[Première diffusion le 16 mai 2020]
Nous avons déjà longuement parlé de la loi Avia, une loi liberticide de plus après les lois Pleven, Gayssot, Taubira etc. C’est fait, la loi a été votée à une large majorité (les socialistes se sont courageusement abstenus) le 13 mai 2020 par l’Assemblée nationale et devrait rentrer en vigueur le 1er juillet après avis du conseil constitutionnel. Au même moment Laetitia Avia se faisait prendre les doigts dans le pot de confiture pour tenir des propos qui auraient été censurés par sa propre loi.
Une loi liberticide
Qui est pour l’amour ? Tous, tous, tous. Qui est contre la haine ? Tous, tous, tous. Mais qui dira ce qu’est un « discours de haine » ? Un juge ? Non, un algorithme de Facebook, Google ou LinkedIn, parfois aidé par un des censeurs humains engagés par les réseaux sociaux (Facebook en compte plus de 30.000). « Tout propos manifestement haineux » devra être supprimé dans les 24h sous peine d’une amende de 1,25M€, c’est le CSA qui assurera le contrôle.
Résultat ? Les réseaux sociaux censurent déjà largement pour se couvrir. C’est ce que fait depuis longtemps Laurent Solly, censurant par exemple toute image présentant Génération Identitaire de manière neutre ou positive. On pourrait imaginer que les lignes « l’opinion publique déteste les journalistes » ou bien « l’immigration n’est pas une chance pour la France » soient considérés comme des propos « haineux » contre les journalistes ou les immigrés, clandestins ou non.
Laetitia et le pot de confiture
Dans une rencontre tenue dans le cabinet de son avocat en novembre 2019 et où un représentant de l’Observatoire était présent, Laetitia Avia avait benoîtement avoué que la loi était d’abord pour « se protéger elle-même », des attaques dont elle pourrait être victime en tant que femme d’origine togolaise. Dont acte.
La veille du vote de la loi, le site Médiapart publiait un article dévastateur pour Laetitia Avia sous la signature de David Perrotin (nos citations, sauf mention contraire sont issues de cet article), reposant sur les déclarations de certains collaborateurs (passés ou présents) de la députée. La charmante Laetitia a pour habitude d’employer des expressions qui se trouveraient censurées par sa nouvelle loi. Visite guidée.
« C’est le chinois »
Le racisme anti-maghrébin c’est mal, anti-africain c’est très mal. Mais anti-chinois ? Il semblerait que non pour Laetitia. Un de ses anciens salariés d’origine asiatique en fait les frais. Un employé témoigne « C’était son bouc émissaire, elle l’appelait parfois « le chinois » ou reprenait des clichés racistes pour parler de lui », allant jusqu’à l’accuser d’avoir détourné un chèque en avril 2018
« ça sent le chinois ».
LGBT+ mon amour et « la loi des pd »
La députée se bat pour les droits des LGBTQ+ (vous pouvez rajouter un ou plusieurs+ selon votre goût ou vos orientations sexuelles). Sur Twitter elle s’affirme « très honorée de porter haut et fort notre combat contre le racisme, l’antisémitisme, l’homophobie sur internet : en mai, je déposerai une proposition de loi contre la cyberhaine ».
Ce qui ne l’empêche pas en avril 2018, après avoir voté un amendement en faveur des réfugiés LGBTQ+ de communiquer avec ses collaborateurs, sur un ton de grande franchise
« On a voté l’amendement des pd ».
Fermez les guillemets.
Un peu plus tard, le 6 juin 2018 elle critique la communication d’une ex-ministre
« C’est ma copine (mais) elle communique très mal sur ce qu’elle fait. C’est ce qu’il se passe quand tu mets un gay à la com ».
Les gays de Têtu apprécieront.
Un peu de sexisme, chérie ?
La lutte contre la haine inclut celle contre le sexisme, un rude combat que mène au premier rang et avec fierté Laetitia qui déclare en octobre 2018 « Je suis fière d’être parmi ces dix femmes qui montent au front contre le sexisme… ».
Oui da, mais…selon ses anciens collaborateurs « Elle insulte souvent les députées qu’elle n’aime pas, de pute. Elle se moque aussi beaucoup de leur physique ». Elle compare ainsi sa consœur Aurore Berger, députée LREM comme elle, au Pingouin de Batman ou se moque d’une jupe trop courte sur un plateau de télévision.
Un management esclavagiste ? “Biiiitch talking”
Laetitia a toutes les raisons du monde de lutter contre les comportements esclavagistes, sauf que, sauf qu’elle emploie des méthodes qui y ressemblent un peu (beaucoup, passionnément, à la folie ?). Comme en essayant de mettre fin au confinement d’une collaboratrice fragile.
Lors d’un licenciement (qui se terminera par une rupture conventionnelle), elle parle à ses collaborateurs de la future licenciée.
« Elle est malade là. Je vais l’exploser. (Quand) elle revient au bureau, vous lui mettez une chaise et elle reste là jusqu’à la fin de la journée », réclamant plus tard « Je vais avoir besoin de vous. J’ai besoin d’une attestation, parce que comme je ne lui pas notifié sa mise à pied à titre conservatoire, il faut que je puisse attester… »
Quand une avocate demande un faux témoignage à ses employés lors d’un conflit social.
Ne parlons pas des demandes de réservation à Roland Garros pour son mari, des demandes de lui brumiser les jambes en cas de fortes chaleurs, ni des copies de Sciences Po (eh oui, Laetitia Avia enseigne à Sciences Po, ça en dit long sur ce qu’est devenu l’école) qu’elle enjoint à ses collaborateurs de corriger au petit bonheur la chance pour gagner du temps.
Plus haut, plus fort, pour moquer un salarié qui vient d’être licencié, elle crée sur l’application Telegram une conversation intitulée « Biitch talking ». Et pour faire bon poids, elle poste une image la représentant lui donnant un bon coup de pied au cul. On a connu plus aimable.
Le taxi et les valeurs
Accusée en 2017 d’avoir mordu un chauffeur de taxi, article relaté dans Le Canard enchaîné de l’époque, Laetitia se donne beaucoup de mal pour faire disparaître l’article. Elle se donne autant de mal pour faire oublier le nom de la députée qui l’avait précédée dans sa circonscription.
Les ministres Cédric O, Marlène Schiappa sont montés au créneau pour défendre la sympathique Laetitia. Ses anciens collaborateurs pour lesquels il y aurait « un fossé entre les valeurs qu’elle défend publiquement et (qu’elle a) constaté en travaillant à ses côtés » sont moins enthousiastes.
La députée LREM de Paris se défend avec véhémence : « Il y a un élément sur lequel vraiment je suis sans appel, c’est le racisme, l’homophobie et le sexisme. Je ne les tolère pas. Je ne les tolère nulle part, y compris dans les cadres privés, y compris pour ce qui est considéré comme étant des blagues, qui ne participent en réalité qu’au racisme ordinaire » et annonce des poursuites judiciaires pour diffamation. Nous sommes curieux de voir les suites de ce double langage, double comportement, si fréquent en politique et dans la vie, et encore plus chez ceux qui se drapent dans la moraline.
Illustration : détournement du film 300, de Zack Snyder, Noam Murro (2007)