Le nouveau classement de la liberté de la presse dans le monde par RSF vient de sortir. La conclusion de l’organisation est inquiétante : la liberté de la presse s’effondre partout. Guerres civiles, tensions sociales ou tout simplement politiques sécuritaires en sont les principales raisons.
Nombre de pays européens chutent parmi lesquels l’Islande, l’Italie – où de nombreux journalistes ont été intimidés pour avoir osé s’attaquer aux magouilles mafieuses ou politiques – ou encore Andorre dont les banques font figure de vache sacrée. Les politiques sécuritaires aux États-Unis, à Timor-Oriental ou encore en Russie et en Azerbaïdjan font aussi reculer la liberté de la presse. Elle décline aussi au Soudan du Sud, au Congo-Brazzaville et au Venezuela à cause d’un raidissement du pouvoir politique et de très fortes tensions sociales. Enfin, en Libye, virer Kadhafi n’aura servi à rien en la matière : le pays est devenu un trou noir que se partagent des milices et des islamistes, et où les rares journalistes sont condamnés à être des héros ou à fuir.
La Côte d’Ivoire, le Népal, la Tunisie et Madagascar gagnent en revanche plusieurs places au classement grâce à l’apaisement relatif de leurs crises sociales et politiques. De façon plus étonnante, la Mongolie gagne 34 places au classement après avoir engagé de significatifs efforts pour la liberté de la presse et l’accès aux informations.
Comme chaque année cependant, les biais du classement de RSF ne manquent pas d’interroger. Ainsi, si dans son analyse consacrée aux politiques sécuritaires, elle ne manque pas d’attaquer la Russie ou le Kazakhstan, il n’y a toujours rien sur l’Ukraine. L’organisation pourrait pourtant s’y intéresser : le pays s’effondre à cause d’une intense crise économique et d’une montée en puissance des potentats locaux et des mafias régionales, la guerre dans le Donbass – actuellement quasi-étouffée par le processus de paix de Minsk – justifie le flicage des journalistes et la suspension réelle des droits fondamentaux, les journalistes y sont agressés voire tués quand ils osent enquêter sur la corruption énorme du pouvoir central, des barons locaux et des milices privées. Ajoutons à cela l’interdiction d’émettre pour certains médias ou les listes noires de journalistes interdits d’entrée dans le pays et l’on a l’attirail parfait d’une dictature – et pourtant l’Ukraine n’est « que » 129e, alors que la Russie est à la 152e place. D’ailleurs le « score exaction » de l’Ukraine – l’index des agressions contre les journalistes – est supérieur à l’Azerbaïdjan ou au Soudan, deux pays pourtant pas tendres avec la presse : 73.17 en Ukraine contre 60.50 et 52.68 respectivement.
Dans son analyse RSF n’oublie pas la France, l’Australie, le Japon, la Turquie ou encore le Royaume-Uni qui ont mis en place des lois sécuritaires, et pourtant la France (38ème) gagne une place, alors que la loi sur la lutte contre le terrorisme et l’accès administratif aux données de connexion ont fait disparaître de facto la protection des sources des avocats et des journalistes, sans que cela ne fasse tiquer le Conseil Constitutionnel, dont le rôle de garde-fou est de plus en plus flou. Quant à l’Azerbaïdjan, RSF semble découvrir avec nombre d’associations pour la défense des droits de l’Homme que c’est une dictature. C’est pourtant le cas depuis des années mais cela n’a pas empêché sportifs et dirigeants européens d’aller y apprécier l’hospitalité locale il y a peu. En somme, ce pays ne pose de problème que lorsqu’il se rapproche de la Russie et de l’Iran dans le cadre d’une intégration régionale voire continentale – l’Union Douanière que la Russie a mis en place et où a adhéré l’Arménie et qu’il s’éloigne ainsi du camp occidental.