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La gauche intellectuelle en ligne 3/3 : AOC contre Steve Bannon

11 septembre 2018

Temps de lecture : 10 minutes
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La gauche intellectuelle en ligne 3/3 : AOC contre Steve Bannon

Temps de lecture : 10 minutes

Toujours correctement soutenus, d’une façon ou d’une autre, financièrement ou amicalement, ou les deux, les médias de la gauche libérale culturelle ne manquent pas. Ils ne changent guère non plus, machines militantes avant d’être médiatiques. La preuve par AOC.

Peu con­nu du grand pub­lic, lu sans doute essen­tielle­ment par son réseau d’auteurs et cer­taines franges mil­i­tantes de la gauche rad­i­cale uni­ver­si­taire, celle qui impose des cours autour de la théorie du genre, du « racisme de l’État français » ou des ques­tions dites « post­colo­niales » jusque dans les amphithéâtres des uni­ver­sités de sci­ences, AOC est un média avant tout poli­tique, fondé par Syl­vain Bourmeau, sur lequel l’OJIM s’est déjà penché. Un arti­cle pub­lié récem­ment en deux par­ties (21 et 22 août 2018) mérite d’aller voir de nou­veau si c’est tou­jours le libéral­isme cul­turel ten­dance bobo « rad­i­cal » qui y délire gen­ti­ment. Son sujet ? Steve Ban­non, un humain que le monde médi­a­tique offi­ciel imag­ine por­teur d’une grande cape noire et d’une immense faux, prêt à ras­er les démoc­ra­ties européennes.

Steve Bannon ? Il est partout !

Et avec lui vient « un léger par­fum de fas­cisme » (c’est le titre du pre­mier arti­cle d’AOC, classé dans la rubrique « analyse » du média en ligne) prêt à en découdre, par­don à faire « face au vieux monde » (titre du deux­ième arti­cle). L’auteur des neuf pages for­mant cet ensem­ble est Albert Ogien, directeur de recherche au CNRS, enseignant à l’EHESS (une bonne idée de ce qui se pro­duit là, en suiv­ant le lien) et à Paris 8, comme il se doit, serait-on ten­té de dire, pour tout mil­i­tant de gauche rad­i­cale faisant pro­fes­sion d’intellectuel, c’est-à-dire dont le tra­vail mil­i­tant est financé par l’État. On le croise aus­si sur France Cul­ture (for­cé­ment) et sur France Inter (for­cé­ment), l’ensemble for­mant un par­cours clas­sique de petites intel­lec­tu­al­ités entre amis de gauche libérale cul­turelle, man­datés pour for­mater la jeunesse. Les chances que l’article pub­lié dans AOC fasse preuve de recul sont a pri­ori assez faibles, mais qui sait ? Les neuf pages parais­sent en tout cas dans une péri­ode où Ban­non est forte­ment présent dans les médias français. L’américain est paraît-il respon­s­able de l’élection de Trump. Ce dernier que nos intel­lectuels par l’État financés jugent par avance « fou », sans doute sur la base de recherch­es sérieuses menées au sein du CNRS ou de l’EHESS, eux qui préférèrent Bernie Sanders puis Hillary Clin­ton (for­cé­ment). Partout ? Fin août et début sep­tem­be 2018, on par­le de Steve Ban­non (en mal) dans 20minutes, Europe 1, La Croix, Le Figaro, Le Monde, France 24, BFM, Ouest-France, L’Obs… L’idée ? C’est Ouest-France qui la résume le mieux : « Steve Ban­non veut la peau de l’Europe ». Rien que cela ? Sans doute puisque tous les médias évo­quant début sep­tem­bre une ren­con­tre entre Ban­non et Salvi­ni dis­ent que les deux voudraient « sauver l’Europe ». Ce sont les mots des deux hommes. « Vouloir la peau » et « sauver », il n’est pas dif­fi­cile de voir qu’il y a un souci de com­mu­ni­ca­tion entre le libéral­isme cul­turel médi­a­tique offi­ciel et le cou­ple Bannon/Salvini. En tout cas, Steve Ban­non ce n’est pas rien, au vu de la cou­ver­ture médi­a­tique et du fait que le « sérieux uni­ver­si­taire » se penche sur lui.

Appellation « antifa » d’Origine Contrôlée (AAOC)

Analyse uni­ver­si­taire, en apparence dans AOC. Per­son­ne ne saura sur­pris de décou­vrir qu’en réal­ité, la façade de l’université cache la forêt de la mil­i­tance « antifa », c’est-à-dire dog­ma­tique­ment fer­mée à toute pen­sée autre que celle dans laque­lle elle vit au quo­ti­di­en dans l’entre-soi. Les deux par­tis de l’article con­sacré à Steve Ban­non sont un mod­èle du genre.

Les mots de l’article 1 : Steve Bannon, un léger parfum de fascisme

‣ Le décor « uni­ver­si­taire » (sic) est plan­té d’emblée : « Qui est donc Steve Ban­non, cette fig­ure de l’alt-right améri­caine qui vient se mêler de nos élec­tions (reprise de « on est chez nous » ? NDR) en offrant son expéri­ence à l’extrême-droite européenne ? ».

