Nous reproduisons un très intéressant article de notre confrère normand en ligne Sire de Sei – Alliances de Normandie du 18 juin 2024. Les sous-titres sont de notre rédaction.
Un groupe de presse multi-médias 100% normand, 100% indépendant, c’est possible…
Ces temps-ci l’hebdomadaire normand le “Courrier cauchois” fête son 4000ème numéro : cela témoigne d’une belle vitalité malgré un contexte général inquiétant pour l’avenir même de la diffusion papier de la presse nationale ou régionale. En effet, la Normandie dont le territoire est pavé d’une vingtaine de pays locaux aussi anciens que vivants dans les pratiques sociales et culturelles, fait une notable exception avec une presse hebdomadaire locale qui conserve son lectorat avec de nombreux abonnés.
Deux groupes de médias dominent la Normandie
Cette presse hebdomadaire locale normande est diffusée par l’intermédiaire de deux grandes organisations: l’ogre du Grand Ouest, alias “Ouest-France”, avec sa filiale spécialisée “Publihebdos”, d’une part et, d’autre part, le petit Poucet normand du groupe Leclerc qui est le SEUL groupe de presse multi-médias 100% normand, 100% indépendant avec les hebdomadaires “La Manche Libre” diffusée essentiellement dans le Cotentin et au-delà et le “Courrier cauchois” diffusé sur le plateau cauchois et au-delà. A cela, ajoutons le réseau de la radio FM “Tendance Ouest”, première radio privée de Normandie et son site internet d’information locale et la publication gratuite de l’hebdomadaire “Tendance Ouest” sur le périmètre de l’agglomération caennaise.
En 2013, dans le cadre du séminaire Normandie de l’UP Caen dont le thème était “la Normandie déjà réunifiée”, nous avions consacré une conférence sur le projet régional normand du groupe Leclerc-La Manche Libre-Tendance Ouest :
Un Yalta de la presse régionale
On le sait, depuis le début des années 1980, le reflet médiatique régional normand est victime d’un Yalta de la presse régionale avec une Basse-Normandie intégrée à la zone de diffusion “Grand Ouest” du quotidien breton Ouest-France et une Haute-Normandie, zone de diffusion de l’un des plus petits quotidiens régional français, Paris-Normandie toujours basé à Rouen et qui a échoué dans son projet initial de s’imposer dans le val-de-Seine jusqu’aux portes occidentales de Paris face à la puissance du groupe Parisien-Aujourd’hui. Paris-Normandie a peut-être inscrit l’échec de sa diffusion territoriale dans son nom même et, de menaces de faillites en reprises, son sort se décide désormais à Lille voire outre-Quiévrain avec son rachat récent par le groupe Rossel qui vient d’annoncer un nouveau plan de réduction des effectifs…
Les espoirs déçus de la réunification de 2014
On aurait pu croire qu’avec la réunification de la Normandie en 2014, les cartes médiatiques de la PQR normande allaient être enfin rebattues et il y eut, en effet, quelques tentatives en ce sens: les Bretons de Ouest-France s’appuyant sur leur tête-de-pont bretonnante du Havre ont cru pouvoir partir à la conquête de Rouen, en vain. Tandis que du côté de Paris-Normandie on eut la tentation de reprendre pied comme autrefois sur la rive occidentale de la Seine en réintégrant Lisieux, la côte Fleurie et Honfleur dans la diffusion du titre rouennais qui a ajouté la mention “quotidien normand” sous son titre peu flatteur.
Wokisme et conformisme idéologique
Toutes ces tentatives tombèrent à l’eau face aux habitudes prises par un lectorat normand aussi vieillissant que localiste et face à la logique de diffusion impériale à la fois bretonne et nationale de Ouest-France qui devient, de plus en plus, un robinet d’eau tiède pollué par le wokisme, d’une part et la logique obsidionale d’une peau de chagrin rouennaise toute aussi tiède d’autre part, une large avenue s’ouvre pour une offre médiatique résolument normande assumant tous les angles sur le réel refusés par le conformisme idéologique d’une caste journalistique sur le déclin.
Voir aussi : Une fine analyse de la presse en Normandie
Échec de la reprise de Paris-Normandie
À l’occasion d’une énième défaillance du groupe diffusant le titre Paris-Normandie, on avait espéré voir enfin l’émergence de cette offre authentiquement normande : Hervé Morin, le président de la Normandie réunifiée depuis 2014 avait même suivi l’affaire de près en poussant dans l’aventure son homme de confiance, l’homme d’affaires et entrepreneur rouennais Jean-Louis Louvel.
Archive de l’Étoile de Normandie (22 avril 2017) : Un Normand se mobilise pour sauver PARIS-NORMANDIE dernier quotidien régional normand indépendant. — L’ÉTOILE de NORMANDIE, le webzine de l’unité normande (canalblog.com)
Mais la reprise de Paris-Normandie par le “roi de la palette” se solda par un échec : lors de la remise en vente de la société éditrice du quotidien rouennais, le groupe Leclerc-La-Manche-Libre-Tendance Ouest s’était d’ailleurs mis sur les rangs.
Mais les Normands conquérants venus du Cotentin ne purent trouver à Rouen l’accueil suffisant pour une réunification complète de la PQR normande et à défaut d’avoir fait la conquête de Rouen ils ont pris le contrôle, non sans succès, du Courrier cauchois dont la diffusion au numéro dépasse celle du quotidien rouennais.
Le belge Rossel imprime à Lille et supprime des emplois
La société des journalistes de Paris-Normandie avait donc préféré se placer sous la vassalité d’un groupe belge plutôt que d’intégrer le seul groupe multimédias normand 100% indépendant. Le prétexte d’alors était de sauver l’imprimerie rouennaise du journal car le projet de reprise par le groupe Leclerc proposait l’impression du quotidien rouennais à… Saint-Lô dans une usine ultra-moderne où les hebdos du groupe, La Manche Libre et le Courrier Cauchois sont déjà imprimés…
Sauf que le groupe belge Rossel fait désormais imprimer son canard rouennais à Lille avant d’annoncer un nouveau plan saignant de réduction des effectifs.
Les plus lucides à Rouen peuvent légitimement regretter la solution 100% normande d’un groupe Leclerc désormais intéressé par une aventure à la Plantagenêt dans les hebdos du Maine et de l’Anjou sur les marges de la zone de diffusion d’un Ouest-France sur le déclin mais encore tout puissant…
Source et article complet : siredesei.canalblog.com