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La résurrection des dinosaures, Serge July revient à Libération

10 janvier 2023

Temps de lecture : 4 minutes
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La résurrection des dinosaures, Serge July revient à Libération

Temps de lecture : 4 minutes

Non, les dinosaures (du grec deinos terrible et sauros lézard) que l’on croyait disparus lors de l’extinction du crétacé il y a presque 70 millions d’années ne sont pas morts ! La preuve : Serge July revient à Libération.

Du maoïsme à la société libérale

July fonde le jour­nal en 1973 avec Jean-Paul Sartre. Le man­i­feste fon­da­teur pub­lié le 5 févri­er 1973 donne le tempo :

« La majorité des rédac­teurs de la presse quo­ti­di­enne reçoit servile­ment des direc­tives fab­riquées dans les grands restau­rants où se ren­con­trent les faiseurs de la poli­tique offi­cielle. Le jour­nal­iste de Libéra­tion s’informe dans les cités ouvrières, les quartiers pop­u­laires, les vil­lages, parce qu’il y vit et y con­naît des gens ».

Le jour­nal sera sus­pendu en févri­er 1981 pour renaître en mai de la même année, avec un peu plus tard (1983) comme nou­veaux action­naires minori­taires Antoine Riboud (Danone) et Jérôme Sey­doux (Pathé). Les échecs de Radio Libé (1985), de Lyon Libé (1986) entraî­nent la créa­tion d’un Libé 3 (1994) qui sera un fias­co reten­tis­sant et ver­ra (début 1995) Jérôme Sey­doux devenir action­naire majori­taire à 66%. Les maos spon­tex des orig­ines sont loin.


D’un milliardaire à l’autre

Jérôme Sey­doux, sou­tien financier depuis 1983 – alors sur les con­seils de Jean Peyrel­e­vade à la fois du Crédit Lyon­nais et du Siè­cle – va se lass­er et fait appel en 2005 à Édouard de Roth­schild. Ce dernier con­seil­lé par Matthieu Pigasse (banque Lazard) met 20M€ au pot, promet de garder July jusqu’en 2012 tout en s’en séparant dès 2006. Plus pas­sion­né par l’équitation de haut niveau que par la presse, Roth­schild se lasse à son tour et fait venir deux nou­veaux action­naires, un ital­ien pro­prié­taire du quo­ti­di­en La Repub­bli­ca et Bruno Ledoux, une for­tune de l’immobilier qui devient action­naire de référence en 2012/2013.

Mais ce n’est pas fini ! En juil­let 2014, Patrick Drahi (SFR) s’invite au cap­i­tal et partage le pou­voir avec Bruno Ledoux à 50/50, puis en reprenant la total­ité en juin 2016. Un peu fâché d’être le puits qui rem­plit le ton­neau des danaïdes des pertes, il sort en mai 2020 pour céder le jour­nal à un pom­peux « fonds de dota­tion pour une presse indépen­dante » dont il a la pru­dence de nom­mer ses proches à la tête. Mais ce n’est tou­jours pas fini ! Libé s’offre un nou­veau mil­liar­daire en sep­tem­bre 2022 avec le Tchèque Daniel Křetín­ský qui donne 1M€ et « prête » 14M€. En atten­dant le suivant.

Voir aus­si : Křetín­ský passe la corde au cou de Libération

Retour du naufrageur

Ren­dons grâce à July, c’est bien lui qui a lancé le quo­ti­di­en. Ren­dons grâce à l’histoire et à la jus­tice, c’est aus­si lui qui l’a coulé avec une poli­tique folle de diver­si­fi­ca­tion (radio, antennes en province), c’est égale­ment lui qui l’a ouvert à la pub­lic­ité et aux joies du cap­i­tal­isme indus­triel (Riboud/Danone, Saydoux/Pathé puis Ledoux et Drahi) ou financier (Rotschild). Dans un com­mu­niqué pub­lié par l’AFP, le directeur de la rédac­tion Dov Alfon (ancien des ser­vices secrets israéliens) se réjouit du retour de l’enfant prodigue :

« Fig­ure cen­trale du jour­nal­isme français, grand obser­va­teur de la scène poli­tique depuis des décen­nies, auteur de biogra­phies pas­sion­nées et pas­sion­nantes, doc­u­men­tariste mul­ti­primé, Serge écrira des bil­lets dans la page Edi­tos à par­tir du 23 jan­vi­er ».

Ce retour est en effet un signe. On dit que près de mourir, nous revoyons notre enfance pour peut-être la revivre encore un peu. Rien ne dit que Libéra­tion mour­ra – il y aura tou­jours un mil­liar­daire pour le ren­flouer. Pourquoi ? Dans le dip­tyque du qual­i­fi­catif libéral lib­er­taire, le côté socié­tal lib­er­taire – woke, LGBTQ+, diver­si­taire – n’est là que pour servir de cache-sexe au côté libéral et financier, le rôle de l’idiot utile rien de plus. Le jour­nal se pâme dans la défense du cli­mat mais survit grâce au bon vouloir de Křetín­ský, prin­ci­pal opéra­teur des mines de char­bon et de lig­nite en Europe. Cer­tains se deman­dent pourquoi. Pas Křetín­ský. Et nous non plus.

Voir aus­si : Libéra­tion, infographie

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