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La Nouvelle République en pleine dérive

5 avril 2025

Temps de lecture : 9 minutes
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La Nouvelle République en pleine dérive

Temps de lecture : 9 minutes

La Nouvelle République couvre plusieurs départements de la région Centre-Val-de-Loire, et de la région Nouvelle Aquitaine.

L’aire d’influence de la « N.R. », comme dis­ent les gens du cru, ne cor­re­spond donc pas exacte­ment au découpage admin­is­tratif et poli­tique du pays, ce qui com­plique un peu la tâche des jour­nal­istes et des lecteurs. Mais le pre­mier prob­lème, avec La Nou­velle République n’est pas cette inadéqua­tion entre sa cou­ver­ture de dif­fu­sion et le périmètre des strates décisionnelles.

Situation de monopole

Le pre­mier vrai prob­lème, c’est évidem­ment la sit­u­a­tion de mono­pole de la N.R. sur sa zone d’influence. Comme dans la qua­si-total­ité du ter­ri­toire français, il n’existe plus qu’un seul quo­ti­di­en région­al dans les départe­ments qu’elle cou­vre. Cette sit­u­a­tion devrait l’inciter à la pru­dence dans le traite­ment de l’actualité, spé­ciale­ment de l’actualité poli­tique. Un mono­pole de l’information crée en théorie non pas un devoir de neu­tral­ité mais une sorte de devoir de plu­ral­isme. D’autant qu’il n’y a pas d’ARCOM pour veiller à cette diversité-là.

Dans le passé, la N.R., qui était grosso modo d’orientation rad­i­cale-social­iste, exerçait son méti­er avec une cer­taine mesure, et veil­lait à ne pas don­ner une dimen­sion trop mil­i­tante à ses com­men­taires. Les jour­nal­istes étaient de sen­si­bil­ités divers­es et évi­taient des pris­es de posi­tion trop cli­vantes, préférant don­ner la parole aux uns et aux autres.

La Nouvelle République en pleine dérive

Fin du journalisme à l’ancienne

Le mod­èle de ces jour­nal­istes « à l’ancienne » pour­rait être Pierre Josse. Elu sur la liste social­iste de Château­roux, la pré­fec­ture de l’Indre, le rédac­teur en chef des pages con­sacrées au départe­ment, homme de grande cul­ture, bib­lio­phile, pas­sion­né par les figues des grands jour­nal­istes du XXe siè­cle comme Hen­ri Béraud, Albert Lon­dres ou Joseph Kessel, Pierre Josse avait à cœur de pren­dre en compte les opin­ions de l’ensemble de ses lecteurs, et de les laiss­er libres de leurs choix, sans chercher à leur dis­tiller leur dose quo­ti­di­enne de moraline.

Mais nous n’en sommes plus là.

Les localiers font leur travail

Bien enten­du les jour­nal­istes de ter­rain (dont beau­coup de retraités cumu­lant emploi et retraite) assurent avec sérieux le tra­vail de « localier », la rubrique des chiens écrasés, si l’on veut. Denis Til­l­inac, Jean Mabire, qui com­mencèrent eux-mêmes leur car­rière de jour­nal­iste et d’écrivain dans des jour­naux de province, ont racon­té en leur temps la noblesse du « localier ».  Ces infor­ma­tions-là sont sou­vent des faits divers, posi­tifs ou négat­ifs, les seules infor­ma­tions qui restent lues, aujourd’hui, car sans con­cur­rence dans le paysage médi­a­tique, ce qui per­met d’ailleurs aux quo­ti­di­ens de province de ne pas déclin­er au même rythme que les quo­ti­di­ens nationaux.

La Nouvelle République en pleine dérive

Éditorialistes et chroniqueurs en pagaille

Mais la N.R. compte en out­re, aujourd’hui, dans ses rangs, une rib­am­belle d’éditorialistes, de bil­let­tistes, de chroniqueurs, les Luc Bour­ri­anne, Pierre Calmeilles, Ambre Philouze-Rousseau, Matthieu Le Gall etc., — si nom­breux qu’il est impos­si­ble de les citer tous -, qui nous « réga­lent » d’analyses sen­ten­cieuses, puisées aux meilleures sources du 100% poli­tique­ment correct.

