Les journalistes français des médias de grand chemin ne font pas exception à leurs confrères d’outre-Atlantique : quand un sujet semble « populaire », ils s’en emparent de façon mimétique comme un banc de poisson. Après la mort d’un Noir à Minneapolis lors d’une interpellation policière, la tentative d’importation en France des tension raciales présentes aux États-Unis et de mise en accusation de la police est une vraie réussite. La bienveillante couverture médiatique du mouvement mené par des militants communautaristes et d’extrême gauche a permis à ce dernier de gagner en ampleur. Retour sur une comédie en 6 actes.
Acte 1 : la mort de George Floyd
La mort le 25 mai d’un Afro-américain appelé George Floyd lors d’une interpellation à Minneapolis aux Etats-Unis est un événement malheureux, comme tout décès. Ce qui aurait pu rester un fait divers a pourtant été l’élément déclencheur d’un mouvement international de protestation contre les violences policières et le « racisme anti-noir ». Le fait que l’interpellation ait été filmée y est pour beaucoup : voilà de quoi attirer l’attention des téléspectateurs. Les chaines d’information en continu ont rapidement passé les images en boucle, jusqu’à provoquer une colère complètement décontextualisée.
La large information faite au sujet des précédents violents du policier ayant interpellé George Floyd est venue alourdir le dossier à charge. Un dossier alimenté par la mise en avant, à l’image du Parisien, d’autres mauvais traitements dont ont été victimes des afro-américains.
Saisissant l’occasion au bond, des militants communautaristes, décoloniaux et antifas américains ne se sont pas limités à accuser un policier qui aurait dû être révoqué depuis longtemps. C’est selon eux l’institution policière voire la société dans son ensemble qui doivent être remises en cause.
Les médias de grand chemin ont repris à leur compte cette version des faits au-delà des espérances de ses promoteurs. Signe d’un emballement médiatique, ils ont à de rares exceptions près passé sous silence tout ce qui pouvait affadir le statut de victime de George Floyd comme son lourd passé de délinquant et ses multiples condamnation révélées par le Daily Mail ou le fait que le policier ayant interpellé George Floyd était accompagné par deux collègues issus des minorités ethniques. On n’a pas trouvé davantage dans les médias de grand chemin une mise en perspective sur le racisme systémique de la Police américaine contre les afro-américains qui n’est selon plusieurs études pas démontré, comme souligné lors de l’émission I‑Media sur TV Libertés même s’il existe des brebis galeuses en son sein.
Les militants communautaristes et d’extrême gauche se sont néanmoins empressés d’exploiter cette affaire en organisant de nombreuses manifestations aux États-Unis et en Europe de l’ouest, au cours desquelles les violences ont été très fréquentes.
Acte 2 : la réactivation du mouvement de soutien à Adama Traoré en France
C’est dans ce contexte, avec une intelligence certaine de la situation, que la famille d’Adama Traoré, un jeune délinquant décédé en 2016 lors d’une interpellation, décide de faire connaitre le résultat d’une contre-expertise médicale à charge contre la Police. Valeurs actuelles soulignait déjà en 2016 que leur avocat avait organisé avec talent un campagne d’honorabilité de la famille Traoré avec le soutien actif de nombreux médias, en dépit des démêlés judiciaires de certains de ses membres soulignés notamment par Boulevard Voltaire. Les recettes semblent toujours éprouvées en 2020 selon Louis de Raguenel avec une nébuleuse communautariste et d’ultra gauche à obtenir vengeance et à soulever les banlieues. En 2017, c’était le New York Times qui avait raccroché la mort d’Adama Traoré au mouvement Black lives matter. C’était déjà aussi « haro sur les flics ».
« Une nouvelle contre-expertise met en cause les gendarmes » selon Le Monde le 2 juin. « Quatre jours après la révélation d’une expertise médicale exonérant la responsabilité des militaires dans le décès d’Adama Traoré, les conclusions d’une nouvelle contre-expertise indépendante, réalisée à la demande des parties civiles, viennent la contredire ».
