Patrick Cohen obtient encore un zéro pointé. Face à Jordan Bardella, cette fois, vainqueur des élections européennes. Les membres de l’équipe de l’émission politique C à vous, sur France 5, apparaissent comme un groupe médiatique militant ancré dans l’idéologie du « progrès ». C’est encore pire quand l’invité appartient à un courant politique dont ils ne supportent pas la simple existence. Ce fut de nouveau le cas le mercredi 29 mai 2019, avec Jordan Bardella comme invité.
C à vous, est-ce encore à nous ? Nous, les téléspectateurs ?, devaient se demander nombre de personnes devant leur écran mercredi 29 mai 2019 en assistant à un nouvel esclandre provoqué par l’idéologie au pouvoir autour de la table. Ce n’est pas la première fois, la plus récente ayant conduit Nicolas Dupont-Aignan à quitter le plateau le 6 mars 2019. Les altercations avec certains journalistes sortant du cadre de leur métier, la caricature en étant Patrick Cohen, deviennent récurrentes.
Pas de questions, mais des accusations
L’émission animée par Anne-Elisabeth Lemoine invite Jordan Bardella puisque la liste du RN a gagné les élections. Dès que Patrick Cohen a la parole, les questions prennent une tournure qui n’est plus journalistique, même si Lemoine et Cohen semblent ne pas le voir, affirmant même sans arrêt le contraire. D’emblée, le ton de Cohen est agressif. Bardella pose la question du mode de scrutin en général, comparativement à une Europe où presque partout le système est proportionnel. Au contraire, en France le mode de scrutin législatif donne 7 députés au premier parti de France. Sur ce sujet, silence radio des journalistes.
Patrick Cohen ne pose pas de questions mais tente de « piéger » son invité, ce qu’il ne fait jamais avec un invité plus Cohen/compatible.
Il emploie sans cesse l’expression extrême droite au sujet des partis souverainistes et populistes. Bardella lui répond : « Non, il n’y a pas d’extrême droite, arrêtez d’insulter les gens, il y a des partis souverainistes qui défendent le projet d’une autre Europe ». Certains médias, à l’image de Cohen, ne saisissent pas ou ne veulent pas voir : ils se battent contre un autre chemin possible, et donc en faveur d’une idéologie unique actuellement au pouvoir. Désireux de montrer que le RN serait un mouvement d’extrême droite en passe de s’allier avec des partis eux aussi, selon Cohen, d’extrême droite, le « journaliste » devenu réellement hargneux, voir la vidéo vers 10’25, fait alors référence à l’Aube dorée, et « aux nazis du parti grec ». L’obsession devenue ridicule du retour permanent aux années 30 s’exprime sur le service public. Réponse de Bardella : « Nous ne sommes pas alliés avec Aube dorée ». Ce que Cohen sait évidemment très bien.
Suprématisme estonien ?
Comme d’habitude, la fausse question de départ cache un autre aspect, Cohen ayant toujours un fil rouge conduisant au même point : les nazis seraient aux portes de son appartement parisien. Puisque Bardella indique ne pas être concerné par Aube dorée, il sort de son chapeau le parti souverainiste estonien et son chef avec qui « Marine Le Pen est allée faire un geste suprémaciste blanc », dit-il. Réponse de Bardella : « Non mais, arrêtez d’être méprisant monsieur Cohen, ça exaspère les Français… Ça, c’est un signe de suprémaciste blanc ? [Il y a, à l’écran, l’image de Marine Le Pen faisant l’émoticône « OK » présent sur tous les téléphones], soyez honnêtes, faites pas preuve de mauvaise foi, je peux répondre ? [tout le monde est en train de lui couper la parole, il n’y a plus de journalistes sur le plateau, mais des opposants au RN], monsieur Cohen vous pouvez jouer l’insulteur public numéro 1, en l’occurrence le parti estonien en question est au pouvoir, ne vous en déplaise, il a été porté au pouvoir par les estoniens et il est allié avec un parti centriste qui est dans le même groupe que monsieur Macron au parlement européen. Il n’y a pas un seul français qui nous regarde qui considère que ce geste est un geste de suprémaciste ». Cela devrait clore le « débat » sur le sujet.
Tribunal de la bien-pensance
Ce n’est pourtant pas le cas puisque l’émission, contrairement à ses prétentions, n’invite pas mais convoque devant un tribunal de la bien-pensance libérale libertaire, versant centre gauche. Donc, Cohen : « On voit qu’ils font de la plongée sous-marine ». Bardella : « Il n’y a que chez vous, où les rédactions sont un peu prises de paranoïa en ce moment qui y voient des gestes suprémacistes. C’est ridicule ». Alliance ? « Nous sommes alliés avec ce parti qui est aujourd’hui au pouvoir, monsieur ».
Cohen fait les comptes des députés, voulant démontrer que les souverainistes n’auraient pas gagné les Européennes et fait preuve d’un mépris dont ni lui ni Lemoine ne se rendent compte, voir à partir de 14’10. Ce qui conduit logiquement le jeune élu à pointer ce mépris : « Vous vous comportez comme un petit inquisiteur, ce n’est pas respectueux pour les 5 millions de Français qui ont glissé un bulletin de vote RN dans l’urne… » (…) Monsieur Cohen, est-ce qu’on peut terminer une phrase [il est vrai que depuis 20 minutes, il ne peut pas terminer une phrase], ce qui est insupportable avec vous c’est que vous êtes payé avec l’impôt des Français, y compris avec celui des électeurs qui ont voté pour moi dimanche dernier, donc il faut être un peu plus objectif, un peu plus neutre, un peu plus respectueux des gens que vous invitez sur les plateaux (…) ce sont pas des questions, vous balancez des incantations, avec mépris, arrogance et peut-être un peu de gêne puisque sans doute le résultat de dimanche dernier ne vous plaît pas ».
Avec un client auquel les animateurs ont du mal à s’opposer, l’émission permet plusieurs constats :
→ Les journalistes d’une génération plus ancienne que celle de Bardella ne sont pas prêts pour affronter leurs nouveaux clients, rompus aux insultes et autres noms d’oiseaux de longue date, et qui assument leurs idées. Bardella : « vous sortez des rengaines vieilles de 30 ans ».
→ Certains journalistes prolongent le jeu mitterrandien consistant à lutter contre une prétendue extrême droite, concept dont ils n’expliquent jamais le sens. Concept vide qui devient inintelligible et inopérant.
→ A ce jeu, certains médias, s’enferment dans un dogme qui apparait chaque jour plus outrancier à la majorité de la population. Ces mêmes médias qui prétendent ne pas comprendre pourquoi ils sont trop souvent méprisés.
Le traitement de l’invitation de Jordan Bardella sur C à vous confirme combien certains « ténors » médiatiques Français sont à côté de la plaque à vouloir mettre des chemises brunes à toute personne pensant l’Europe autrement qu’eux. Au moment où des journalistes sont convoqués par la sécurité intérieure pour s’être penchés sur certains agissements de la présidence Macron, ce qui devrait bien plus les inquiéter. Reste une bonne nouvelle : si certains journalistes sont hargneux, leur hargne n’a plus de poids, elle est même devenue ridicule, voire contre-productive. Patrick Cohen, meilleur fourrier du RN ?