La FEJ demande des mesures plus fortes pour contrer la désinformation sur Internet, y compris « un régime de sanctions » contre les signataires du Code des bonnes pratiques contre la désinformation, c’est-à-dire Facebook, Google, Twitter, Mozilla, Microsoft ainsi que toute une liste d’annonceurs et agences publicitaires.
Algorithmes politiques
Ce Code de bonnes pratiques est un document adopté sous l’égide de la Commission européenne en octobre 2018. Il s’agit d’un mécanisme d’auto-régulation destiné à lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation circulant sur les réseaux sociaux, y compris en formant des équipes chargées de signaler ce qu’elles estiment être de fausses informations et par les mécanismes bien connus des médias sociaux et des moteurs de recherche : les fameux algorithmes qui permettent de mettre en valeur les informations jugées correctes et de source fiable tandis que l’on rend invisibles celles qui sont jugées comme étant potentiellement mensongères ou provenant de sources jugées non fiables. Le problème, c’est généralement la configuration de ces algorithmes et aussi le choix des experts chargés de signaler les « fausses nouvelles », comme lorsque Facebook a lancé avec huit médias français une opération de surveillance des informations figurant sur le réseau. Autre mécanisme bien connu des médias alternatifs de droite qui se plaignent de la censure dont ils sont victimes de la part des médias sociaux américains : la privation de revenus publicitaires. On trouve ces buts clairement exposés dans la déclaration de septembre 2018 de la commissaire européenne chargée de l’économie et de la société numériques.
La FEJ veut aller plus loin
Au Parlement européen, avant les élections de 2019 où l’on craignait une poussée des « populistes » de droite, l’impact politique de ce Code des bonnes pratiques contre la désinformation en ligne a été apprécié à sa juste valeur. Néanmoins, pour la Fédération européenne des journalistes, qui réunit les principales associations de journalistes des pays de l’UE, comme pour l’Association des télévisions commerciales européennes et le Conseil européen des éditeurs, ce mécanisme d’auto-régulation ne suffit pas. Il faut un régime de sanctions suffisamment dures pour contraindre les plateformes à lutter efficacement contre les fausses nouvelles et autres types de désinformation qui, on le sait d’expérience, couvrent aussi malheureusement les informations avérées mais qui ne vont pas dans le sens voulu par les censeurs. C’est ainsi que, en France, Facebook bloque ou censure régulièrement les comptes de médias de droite tout ce qu’il y a de plus professionnels et sérieux : l’hebdomadaire Valeurs Actuelles, le quotidien Présent, TV Libertés – qui se plaint du rôle de CheckNews de Libération dans la censure qui l’affecte sur Facebook –, et même l’Observatoire du Journalisme.
Facebook censure Génération Identitaire
Certains thèmes semblent par ailleurs assez systématiquement censurés par Facebook. C’est par exemple apparemment le cas de toute présentation du mouvement Génération Identitaire sous un angle positif et de toute présentation critique du sort qui leur est réservé par les médias et l’appareil politico-judiciaire. On peut lire l’appel lancé à l’Union européenne et à la Commission en anglais sur le site de la FEJ. Dans ce texte, il est en gros demandé à l’UE d’adopter le genre de régulations que l’on trouve en France dans cette fameuse loi Avia qui vient d’être largement rejetée par le Conseil constitutionnel. Les régulations mises à la poubelle par notre Conseil constitutionnel risquent donc de nous revenir par la fenêtre depuis Bruxelles avec les encouragements d’associations de journalistes !
Le Covid comme prétexte
La Fédération européenne des journalistes explique toutefois son appel par le fait qu’on aurait assisté à une vague de désinformation depuis le début de la pandémie de Covid-19, avec « des conséquences sur les efforts de santé publique ». « La crise du COVID a accéléré et amplifié l’impact de la désinformation en ligne, parfois avec des conséquences mortelles », écrit la FEJ dans son appel aux autorités européennes sans citer de cas particulier et sans rien dire sur les cas avérés de désinformation sur cette pandémie par les autorités publiques et les grands médias.
La FEJ et la Hongrie : double langage
L’Observatoire du Journalisme a déjà relevé il y a quelques jours le paradoxe de voir une fédération d’associations de journalistes demander d’accentuer la lutte contre la désinformation en introduisant des sanctions contre les médias sociaux qui manqueraient de diligence quand il s’agit de faire le tri entre les informations à diffuser et celle qui ne doivent pas l’être, plutôt que de s’inquiéter de la censure politique et idéologique qui se développe depuis plusieurs années sous couvert de chasse aux « fake news ». Mais il y a un deuxième paradoxe, et de taille, dans l’attitude des organes dirigeants très politiquement corrects de cette FEJ : le 31 mars, la même Fédération européenne des journalistes exigeait de l’UE qu’elle condamne la Hongrie pour avoir introduit avec l’état d’urgence anti-COVID la possibilité de poursuivre et d’emprisonner les personnes qui diffuseraient intentionnellement des informations qu’elles savent fausses et qui seraient de nature à gêner la lutte contre la pandémie ou à semer la panique dans la population. L’état d’urgence hongrois est aujourd’hui levé et personne n’a été mis en prison au titre de cette loi. En effet, même s’il y a bien eu quelques arrestations, elles n’ont pas donné lieux à des poursuites et les personnes concernées ont immédiatement été relâchées. Car contrairement aux sanctions que demande la FEJ contre les médias sociaux qui ne lutteraient pas suffisamment efficacement contre la « désinformation », les sanctions prévues dans la loi hongroise nécessitaient de passer par les tribunaux pour pouvoir les mettre en œuvre.
En revanche une recherche Google avec le mot-clé « Avia » sur le site de la FEJ ne donne aucun résultat. Ces gens qui demandent plus de censure en Europe n’ont apparemment jamais lancé d’appel contre l’adoption de la loi Avia en France, ce qui peut tout de même surprendre de la part d’une organisation de journalistes.