À peine les applaudissements consécutifs à la démission de Christiane Taubira étaient-ils terminés que les sourires se crispaient.
En lieu et place de l’architecte de la loi sur le mariage pour tous, François Hollande a nommé Jean-Jacques Urvoas au ministère de la Justice. De quoi inquiéter les défenseurs des libertés publiques et numériques. Aussitôt cette nomination rendue publique, Twitter s’est ainsi agité en rappelant le parcours du tout nouveau garde des sceaux.
C’est qu’une solide réputation le précède. Artisan du « Big Brother français », Urvoas est l’incarnation de la tendance lourde du sécuritaire. En 2014, il a soutenu corps et âme la loi antiterroriste instituant le blocage de sites internet sans recours à un juge. De même pour la loi de programmation militaire de la même année, qui a étendu le pouvoir de surveillance. Surtout, il a été le rapporteur de la loi Renseignement de juillet 2015 et de la loi sur l’état d’urgence de novembre 2015 qui a, d’après Numerama, « diverses implications pour Internet, dont la possibilité d’accéder aux données sur le Cloud depuis le domicile de personnes perquisitionnées, sans contrôle d’un juge ».
Un CV évocateur auquel il faut ajouter la mise en place de valises espionnes, les « Imsi-catchers », capables d’intercepter les échanges téléphoniques. Toujours d’après le site spécialisé Numerama, il est « un homme de la police, des services de renseignement, qui s’est fait le bras parlementaire armé des réformes sécuritaires depuis plusieurs années ». S’il a toujours lorgné sur le ministère de l’Intérieur, Jean-Jacques Urvoas préconisait, dans un livre paru en 2011, la fusion des ministères de la Justice et de l’Intérieur au sein d’un « grand ministère de la Règle et du Droit »…
Pour Adrienne Charmet-Alix, responsable de l’organisation La Quadrature du Net, cette nomination n’est pas rassurante. « Jean-Jacques Urvoas est un fin juriste, très habile politiquement, tout le monde le reconnaît. Mais à moins que la vocation lui vienne avec la fonction, il y a peu de chance de voir s’inverser cette tendance lourde au dessaisissement de la justice, du juge judiciaire, au profit du juge administratif et de la police », explique-t-elle. Pour celle-ci, Urvoas est « un fidèle soldat du ministère de l’Intérieur à l’Assemblée nationale, défendant bec et ongles ses positions. Ce n’est pas rassurant pour l’équilibre des pouvoirs ».
De plus, avec sa commission de contrôle sur l’état d’urgence, « il a paralysé toute critique parlementaire de l’état d’urgence en faisant croire qu’il contrôlait alors qu’il est main dans la main avec le ministère de l’Intérieur », ajoute-t-elle.
Pour Numerama, Jean-Claude Urvoas au ministère de la Justice c’est tout simplement le loup qui entre dans la bergerie. Ainsi, « la dangereuse glissade de la France vers la violation des libertés au nom de la sécurité n’est sans doute pas prête (sic) de s’inverser ».
Crédit photo : Parti socialiste via Flickr (cc)