Le 21 février 2018, Ján Kuciak, journaliste d’investigation, ainsi que sa compagne, Martina Kušnírová, sont assassinés par balle. La police découvre les corps 4 jours plus tard. Les douilles sont disposées de telle sorte que le double homicide ne laisse que peu de place au doute : c’est l’œuvre de la mafia. Une équipe internationale, impliquant notamment les polices tchèques et italiennes, ainsi que des agents du FBI et de Scotland Yard, se charge du dossier — toujours en cours début mai 2018 — à l’heure de la rédaction de cet article.
Qui est Ján Kuciak ?
Ján Kuciak, né en 1990, diplômé d’un doctorat en journalisme de l’Université de Constantin le Philosophe à Nitra, en Slovaquie, commence en 2015 à travailler pour le site d’actualité Aktuality.sk, propriété du groupe Ringier-Axel Springer, basé à Zurich, qui détient de nombreux tabloïds, magazines et sites internet et qui est implanté entre autres dans les pays baltes, en Pologne, en Slovaquie, en Hongrie et en Serbie. « Il faisait du journalisme de données. Il avait deux écrans devant lui, et il faisait le lien entre les données. Il utilisait des données publiques » témoigne Peter Bardy, rédacteur-en-chef de Aktuality.sk.
Le jeune journaliste se fait rapidement remarquer en publiant des articles dénonçant de possibles malversations, affaires de corruption et autres suspicions de détournements de fonds. Ján Kuciak accuse et donne des noms. Des membres de la ‘Ndrangheta, branche calabraise de la mafia italienne, connue pour ses escroqueries aux subventions agricoles européennes, sont nommés.
Ses enquêtes sur des affaires de corruption l’ont amené à porter plainte en septembre 2017, pour menaces de la part d’un homme d’affaire slovaque, Marián Kočner. Le riche entrepreneur aurait dit à Ján Kuciak, que s’il trouvait quoique ce soit sur « son passé ou celui de sa famille (sur Kuciak ou sa famille, note de la rédaction), il le rendrait public ». Le dernier article de Kuciak publié de son vivant, le 9 février 2018, parlait à nouveau du même homme d’affaires, entre autres personnes citées.
Un dernier article
Mais pour certains de ces collègues et confrères, c’est le tout dernier article de Ján Kuciak, qu’il n’a pas pu terminer et qui a été publié après la mort du journaliste — en français ici — qui lui a coûté la vie.
Dans cet article, Ján Kuciak fait le lien entre mafieux et hommes d’affaires proches du gouvernement, voire membres de l’administration gouvernementale. En partant de ces soupçons, l’assassinat du journaliste prend une tournure politique. Parmi les personnes désignées comme étant en lien avec la mafia, la jeune conseillère du Premier ministre Robert Fico, Mária Trošková, ancien mannequin de 30 ans, qui avant de connaître une ascension très rapide, avait cofondé une société avec un homme d’affaires italien proche de la mafia. Autre personnalité proche, celui qui a servi de tremplin à Mária Trošková, Viliam Jasan, le responsable de gestion de crise du gouvernement slovaque.
Des soupçons à la certitude, l’ingénierie sociale en action
Si les basses œuvres de la mafia italienne en Slovaquie ne font que peu de doute, et si le travail de Ján Kuciak soulève des questions très sérieuses, l’exploitation politique de son meurtre laisse entrevoir un projet de déstabilisation fort différent et de plus grande ampleur.
Le Président de la République slovaque, Andrej Kiska, intervient à la télévision sur l’affaire. Andrej Kiska est connu pour son opposition au gouvernement populiste et social-démocrate (mais conservateur sur de nombreux sujets : opposé au mariage homosexuel et à l’immigration, et ayant accru les mesures contre la criminalité tsigane) de Robert Fico. Le président slovaque avait notamment été remarqué comme hôte de George Soros en septembre 2017, à New-York.
Les ONG et les médias partageant l’idéologie de la « société ouverte » organisent et favorisent les protestations de rue pour exiger la démission de l’indéboulonnable Robert Fico, Premier ministre de la jeune République slovaque de 2006 à 2010, puis de 2012 à 2018.
La pression des ONG et des médias d’opposition ainsi que les soupçons légitimes portant sur certaines personnalités proches du gouvernement poussent Robert Fico à démissionner, donnant satisfaction aux manifestants ; mais son retrait n’est que stratégique, ayant exigé en échange de sa démission que la coalition établie aux élections de 2016 reste en place. En tant que président du principal parti de la coalition il nomme le futur Premier ministre. C’est ainsi que Peter Pellegrini, un de ses lieutenants (malgré son nom, il n’est pas italien), est devenu après sa démission le nouveau Premier ministre slovaque, pendant que Robert Fico, à l’instar de Liviu Dragnea en Roumanie et de Jarosław Kaczyński en Pologne, dirige le pays dans l’ombre, selon les commentateurs politiques.
Bras de fer politique, les réseaux Soros à l’action
Plus de deux mois après le drame et six semaines après le changement de gouvernement, la crise engendrée par le meurtre de Ján Kuciak n’est cependant pas terminée. Les nominations et les démissions s’enchaînent, et le bras de fer entre le parti de Robert Fico, le Smer, et la “société civile” continue. Le ministère de l’Intérieur aura notamment eu un nouvel occupant pendant une semaine, et le poste de chef national de la police reste à pourvoir.
D’un côté, Robert Fico et le Smer jouent la carte de la souveraineté nationale et du légalisme démocratique, ayant écarté les personnes suspectées de corruption. De l’autre, les réseaux Soros, bénéficiant de relais médiatiques nationaux et internationaux massifs (dont le groupe Ringier-Axel Springer) profitent de l’occasion pour gagner du terrain et essayer de renverser les forces souverainistes du pays.
La démission de Robert Fico et de son gouvernement, le retrait de la vie politique des personnes soupçonnées de corruption, la démission du chef de la police, la mise en place d’une équipe d’enquête internationale… rien de tout cela ne suffit à la “société civile” orchestrée par ces réseaux, qui utilisent chaque avancée pour aller plus loin dans leurs exigences. Le Parlement européen a demandé en avril la mise en place d’une “enquête indépendante”, déclarant qu’il serait préférable que l’agence de police européenne Europol se joigne à l’enquête.
Liberté de la presse en Slovaquie et en France
Fin avril, alors que Reporters Sans Frontières RSF publiait son annuel « Indicateur de la liberté de la presse », la presse slovaque anti-gouvernementale parlait non seulement d’un important recul de la liberté de la presse, mais aussi de danger pour la démocratie ou d’atteinte à l’Etat de droit. Selon RSF, la Slovaquie est passée de la 10e à la 27e place pour la liberté de la presse à l’échelle mondiale. À titre informatif, la France est 33e en 2018 ! RSF dénonce également la « remise en cause de l’indépendance de la chaîne » RTVS, la télévision publique slovaque, par Jaroslav Rezník, nommé directeur de la chaîne au mois d’août par le Parlement slovaque.
Tout semble converger vers un seul but, la mise en place d’un gouvernement technocratique aligné sur Bruxelles, la mise entre parenthèses de la souveraineté nationale et la mise en place d’une « société ouverte » modèle Open Society de George Soros.
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