Monstrueusement célèbres dans le monde anglophone, le dessinateur Scott Adams et son personnage Dilbert sont interdits de publication depuis le 28 février 2023 dans des centaines de journaux américains.
Dilbert = Astérix multiplié par…
Dilbert, la bande dessinée de Scott Adams, apparue pour la première fois dans les journaux en 1989, est un peu ce qu’Asterix est pour nous — mais multiplié par un million, au moins. Cela fait 30 ans que les amateurs de bandes dessinées et d’humour, et ils sont très nombreux dans le monde anglo-saxon ou anglophone, en particulier aux États-Unis, se réjouissent en lisant cette bande dessinée, et plus généralement en s’arrêtant sur les dessins de Scott Adams qui paraissent dans une multitude de journaux, à l’échelle locale et fédérale. Dilbert est lu dans le monde entier et il n’est pas exagéré de dire que le personnage a des dizaines de millions de lecteurs.
Critique du monde de l’entreprise
La particularité de Dilbert, c’est son côté satirique. Adams a des fans de tous les âges, en particulier du fait de ses critiques du monde de l’entreprise. Des critiques qui touchent n’importe qui, sont universelles. Cependant, le dessinateur est lui aussi, depuis une dizaine d’années, l’objet de critiques quant à ses affiliations politiques, souvent considérées comme « complotistes » et plus récemment clairement exprimées en faveur de Donald Trump. De quoi diviser outre-Atlantique. Les opinions politiques de Scott Adams, outre des déclarations, par exemple au sujet d’un COVID-19 qu’il affirme n’être qu’un gros rhume, apparaissent de plus en plus dans ses dessins. Ainsi, la bande dessinée Dilbert et les autres dessins d’Adams se sont mis, en tant que tels, progressivement (ou « conservativement » dans son cas) à diviser l’Amérique.
Adams et ses conseils de protection des blancs
Le 26 février 2023, selon The Cleveland Plain Dealer :
« Scott Adams, créateur de la bande dessinée Dilbert, s’est lancé dans une diatribe raciste cette semaine dans son émission vidéo en ligne Coffee with Scott Adams, et nous ne publierons plus sa bande dessinée dans le Plain Dealer. Ce n’est pas une décision difficile à prendre. Adams a déclaré que les noirs constituent un groupe haineux, citant un récent sondage Rasmussen qui, selon lui, montre que près de la moitié des noirs ne sont pas d’accord avec la phrase « C’est ok d’être blanc »…
« Je dirais, d’après la façon dont les choses se passent actuellement, que le meilleur conseil que je pourrais donner aux blancs est de se tenir à l’écart des noirs », dit Scott Adams dans la vidéo. ». Le journal est l’un des premiers à parler de cette histoire. Notons que le mot « diatribe » sera repris par l’ensemble des médias.
Well explained. — Scott Adams CANCELLED By Newspapers For Telling White People To Get Away… https://t.co/msHUgcL8pI via @YouTube
— Scott Adams (@ScottAdamsSays) February 26, 2023
Le NYT surenchérit
Par ailleurs, une porte-parole du New York Times a déclaré dimanche 27 février : « Nous avons décidé de ne plus publier la bande dessinée Dilbert dans notre édition imprimée à la suite de commentaires racistes de Scott Adams. La publication de la bande dessinée a été limitée à notre édition imprimée internationale et n’a pas été publiée dans notre édition américaine ou en ligne. » Dilbert a également été retiré de l’ensemble du réseau USA Today, qui publie plus de 200 journaux sur tout le territoire des États-Unis.
Ubu veut la censure
Notons cette drôle de déclaration, un peu ubuesque, de Therese Bottomly, rédactrice en chef de The Oregonian. Elle écrit dans une lettre aux lecteurs, samedi 26 février : « J’ai pris cette décision après avoir regardé la diatribe de près d’une heure d’Adams dans son émission « Real Coffee with Scott Adams » sur YouTube, qui comprenait des exhortations telles que : « Je dirais, d’après la façon dont les choses se passent actuellement, que le meilleur conseil que je donnerais aux Blancs est de s’éloigner des Noirs ». D’habitude, j’aime expliquer pleinement nos décisions aux lecteurs, mais une grande partie de ce qu’il a dit est trop manifestement offensant. Je ne répéterai pas ses commentaires ici. Certains lecteurs vont sans doute tourner ma décision en dérision, la qualifiant d’exemple d’une culture trop « woke » ou d’une réponse « politiquement correcte » instinctive. Qu’en est-il de la liberté d’expression, diront-ils ? N’est-ce pas de la censure ? Personne ne retire à Adams son droit à la liberté d’expression. Il est libre de partager ses commentaires odieux sur YouTube et Twitter tant que ces entreprises les autorisent. ». Un appel clair envoyé à YouTube et Twitter pour rendre invisible Scott Adams.
De son côté, le patron de Twitter, Elon Musk, en a profité pour critiquer la partialité des médias et leur offensive massive contre Scott Adams, une bonne polémique qui ne peut que faire du bien à Twitter.
Toute la carrière de Scott Adams, commencée il y a 30 ans, témoigne de la force de l’humour pour dire des vérités douloureuses au pouvoir politique comme aux pouvoirs médiatiques. En utilisant l’humour pour mettre en lumière les aspects sombres de la vie moderne, en tournant en dérision certains de nos modes de vie, Adams contribuait à donner un sens à un monde qui justement semble souvent insensé. Il vient de passer à la trappe.