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L’affaire Cambridge Analytica

17 mai 2018

Temps de lecture : 4 minutes
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L’affaire Cambridge Analytica

Temps de lecture : 4 minutes

On parle beaucoup du scandale Cambridge Analytica, la société qui aurait revendu à la campagne Trump de 2016 des données personnelles d’électeurs américains, données fournies par ou volées auprès de Facebook. Mais qu’en est il exactement ?

Un peu d’histoire

La société a été créée en 2013 par deux spé­cial­istes de la cyber­sécu­rité Alexan­der Nix et Alas­tair Carmichael MacWil­son. L’idée est sim­ple : raf­fin­er des don­nées de base recueil­lies au départ par Google et Face­book pour les reven­dre à des entités privées ou publiques, dans un but pure­ment com­mer­cial. En bonifi­ant les don­nées brutes, en pré­cisant les pro­fils indi­vidu­els selon leurs car­ac­téris­tiques économiques, géo­graphiques, psy­chologiques, cul­turelles et poli­tiques, la société pro­posera une plus-val­ue appré­cia­ble aux sociétés qui voudront utilis­er ces don­nées pour leurs cam­pagnes com­mer­ciales aus­si bien que poli­tiques, réal­isant ain­si des prof­its dans une optique cap­i­tal­iste classique.

La société rassem­ble des don­nées per­son­nelles sur des acheteurs ou électeurs poten­tiels (data min­ing), les assem­ble et les revend (data bro­ker­age), jouant le rôle de courtier en don­nées. Elle a tra­vail­lé pour le Brex­it (du côté du leave) en Angleterre et pour la cam­pagne vic­to­rieuse de Trump aux États-Unis.

Les liens Cambridge/Facebook

Qui a trompé qui ? La réponse n’est tou­jours pas claire. En mars 2018 un ancien employé cana­di­en de Cam­bridge Ana­lyt­i­ca, mécon­tent de son licen­ciement, a dénon­cé son ex-employeur. Il a indiqué que la société avait pom­pé fraud­uleuse­ment les don­nées per­son­nelles, et sans leur con­sen­te­ment, de plus de 80 mil­lions de per­son­nes via Face­book, prof­i­tant d’une faille infor­ma­tique con­nue et exploitée par Face­book lui-même. Ces don­nées auraient été reven­dues à la cam­pagne Trump. Le respon­s­able de l’étude Alexan­der Cogan et Marc Zucker­berg se sont ren­voyés la balle, cha­cun esti­mant que l’autre était respon­s­able. Les clients de Cam­bridge se sont éva­porés et la société s’est mise en fail­lite trois mois plus tard en mai 2018.

Légalité et légitimité

Au bout du bout, Cam­bridge n’a fait que com­mer­cialis­er des don­nées per­son­nelles, ce que Face­book fait tous les jours (ain­si que Google). Les pré­cieuses infor­ma­tions que vous don­nez sur le pro­fil per­son­nel de votre page Face­book, sur vos lec­tures, vos voy­ages, vos achats, votre anniver­saire, vos amis, vos occu­pa­tions, vos pho­tos, vos vidéos, votre famille, toutes ces don­nées sont la matière pre­mière de Face­book. La société cal­i­forni­enne va class­er ces élé­ments dans des ban­ques de don­nées et les reven­dre sous forme de pub­lic­ité. Si vous vendez des ali­ments pour chiens vous pou­vez touch­er tous les pos­sesseurs de chiens de Face­book. Si vous êtes can­di­dat social­iste à une élec­tion, vous pou­vez touch­er les pro­fils ayant une sen­si­bil­ité de gauche sur une cir­con­scrip­tion don­née, etc.

Il n’est pas cer­tain que ces activ­ités soient illé­gales. Vous avez cer­taine­ment don­né votre con­sen­te­ment à Face­book ou à Google à tra­vers un long for­mu­laire abscons et obscur où à la fin vous avez coché la case oui pour con­tin­uer à utilis­er leurs ser­vices. Lors de son audi­tion Zucker­berg s’est bien gardé de dire qu’il allait mod­i­fi­er la poli­tique de sa société, il ne veut pas tuer la poule aux œufs d’or qui a fait plus de cinq mil­liards de dol­lars de béné­fices après impôts au pre­mier trimestre 2018.

Mais ces com­porte­ments sont-ils légitimes ? Même si nous avons coché une case don­nant notre accord formel, quelle est la valeur de cet accord ? Si les util­isa­teurs de Face­book et Google savaient à quel point ils sont cernés par ces deux sociétés qui sont capa­bles non seule­ment de les con­naître intime­ment (leurs goûts sex­uels ou leurs engage­ments poli­tiques par exem­ple), mais aus­si de les influ­encer, ils seraient beau­coup plus pru­dents dans leurs recherch­es et dans les infor­ma­tions qu’ils don­nent sur eux-mêmes. Comme nous sommes légers et oublieux, il revient aux autorités de pro­téger les indi­vidus tout en respec­tant leurs choix de pen­sée ou d’action.

Mais les autorités améri­caines qui ont un accès direct via la NSA et d’autres agences aux don­nées de Google et de Face­book n’ont pas intérêt à trop lim­iter ces col­lectes de don­nées dont elles prof­i­tent indi­recte­ment. C’est donc au citoyen de réa­gir indi­vidu­elle­ment. A vous de jouer main­tenant en régu­lant les don­nées que vous don­nez de bon cœur quo­ti­di­en­nement pour votre pro­pre exploitation…

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