Ou comment Le Monde traite la Manif Pour Tous dans sa nouvelle formule.
Si l’on en croit les chiffres OJD de janvier à août 2014 Le Monde doit changer et vite. Sur cette période les abonnements postés du quotidien ont diminué de 8% et la vente au numéro a chuté de plus de 11%. Si les versions numériques bondissent de 41%, elles compensent cependant tout juste les pertes de diffusion de la version papier et c’est cette dernière qui rapporte la plus grande partie de la valeur ajoutée. Pire, les « ventes aux tiers » (ventes à prix coûtant ou bradées aux compagnies aériennes, chaines hôtelières, etc.) représentent presque la même chose que les vraies ventes en kiosque : 54 000 exemplaires quotidiens contre 67 000.
Le changement est marqué depuis le 6 octobre par une maquette rénovée, aérée, mieux hiérarchisée, plus agréable à lire et une organisation rédactionnelle papier/numérique unifiée.
« L’évolution des usages et la métamorphose du paysage des médias nous obligent en permanence à nous réinventer et à repenser notre façon d’exercer notre métier de journaliste… Ce journal… se veut plus audacieux et mieux hiérarchisé. Il ose l’article au long cours mais aussi la photo, le dessin … Il assume ses choix dans la forme comme sur le fond…Il s’agit d’offrir un journal plus agréable à lire, complet mais pas indigeste, qui donne à ses lecteurs, à travers des angles et des sujets originaux, les clés d’une meilleure compréhension de l’actualité… Les temps et les journaux changent mais l’esprit demeure ».
Ces fortes paroles de Gilles Van Kote, directeur intérimaire du Monde, dans l’édition datée du mardi 7 octobre 2014 (disponible à Paris le lundi 6) marqueraient le début d’une nouvelle ère, donnant « les clés d’une meilleure compréhension de l’actualité ». Las, la lecture du premier numéro de la nouvelle formule n’incite pas à l’optimisme. Autrement dit, comme on pourra le constater, oui « l’esprit demeure ».
L’édition du 7 octobre consacre en effet 25 lignes, oui vous avez bien lu, 25 lignes en bas de page onze, pour saluer le « pari réussi » de la « Manif pour tous ». Même si l’on peut discuter à l’infini le nombre réel de participants, l’événement du dimanche méritait mieux sur un simple plan de déontologie journalistique que 25 lignes et une photo particulièrement ratée. Par contre sur la même page huit fois plus de signes sont consacrés à un entretien avec un « chercheur » qui enterrera la Manif Pour Tous sous le vocable d’« Une minorité bruyante, adossée sur de nombreux quiproquos et simplifications… qui … masque la majorité silencieuse ». Bien entendu ce mouvement est « surtout en phase avec une poussée conservatrice et réactionnaire. Une réaction qui agite des peurs ».
Mais il y a plus joli. Alors que la Manif pour Tous est enterrée, Abel Mestre (voir son portrait ici) se voit accorder deux-tiers de page dans la page précédente sur la « presse d’extrême droite » en grave difficulté. Dans cet article la LMPT est – fort opportunément – nommée trois fois, deux fois dans l’introduction une fois à la fin de l’article.
Le clair obscur cher au Monde demeure. La Manif Pour Tous – dont on peut penser du mal ou du bien – est évacuée prestement. 25 lignes pour 70 000 (estimation de la Préfecture) à 500 000 manifestants (estimation des organisateurs) , un entretien soigneusement choisi avec un des nombreux sociologues de service et un article de fond liant en filigrane (assez gros le filigrane) la Manif Pour Tous au sempiternel monstre de « l’extrême droite ». Faux cul ?
Voir notre infographie du Monde / Voir aussi : Laurent Ruquier : portrait
Crédit photo : Ojim (cc)