. « Alors, certes, on ne dira pas que le FN vote Daech, non bien sûr. Mais en revanche, ce qui est clair, c’est que Daech vote FN », conclut Dély.
Mais le journaliste n’en est pas resté là. Le 4 décembre sur le site de L’Obs, il récidivait en jugeant que le FN, en faisant référence à Charles Martel, refusait aux musulmans le droit d’être « des Français comme les autres ». De quoi « attiser les germes d’une guerre civile dans l’Hexagone. Un dessein qui apparaît en tous points comme le miroir de celui de… Daech ». Conclusion ? Le Front National avec ses « diatribes racistes et ses vitupérations xénophobes » sert « avec zèle » d’« agent recruteur aux djihadistes ». « Raison pour laquelle, tout à son ambition de déstabiliser la démocratie en France, Daech vote Front national. Qui le lui rend bien », ajoute l’auteur. Mettre à plusieurs reprises sur un même plan un parti démocratique et une bande d’assassins ne pose évidemment aucun problème déontologique à notre journaliste qui se scandalise par ailleurs de voir Marion Maréchal-Le Pen « souiller » l’historien Marc Bloch en le citant.
Malheureusement, Renaud Dély n’est pas un cas isolé. Après le « choc » du premier tour, d’autres journalistes ont commencé à reprendre ce discours, probablement dans l’idée de terroriser les électeurs FN en vue du second tour. Dans son édito du 6 décembre sur Rue89 (qui appartient à L’Obs) Pierre Haski estimait que Marine Le Pen pouvait, au lendemain de son succès au premier tour des régionales, remercier deux acteurs politiques : le groupe Etat islamique et François Hollande.
Pour Haski, les attentats du 13 novembre ont « avantagé le parti qui prône la plus grande fermeté » et qui « distille depuis toujours un discours anti-islam pernicieux ». « C’est exactement le calcul que pouvait faire Daech qui, selon tous les experts, cherche à provoquer la guerre civile, ou du moins de fortes tensions entre Français musulmans et non musulmans », ajoute-t-il.
Et comme « des régions présidées par le Front national, c’est plus de discriminations, de stigmatisations, de xénophobie », le parti frontiste se retrouve ici l’allié objectif, voire le complice, de l’État islamique !
Pour finir, citons un article de L’Express du même cru, qui pourrait être érigé en modèle de « manipulation par approximation ». L’article est titré « Pour Daech, le FN a raison: les musulmans n’ont rien à faire en France. » Comment le site de l’hebdomadaire compte-t-il s’y prendre pour faire passer cette (énorme) pilule ? En citant des « spécialistes », bien entendu.
Sauf que le principe même du recours aux « experts » consiste, justement, à nommer ces experts, ce que L’Express se garde bien de faire. Au début de son papier, Jérémie Pham-Lé affirme que « selon plusieurs spécialistes [sic], l’organisation Etat islamique (EI) se réjouit de la progression du vote frontiste, constatée lors du premier tour des régionales ». Quels spécialistes ? Le lecteur n’en saura rien.
Plus loin, il explique que « pour plusieurs spécialistes [re-sic], il existe un lien de dépendance entre les extrêmes, politique et religieux. Lesquels s’alimenteraient entre eux à travers leurs idées discriminatoires ». Enfin, toujours d’après ces spécialistes fantômes, on nous apprend que « le FN et l’EI partagent quelques valeurs communes mêmes s’ils sont, en apparence, radicalement opposés ». Quelles valeurs communes ? Là encore, mystère.
Mais l’article vire vite à la farce. En effet, la source principale qui fournit le fond du papier, ainsi que son titre, n’est autre que deux « partisans de Daech »… anonymes eux aussi ! Pour ces derniers, cités par David Thomson, une victoire du FN pousserait les musulmans « à faire la hijra [émigrer en terre d’Islam, comme la Syrie, NDLR] ».
Et Nicolas Hénin, journaliste ex-otage probablement atteint du syndrome de Stockholm, d’ajouter que « pour les djihadistes, le FN a raison quand il dit ‘la France aux Français’. Selon eux, les musulmans n’ont rien à faire dans une société occidentale comme la France, jugée terre de mécréants. L’EI a tout intérêt à ce que les musulmans se sentent de plus en plus mal à l’aise ».
Ne cherchez pas d’autres sources, il n’y en a aucune. L’État islamique n’ayant jamais communiqué sur le Front National, l’article de L’Express, avec son titre racoleur, n’a eu d’autres choix que d’avoir recours à des « spécialistes » anonymes et à des témoignages tout aussi anonymes, tous probablement sortis de l’imagination du rédacteur, pour entretenir cette idée en vogue : Daech et le FN, même combat ! Un modèle de journalisme…
Une question reste en suspens : à quand une campagne médiatique pour dévoiler l’alliance historique secrète entre le Ku Klux Klan et Malcolm X ?
Crédit photo : montage Ojim. Source.