Ces éléments de langage ont été repris par l’ensemble des médias de grand chemin, sans plus de recherches sur ce qui différencie une expertise mandatée par le pouvoir judiciaire d’une « expertise indépendante ». Aucun média de grand chemin n’a en effet souligné que l’on ne s’improvise pas expert judiciaire, une fonction dont l’intéressé doit satisfaire à des conditions de technicité et d’indépendance très strictes, ni que l’expert judiciaire nommé par le Juge n’intervient pas pour défendre les intérêts du demandeur, son rôle se limitant à apporter au Juge des éléments nécessaires à l’instruction technique du dossier. Le Figaro et Valeurs actuelles sont bien seuls quand il modèrent les conclusions de l’expertise libre mandatée par la famille Traoré « chargeant » la Police. Qu’importe puisque cette expertise, la sixième, apporte de l’eau au moulin à un irrésistible mouvement « anti raciste » contre les « violences policières ».
Acte 3 : des manifestations en France largement médiatisées
Alors que le gouvernement continue d’interdire les rassemblements de plus de 10 personnes, et alors qu’il a su demander aux forces de l’ordre de réprimer les manifestations de gilets jaunes avec une rare violence causant éborgnements et autres blessures, plusieurs manifestations non autorisées contre le racisme de la Police ont été organisées en France à partir du début du mois de juin. La couverture médiatique de ces manifestations a été plus que bienveillante.
« On a en marre de cette chape de plomb sur les violences policières » titre L’Obs le 2 juin. Pour Le Monde, c’est « justice pour Adama » le 3 juin. « Une impressionnante manifestation contre les violences policières à Paris » selon France Info le 4 juin. Tout est à l’avenant.
En France comme aux États-Unis, les manifestations ont souvent été émaillées de violences, à Rouen, Paris, Lille, Toulouse, etc. sans que celles-ci aient un grand retentissement dans les médias. Des violences et des accusations caricaturales qui n’ont pas empêché de nombreuses vedettes de show biz d’apporter leur soutien à la famille Traoré, comme le souligne Closer. Des stars accablées du sanglot de l’homme blanc comme signe (involontaire ?) d’allégeance à l’ordre diversitaire marqué par les luttes communautaristes.
On aura noté que quand les médias de grand chemin relatent les violences commises contre les forces de l’ordre lors de ces manifestations, il s’agit exclusivement d’« incidents », alors que quand la Police intervient, il s’agit toujours de violences, comme si celle-ci détenait le monopole de la mise en accusation… C’est dans ce contexte que les médias de grand chemin ont interpellé l’opinion publique avec une question obsédante.
Acte 4 : La Police est-elle raciste ?
Bien que les manifestations ne rassemblent que l’arrière-cour des milieux communautaristes et d’extrême gauche, elles ont amené à partir de faits isolés les médias de grand chemin à s’interroger sur le racisme de la Police française.
En ce début de mois de juin, la question « La Police est-elle raciste ? » est soulevée dans de nombreux médias : Le Point, BFM TV, l’Est républicain, Libération, La Croix, etc. C’est bien souvent à partir de témoignages ponctuels et de cas individuels que cette question est traitée, comme si un arbre pouvait être représentatif de la forêt qui se cache derrière. Mais qu’importe ces réserves, on aura compris que les médias de grand chemin veulent participer au grand exercice d’introspection et de contrition déclenché par un fait divers intervenu il y a 4 ans. Comme le souligne Mathieu Bock-Coté dans Le Figaro le 6 juin, « Qui n’embrasse pas la révolution diversitaire devient un contre-révolutionnaire, un rebut historique ».
Signe que la mayonnaise a pris, le ministre de l’Intérieur se croit obligé d’affirmer derechef dans les médias qu’il se montrera « intransigeant vis-à-vis des policiers qui fauteraient ». Le ministre de l’agriculture LREM salue sur Sud radio le 3 juin un « rassemblement incroyable » à l’occasion de la manifestation interdite du 2 juin à Paris. Une manifestation au cours de laquelle l’inénarrable Camélia Jordana a appelé à prendre les armes. Message vindicatif reçu 5 sur 5, de nombreuses dégradations ayant été commises après la manifestation. Que fait la Police ?!