‣ La séman­tique est au ren­dez-vous : « bru­tal », « décom­plexé », « relent de fas­cisme », « instru­men­talis­er », « citoyen.ne .s » (j’espère ne pas faire de fautes), « chemise noire sous veste de com­bat beige » (suiv­ez mon regard…), « guerre », « anéan­tisse­ment total », « vio­lence », « érad­i­ca­tion de l’ordre cos­mopo­lite », « cynique », « impos­er par la force », « manip­u­la­tion poli­tique », « fas­cisme soft », « célèbre la supéri­or­ité de la civil­i­sa­tion blanche », « homo­pho­bie », « islam­o­pho­bie », « misog­y­nie », « racisme », « essence de la tac­tique fas­ciste », « chaos »… 

‣ Les argu­ments d’autorité aussi :

« C’est avec le suf­frage uni­versel qu’il entend détru­ire les démoc­ra­ties occi­den­tales » (Là… le lecteur est sans voix…).

« C’est que les par­tis d’extrême droite ont décidé d’instrumentaliser à fond l’accueil des réfugiés » (pas « migrants », « clan­des­tins » etc, « réfugiés »).

→ (une élec­tion) « dont on peut crain­dre qu’elle ne se réduise à un référen­dum pour ou con­tre la présence musul­mane en Europe » (c’est donc ain­si que les ter­mes du débat poli­tique sont posés dans l’Université française ? L’OJIM serait curieux de savoir quel mou­ve­ment poli­tique répub­li­cain présen­tant des can­di­dats à ces élec­tions pro­pose de met­tre un terme à la présence de per­son­nes musul­manes en Europe).

→ Steve Ban­non ? « Dans ses plans, la prise (sic) du par­lement européen viendrait parachev­er l’œuvre qu’il se flat­te d’avoir accom­plie en assur­ant les suc­cès du Brex­it en Grande-Bre­tagne et de Trump aux USA. Car une fois ce grand chelem réal­isé, l’espoir de refaçon­ner le cours du monde serait enfin à portée » (il ne sem­ble pas venir à l’esprit de l’universitaire que Trump et le Brex­it résul­tent de proces­sus élec­toraux démoc­ra­tiques, tout comme son hypothèse d’une vic­toire de la volon­té sup­posée de Ban­non en 2019).

« Ce qui exige une mesure d’urgence : le rétab­lisse­ment des fron­tières pour restau­r­er une sou­veraineté bafouée. Cette poli­tique de « nation­al­isme économique » vise à sous­traire les ouvri­ers et les employés blancs (il existe donc des races ? NDR) à la con­cur­rence déloyale que les pays à bas coût de main d’œuvre et les migrants de toutes orig­ines font peser sur les emplois et les salaires »

« exal­ta­tion de la supéri­or­ité de la civil­i­sa­tion chré­ti­enne, qui serait men­acée par l’invasion musul­mane d’une part, et par l’hédonisme indi­vid­u­al­iste propagé par le libéral­isme, d’autre part. Et, pour faire front à cette dou­ble men­ace, il importe de réac­tiv­er le respect intran­sigeant de la hiérar­chie « naturelle » qui dicte aux « inférieurs » — noirs, femmes, LGBT, migrants, juifs, musul­mans – de baiss­er la tête et de ras­er les murs et les dis­suade de réclamer fière­ment l’égalité des droits ». (Objec­tive­ment… si c’est ce qui se passe dans les murs de l’EHESS, cela deman­derait une inter­ven­tion de l’État. Pour le reste, l’OJIM attend des témoignages con­crets de cette réal­ité cen­sé­ment majori­taire en France telle qu’ici « décrite »).

→ Ban­non est sup­posé vouloir impos­er un « redresse­ment nation­al », « au mépris sou­verain des cri­tiques, des oppo­si­tions et des résis­tances que le recours aux organes de répres­sion de l’État aura tôt fait de cir­con­venir » (un peu comme le cou­ple Macron/Benalla en somme ?) ; il voudrait « la sup­pres­sion de tous les con­tre-pou­voirs (par­tis, asso­ci­a­tions, ONG, syn­di­cats, etc) et la restric­tion du droit d’opinion (presse et médias présen­tés comme dif­fu­sant des fake news, jus­tice aux ordres, men­ace sur la cri­tique, intim­i­da­tion et répres­sion des opposants). » Nous n’inventons rien, tout ce que vous êtes en train de lire est réelle­ment écrit dans cette « analyse ».

Les mots de l’article 2 : Steve Bannon, face au vieux monde

‣ Le décor fausse­ment « uni­ver­si­taire » (sic) est tout aus­si plan­té d’emblée : « Le débar­que­ment de Ban­non sur le sol européen rend un peu d’actualité à une ques­tion oubliée : la banal­i­sa­tion de l’attitude fas­ciste con­duit-elle à ren­dre accept­able l’instauration d’une société total­i­taire ? ».