Le naufrage du Parc Naturel Régional du Sud-Berry

C’est ain­si que nous avons droit, ces dernières années, aux tré­mo­los écol­o­gistes du quo­ti­di­en en faveur d’un Parc Naturel Région­al, une struc­ture sup­plé­men­taire cen­sée fédér­er des com­munes et des com­mu­nautés de com­munes du sud du Berry. Depuis 2017, la N.R. n’a pas ménagé son sou­tien à ce pro­jet qui aurait con­tribué, comme à l’habitude, à l’empilement des struc­tures publiques, avec leur cortège de créa­tions de postes de fonc­tion­naires et les charges divers­es qui vont avec. Mais fin mars 2025, la majorité des élus a voté con­tre ce pro­jet, et le préfet a signé la fin de la récréa­tion, ce qui a réjoui les prin­ci­paux acteurs du monde rur­al, à com­mencer par la Coor­di­na­tion rurale. À la trappe, ce PNR ! La N.R. en est réduite à manger son cha­peau, après huit années d’activisme de la plume en faveur de cet out­il ultra-coûteux.

Il existe déjà un Parc Naturel Région­al de la Brenne, dans l’Indre, bien plus cohérent sur le plan géo­graphique, mais qui, en trente ans de fonc­tion­nement, a déjà absorbé cent mil­lions d’euros, sans pour autant génér­er une relance pérenne de l’activité économique locale. Au con­traire, même, puisque la démo­gra­phie est en berne dans l’ensemble des com­munes con­cernées. Quand on sait que le seul bud­get de fonc­tion­nement du Parc de la Brenne représente plus de cinq mil­lions d’euros par an, on com­prend l’exaspération des Berrichons.

La Nouvelle République en pleine dérive

La Nou­velle République en pleine dérive

Echec de la campagne anti-caméras de surveillance

De même, La Nou­velle République appor­tait son sou­tien, certes un peu plus dis­cret, au maire social­iste d’Issoudun, André Laignel (l’un des rares maires de gauche du départe­ment de l’Indre), qui s’opposait, pour des raisons pure­ment idéologiques, à l’installation de caméras dans sa com­mune, ceci mal­gré la mon­tée d’une insécu­rité rurale, liée en par­ti­c­uli­er à la dif­fu­sion des stupé­fi­ants et à une immi­gra­tion, sou­vent qual­i­fiée de « roumaine », sans plus de pré­ci­sion. Il y a quelques jours, André Laignel, a retourné sa veste sur ce sujet : il y aura des caméras ici aus­si. La N.R. n’a pas davan­tage jugé utile d’expliquer le revire­ment de l’ancien min­istre de Mit­ter­rand ni la fin immé­di­ate de la cam­pagne de la N.R. con­tre les caméras de sur­veil­lance (N.R. du 21 mars 2025).

La N.R. pour un « grand remplacement rural » ?

Mais l’affaire la plus embar­ras­sante pour la N.R. » est cer­taine­ment celle du CADA de Bélâbre. CADA sig­ni­fie Cen­tre d’Accueil des Deman­deurs d’Asile. La N.R. s’est engagée sans nuance, pour les CADA, sans tenir aucun compte de l’avis de ses lecteurs. Ceux qui se reb­if­faient à l’idée de l’arrivée de 38 jeunes migrants mas­culins, mineurs de papi­er orig­i­naires d’Afghanistan, de Tchétchénie ou de Syrie dans un vil­lage de 900 habi­tants étaient qual­i­fiés, comme tou­jours,  d’extrémistes de droite mais la mobil­i­sa­tion, dans la rue, pen­dant 18 mois, de ces 900 habi­tants, le récent raz-de-marée élec­toral des par­tis de droite dans la région et spé­ciale­ment dans le can­ton, le cat­a­strophique bâclage tech­nique du dossier par le maire de Bélâbre, et les révéla­tions sur les abus de biens soci­aux de l’association Vil­taïs qui accom­pa­g­nait le mon­tage du pro­jet, y ont mis un terme. Là aus­si, c’est le préfet Lanx­ade qui a annon­cé, en décem­bre 2024 qu’il n’y aurait pas de CADA à Bélâbre. « Anéan­ti », titrait le 10 décem­bre le jour­nal­iste de la N.R. Bertrand Slézak, l’un des plus vir­u­lents opposants aux « man­i­fes­ta­tions orchestrées par l’extrême droite », évo­quant aus­si des « men­aces de l’extrême droite ».

