Le sort de Vincent Lambert et les prises de position des médias sont d’abord, chez nos voisins européens comme chez nous, une affaire de choix des mots. Hormis ceux clairement engagés en faveur du droit à la vie de la conception à la mort naturelle, et notamment les médias catholiques qui s’attachent à souligner l’état de conscience minimale ou altérée de ce patient, la plupart des médias européens reprennent le terme d’état « végétatif » pour décrire la situation vécue par Vincent Lambert avant sa mort le 11 juillet 2019 consécutivement à la suppression de son alimentation et de son hydratation artificielles. À ce sujet, Le Figaro publiait le 22 mai dernier un « petit lexique pour mieux comprendre l’affaire Vincent Lambert ».
Un ton descriptif
D’une manière générale, les journaux européens ont adopté dans cette affaire un ton descriptif, revenant sur l’accident de la route à l’origine de l’affaire et sur les rebondissements judiciaires sur fond d’affrontement judiciaire entre membres d’une famille déchirée. La question du non-respect par la France des injonctions de la Commission des droits des personnes handicapées (CPDH) de l’ONU, saisie par les avocats des parents de Vincent Lambert, est peu abordée, et presque toujours avec l’indication que le gouvernement français considère la demande du CPDH comme étant non-contraignante. En revanche, il est généralement bien précisé que c’est le gouvernement français qui s’est pourvu en cassation contre la décision de la cour d’appel qui avait obligé les médecins de l’hôpital de Reims à rétablir l’alimentation et l’hydratation de Vincent Lambert pour permettre au CPDH d’examiner son cas.
C’est ce qui permettait par exemple au journal italien Il Giornale, de centre-droit, d’affirmer le 12 juillet en titre, sous forme de citation, « Tué par l’État pour les coûts », dans un article du 12 juillet où sont ensuite cités tour à tour le Vatican, « qui parle de ‘défaite pour l’humanité tout entière’ », les parents de Vincent Lambert, qui estiment que leur fils a été « tué par raison d’État », et l’écrivain Michel Houellebecq qui avait violemment critiqué la mise à mort de Vincent Lambert dans une tribune publiée la veille dans Le Monde. En fin d’article, l’accusation « du comité pro-vie ‘Je Soutiens Lambert’ » (il s’agit en fait du comité « Je soutiens Vincent ») : « la France est en train de rétablir l’euthanasie des personnes handicapées ! Et le gouvernement exploite la vie et la mort de Vincent Lambert dans ce but idéologique sinistre ».
Mais plutôt favorable à la continuation des soins
En Angleterre, le Daily Mail ne s’y trompe pas non plus puisqu’il qualifiait cette affaire le 29 juin, après la décision de la Cour de cassation, de « cas qui fera date pour le droit à mourir » (landmark right-to-die case). C’est ce qui explique sans doute que le journal allemand Die Welt, également de centre-droit, a choisi le 11 juillet, comme Il Giornale cité plus haut, de privilégier les points de vue hostiles à l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation de Vincent Lambert. Le titre de l’article, « Les parents de Vincent parlent de ‘crime d’État’ », donne le ton. En effet, si la position du neveu et de l’épouse de Vincent Lambert, favorables à sa mort, sont brièvement données, une place plus large est laissée aux accusations des parents de Vincent Lambert contre l’État français et le docteur Vincent Sanchez du CHU de Reims, aux critiques de l’épiscopat français contre les médecins et les tribunaux, à l’appel du pape François « pour protéger la vie des gens ‘du début à la fin naturelle’ », à l’écrivain Michel Houllebecq ainsi qu’au député européen Nicolas Bay, du Rassemblement national, qui a dit, à propos de la mort de Vincent Lambert : « Une société qui décide sciemment de faire mourir un homme, parce qu’handicapé, nous conduit droit vers des dérives extrêmement dangereuses. ». Mais il faut dire que le sujet est particulièrement sensible en Allemagne en raison du passé national-socialiste avec son programme d’euthanasie des personnes handicapées, l’Aktion T4.
En Pologne, la presse catholique donne le ton
Si ces points de vue très critiques vis-à-vis de l’État français sont assez minoritaires dans la presse d’Europe occidentale comme dans la presse française, ils sont au contraire très représentés dans un pays de l’ex-Europe de l’Est comme la Pologne où le sort réservé au Français Vincent Lambert a aussi fait débat et suscité de nombreux articles. Il y a bien sûr en Pologne la presse catholique, comme Polonia Christiana, un site internet publiant également bimensuel papier et un hebdomadaire sous forme électronique, avec en couverture de l’e‑hebdomadaire du 12 juillet la photo de Vincent Lambert et le titre « La civilisation de mort tue ».
Sur le site de Polonia Christiana, un long article du correspondant en France du quotidien Gazeta Polska Codziennie, Bogdan Dobosz, qui explique que la mise à mort de Vincent Lambert est une victoire du lobby de l’euthanasie et de la franc-maçonnerie française dans leur lutte pour une plus large libéralisation de l’euthanasie. Le journal libéral Rzeczpospolita a quant à lui ouvert ses colonnes au journaliste Tomasz Terlikowski, hostile à toute forme d’euthanasie, qui estime, dans un éditorial intitulé « Le cas Vincent Lambert ou le culte meurtrier de l’efficacité », que priver une personne, même en état de conscience minimale, d’alimentation et d’hydratation « est une des formes d’euthanasie les plus cruelles ».