‣ La séman­tique est tou­jours au ren­dez-vous : « fas­cisme », « forces obscures », « supré­matie blanche », « ten­ta­tion fas­ciste », « mobil­i­sa­tion totale »… 

‣ Les argu­ments d’autorité aus­si : il faut « voir le fas­cisme », « Par décence ou pusil­la­nim­ité ou rigueur sci­en­tifique, les ana­lystes et com­men­ta­teurs préfèrent ne pas utilis­er le terme fas­cisme pour qual­i­fi­er un pro­gramme ou un mou­ve­ment poli­tique ain­si sauf lorsqu’il reprend cette éti­quette. À son compte, ils trou­vent tou­jours un bon argu­ment his­torique ou poli­tique pour ne pas admet­tre qu’une idéolo­gie ou un racisme con­tem­po­rain mérite vrai­ment cette qual­i­fi­ca­tion » (au mépris de, par exem­ple, la « rigueur sci­en­tifique », le lecteur en reste baba étant don­nés les lieux d’émargement financier de l’auteur).

« Les démarch­es comme celle de Ban­non » (…) « salu­ent l’autorité, exal­tent la vio­lence, glo­ri­fient l’identité, propa­gent la haine et récla­ment l’institution d’une police de la pen­sée » (rien que cela… Ne pas oubli­er que Syl­vain Bourmeau, le patron d’AOC, a longtemps joué un rôle impor­tant sur France Cul­ture et Médi­a­part).

‣ Ogien évoque les « démoc­ra­ties représen­ta­tives qui se trans­for­ment insen­si­ble­ment en atten­tats total­i­taires » au sujet de la Pologne et de la Hon­grie (le fait que le par­ti de Mon­sieur Orban soit mem­bre du PPE au par­lement européen, au même titre que Les Répub­li­cains, vient-il accréditer cette « thèse » d’un « atten­tat » ?).

‣ Refu­sant l’usage académique du fas­cisme en tant que con­cept his­torique et de sci­ences poli­tiques, Ogien con­sid­ère comme plus crédi­ble sa déf­i­ni­tion per­son­nelle, laque­lle est con­sti­tuée de façon à pou­voir appli­quer le con­cept à Ban­non. La ques­tion n’est pas de mon­tr­er en quoi la pen­sée de Ban­non serait assim­i­l­able au fas­cisme en tant que con­cept académique, mais bien de trans­former la déf­i­ni­tion nor­male du fas­cisme en une nou­velle déf­i­ni­tion, afin qu’elle colle à Ban­non. Il s’agit donc d’inventer le réel. La déf­i­ni­tion est alors celle-ci : « Il serait plus judi­cieux d’envisager le fas­cisme comme une atti­tude, qui repose sur une vision du monde para­noïaque (un peu comme quand Ogien voit refleurir le fas­cisme partout ? NDR), apoc­a­lyp­tique et bar­bare et appelle à un com­bat sans mer­ci pour anéan­tir un adver­saire malé­fique et sournois qui met en péril la survie d’une race, d’un peu­ple ou d’une nation ». 

‣ Puisqu’il est donc acté que Ban­non serait « fas­ciste » par « atti­tude », et serait cet homme décrit dans le point ci-dessus, cela induira (indique prophé­tique­ment notre uni­ver­si­taire) « le gou­verne­ment par la ter­reur » (c’est écrit, si, si…), la ques­tion est celle des obsta­cles qu’il va ren­con­tr­er dans sa con­quête du Vieux Con­ti­nent. Il y en a trois : les insti­tu­tions, le fait qu’Ogien pense que les par­tis « nation­al­istes » ne voudraient pas la dis­pari­tion de l’Europe et l’espoir que les peu­ples ont « une aver­sion pour le fas­cisme ». Ras­surés ? Ogien pense improb­a­ble que la ques­tion migra­toire et « der­rière elle la con­struc­tion de la ques­tion musul­mane (cela n’existe pas, c’est con­stru­it, il n’y a pas de musul­mans en Europe, le CNRS et l’EHESS le dis­ent, avec un peu d’aide de Radio France) soit un mobile suff­isant pour entraîn­er une adhé­sion mas­sive au fas­cisme ». OUF ! C’est la huitième et avant dernière page, la dernière étant con­sti­tuée de notes (ser­vice min­i­mum) et l’universitaire nous ras­sure : le dan­ger fas­ciste (dont il par­le depuis le début, sup­posé­ment incar­né par Ban­non) en fait… n’existe pas. Plus : « Para­doxale­ment, la présence de Ban­non pour­rait être une aubaine ». Du coup, on se le demande : à qui prof­ite le sup­posé crime « fas­ciste » ambu­lant que serait Ban­non ? À la gauche, nous dit l’éminent directeur de recherche du CNRS.

Nous sup­posons que cet arti­cle sera compt­abil­isé dans les travaux annuels per­me­t­tant à l’auteur de con­serv­er ses posi­tions uni­ver­si­taires, autrement dit de jus­ti­fi­er de son tra­vail de recherche et son salaire, lesquels passent par des pub­li­ca­tions. Mais, s’agit-il vrai­ment de travaux uni­ver­si­taires ? Nous lais­sons la réponse à l’honorable lecteur.

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