Acte 5 : où est l’analyse critique des médias de grand chemin
Il n’en fallait donc pas plus pour que les récents évènements aux États-Unis soient exploités pour mettre en accusation de la Police française. Cette mise en accusation intervient dans un contexte chargé : la France a connu pendant le confinement des violences urbaines de grande ampleur faisant plusieurs blessés parmi les forces de l’ordre, comme le soulignait encore peu Le Figaro. Selon des fuites dans les médias que nous soulignions dans un article le 30 avril, des consignes ont été données à la Police de ne plus intervenir dans les cités où le trafic de drogue va bon train. Ces signes d’un traitement différencié n’ont pas fait cette fois l’objet de réactions outragées de la gauche morale et du clergé cathodique.
On ne compte plus les jeunes faisant des « rodéos » à motos et dont les accidents sont immanquablement suivis d’ « incidents » comme à Argenteuil lorsque la Police est à proximité, même si elle n’est pas intervenue…On aura compris que c’est tout simplement la présence de la Police dans les banlieues de non droit qui est refusée par une minorité factieuse. Comme le soulignait un criminologue au site d’information Sputniknews, « la République française a décidé de ne plus rétablir l’ordre dans un certain nombre de quartiers ». Là n’était-elle pas la question de société du moment et non la complainte victimaire sans cesse relancée grâce aux médias ?
Car l’heure est-elle à une répression aveugle alors que la ministre de la justice a selon La Dépêche fait libérer par anticipation des milliers de délinquants ? Comme si cela ne suffisait pas, l’Express nous informe que Madame Belloubet a donné des consignes pour limiter les incarcérations de délinquants appréhendés. La question en ce mois de juin ne devrait-elle pas être : l’État garantit-il encore la sécurité des honnêtes citoyens ? Par un incroyable renversement accusatoire, ces questions ne sont aucunement posées par les médias de grand chemin, qui se sont empressés de monter en épingle une bavure malheureuse à plusieurs milliers de kilomètres de la France.
Par contre, chaque saisine de l’IGPN, la Police des Polices, est abondamment médiatisée dès qu’il y a suspicion de propos ou de conduites racistes, comme à l’occasion d’une arrestation sur l’Ile Saint-Denis. Là encore, l’arbre ne cacherait-il pas la forêt : la lecture attentive du dernier rapport de l’IGPN, la Police des Police vient pourtant infirmer le couplet victimaire. Parmi les infractions alléguées à l’encontre des forces de l’ordre, les injures à caractère raciste ou discriminatoire représentaient… 2,9 % du total.
On cherche également vainement des articles reprenant les statistiques du Ministère de l’Intérieur qui font apparaitre une surreprésentation des étrangers dans les mis en cause des crimes et délits commis en France. Pas de mention non plus d’un rapport parlementaire paru en 2014 qui accréditait la proportion de 60% de personnes d’origine étrangère dans la population carcérale. Tout ceci n’intéresse pas les médias de grand chemin quand il s’agit de participer à un grand moment de communion où il faut impérativement désigner et stigmatiser une profession, une stigmatisation qui est à l’origine de ce mouvement mondial mais somme toute marginal de protestation…
Acte 6 : vers la convergence des luttes ?
On aura compris que l’on est face à un emballement médiatique et que les médias de grand chemin sont à la recherche permanente de matière première pour l’alimenter. C’est ainsi que StreetPress révèle le 5 juin que des policiers auraient échangé des « propos racistes » sur Whatsapp. Une information amplement relayée le 6 juin, juste avant une nouvelle vague de manifestations organisées le jour même avec une couverture médiatique maximale des chaines d’information en continu. Des manifestations interdites mais tolérées tacitement par la Police. Alors, quand l’actrice et réalisatrice Aissa Maiga affirme devant les micros des médias lors de la manifestation du 2 juin : « nous ne laisserons pas la France tranquille », on peut croire que la caisse de résonance des médias de grand chemin apportera tout le concours requis. Au risque de souffler sur les braises dans des quartiers dont la partition avec le reste du territoire ne fait que s’accentuer. Peu importe que l’on vienne d’apprendre que deux gendarmes ayant participé à l’interpellation d’Adama Traoré étaient antillais comme le révèle Boulevard Voltaire. Une information qui visiblement n’intéresse pas grand monde. La fabrique de victimes est relancée, ne comptons pas sur les médias de grand chemin pour l’arrêter.