Fermeture d’un grand nombre de points de ventes surtout dans les grandes villes, confinement des acheteurs habituels, agonie de Presstalis distributeur des quotidiens et de certains magazines, la poste absente ou défaillante, effondrement de la publicité pour le papier, toutes les conditions sont réunies pour une accélération du digital pour nombre de médias.
Un secteur déjà mal en point
La presse imprimée représentait environ 11 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2007 et moins de 7 milliards dix ans plus tard, sans doute proche de 6 milliards début 2020 soit une baisse de 45% en treize ans. Au printemps 2020, la plupart des kiosques sont fermés en région parisienne, les Relay dans les gares et les aéroports également. En province les maisons de la presse, souvent des bars-tabacs, sont restés ouverts mais leur clientèle se raréfie.
Alors que la vente au numéro en kiosque était victime d’une attrition de 4 à 5% par an, les quotidiens et certains magazines se sont reportés sur les abonnements distribués par portage ou par La Poste. Las, La Poste est devenue aléatoire, les annonces ont fait le yo-yo, distribution seulement trois fois par semaine, puis retour à quatre jours voire cinq jours sans que les clients ne s’aperçoivent de la différence. Les titres qui avaient choisi le portage s’en sortent mieux ou moins mal.
Publicité et évènementiel en berne
Pas de distribution égale pas de publicité. Paris Normandie qui avait vu ses ressources publicitaires chuter de plus de 90% se met sous la protection du tribunal de commerce.
Beaucoup de titres avaient misé sur l’évènementiel. Le Télégramme avait brillamment investi ce secteur (la Route du Rhum, les Francofolies) qui représentait à lui seul quasi la moitié de ses activités. De même pour L’Équipe et le groupe Amaury avec le Tour de France reporté fin août (avec un risque d’annulation) ou pour Le Figaro, Le Monde et Les Échos avec leurs croisières et leurs conférences à forte marge, cette manne a disparue.
Chômage technique et télétravail
Des titres ont mis certains journalistes au chômage technique comme à Ouest France. Quasi tous recourent au télétravail faute de réunir des conférences de rédaction physiques. Des habitudes qui risquent de perdurer au moins partiellement de même que la diminution du nombre d’éditions.
Plus de digital et plus de concentration ?
Certains titres ont renoncé à l’imprimé comme le gratuit 20 Minutes ou le magazine people Point de vue. Le quotidien catholique Présent a renoncé pour un temps à la distribution en kiosque. Le magazine L’Incorrect a livré ses abonnés papier mais ne livre plus les points de ventes, substituant une version digitale quotidienne pour ses lecteurs. À l’inverse les magazines Éléments et Causeur ont choisi de rester en kiosque. Les journaux sportifs sont à la peine, Le Midi Olympique (alias le Midol alias le jaune, couleur du papier sur lequel il est imprimé) a bien du mal à remplir ses colonnes alors que le championnat de rugby est arrêté, Paris Turf ne paraît plus.
Tout ceci va accélérer puissamment le mouvement vers le digital. Il est à parier que des quotidiens comme Libération ou des hebdomadaires comme L’Express (groupe Drahi et apparentés) verront leur diffusion papier disparaître à l’exception des abonnés. Au même moment, les consultations digitales s’envolent, la plupart encore gratuites. Pour peu de temps sans doute, les grands titres renforcent leur paywall. Ceux qui sont adossés à de grands groupes financiers ou industriels sortiront de la crise plus digitaux, plus agiles. Les autres, ceux qui n’auront pas les moyens de s’adapter disparaîtront.