Silence contre les menaces sur une jeune mère de famille

Mais le même quo­ti­di­en monop­o­lis­tique a été beau­coup moins loquace con­cer­nant les men­aces con­tre la jeune mère de famille Ludi­vine Fas­si­aux, organ­isatrice des man­i­fes­ta­tions ant-CADA. « Plus d’amour, moins de Zem­mour !», avait sous-titré La N.R., il y a un an, reprenant le slo­gan des antifas locaux venus de Poitiers. Ce « plus d’amour « s’était traduit à l’époque (le 11 mars 2023), par le sab­o­tage de la sonori­sa­tion des anti-CADA. « Les opposants au CADA se font couper le sif­flet », titrait, ironique, la N.R., sous la plume de Loïc Lejay.

Les vil­la­geois ont finale­ment obtenu gain de cause et le pro­jet a donc été annulé.  Après cette décu­lot­tée, le maire de Bélâbre, qui ne sera prob­a­ble­ment plus maire l’an prochain, suite à ce fias­co, a appelé à la « fra­ter­nité », regret­tant de ne pas avoir été com­pris par la pop­u­la­tion. Après un pas­sage à mi-mars sur CNews, racon­tant son com­bat, et l’échec des adeptes du grand rem­place­ment dans nos rural­ités, Ludi­vine Fas­si­aux a reçu des men­aces de mort : « Un couteau t’attend dans un tour­nant », et elle a retrou­vé sa voiture dégradée. Vis­i­ble­ment cer­tains sou­tiens du CADA et du maire n’ont pas écouté ses vœux de « fraternité ».

Avec LFI, « Tous unis contre le racisme »

Mais une toute récente affaire dévoile un peu plus le par­ti pris de la N.R., sa dérive, mar­quée par l’influence de LFI au sein de sa rédac­tion, Le dimanche 23 mars 2025, la N.R. a fait sa une avec la manchette : « Indre : tous unis con­tre le racisme ». il s’agissait claire­ment d’un sou­tien aux mobil­i­sa­tions lancées par Mélen­chon et LFI.

Pour­tant cette mobil­i­sa­tion nationale avait été refusée par la très grande majorité de la classe poli­tique. Seule une cinquan­taine de groupes ou grou­pus­cules d’extrême gauche : (out­re la CGT), le PCF, LFI bien enten­du, les jeuness­es com­mu­nistes, les trot­skistes du NPA, le groupet­to de François Ruf­fin, et comme à l’accoutumée la Ligue des Droits de l’Homme et la Libre Pen­sée. Le « grand mou­ve­ment de protes­ta­tion » fit un flop retentissant.

Dans le même numéro de la N.R. annonçant en « une » que dans l’Indre, les habi­tants étaient « tous unis con­tre le racisme », le jour­nal­iste de la N.R., Aziliz Le Berre avait comp­té 150 man­i­fes­tants, ce qui était déjà généreux, car un obser­va­teur de l’Observatoire du jour­nal­isme, présent devant la pré­fec­ture, n’a dénom­bré, lui, que 126 marcheurs, soit 2,5 man­i­fes­tants par organ­i­sa­tion sig­nataire de l’appel mélen­chon­iste. Dans un mini-cortège très clairsemé, il était facile, en effet de compter chaque par­tic­i­pant. À l’échelle du départe­ment, cela représen­tait donc net­te­ment moins d’un habi­tant sur mille. Piètre résul­tat, con­stat de faib­lesse dans un départe­ment où le fos­sé se creuse tou­jours plus entre le grand média local et la population.

À peu près à la même heure, un rab­bin était agressé dans les rues d’Orléans, la cap­i­tale régionale des départe­ments cou­verts par la N.R. Un symbole.

Agath­on

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