Certaines idées mettent parfois du temps à germer. En 1992, l’essayiste américain Samuel T. Francis était à l’origine du terme d’anarcho-tyrannie, qui désigne la répression par l’État des citoyens ordinaires et l’extrême laxisme vis-à-vis des délinquants. Ce nouveau concept n’a longtemps eu quasiment aucun écho en France, hormis dans des cercles restreints.
En ce début d’année 2021, plusieurs intellectuels français reprennent à leur compte le terme d’anarcho-tyrannie pour décrire la situation actuelle de la France. D’autres, sans reprendre le concept, décrivent l’attitude d’un pouvoir qui est fort avec les faibles et faible avec les forts. Les médias de grand chemin observent dans un silence gêné ce qui s’apparente à une prise de conscience qui prend de l’ampleur dans l’opinion publique.
Fort avec les faibles, faible avec les forts, l’anarcho-tyrannie
Si le concept d’anarcho-tyrannie est assez connu aux États-Unis, on ne peut pas en dire autant en France. Le site Fdesouche a consacré en 2008 un article à l’anarcho-tyrannie, dans lequel ce terme est présenté assez succinctement. L’expression est restée en sommeil pour refaire surface en 2013 sur le site Riposte Laïque, à l’occasion d’un nouvel article de présentation.
Le début de l’année 2021 a été marqué par une médiatisation de ce terme plus importante que pendant toutes les années précédentes.
Philippe-Joseph Salazar a consacré le 4 janvier sur le site Les Influences un article écrit sur le sujet. Celui-ci commence par une présentation biaisée : la théorie de l’anarcho-tyrannie serait « la coqueluche des suprémacistes ». On peut s’étonner de l’emploi du qualificatif de « suprémacistes » pour l’associer à l’anarcho-tyrannie, alors que Philippe-Joseph Salazar l’aurait trouvé « racoleur » au sujet d’un récent livre qu’il vient de publier…
L’article de Philippe-Joseph Salazar a été repris in extenso sur le site de la fondation Polémia le 14 janvier. Son président, Jean-Yves Le Gallou, illustrait dans une interview donnée le 11 février à Breizh info les nombreuses manifestations de l’anarcho-tyrannie. Pour n’en citer que deux :
« Un propriétaire dont la maison est squattée mettra plusieurs années à exiger de la justice qu’elle le rétablisse dans ses droits et aura du mal à obtenir le concours de la force publique pour reprendre possession de son bien. Et en même temps, s’il tente de récupérer son logement par ses propres moyens, la justice sera aussi rapide qu’implacable. »
Un citoyen agressé ou cambriolé peut rarement bénéficier d’un concours rapide des forces de l’ordre. Et en même temps, s’il se défend lui-même, la justice considérera généralement la riposte comme disproportionnée et ne reconnaîtra presque jamais le droit à la légitime défense. »
Pour évoquer la dissolution de Génération identitaire, Éric Zemmour a présenté le terme sur le plateau de Face à l’Info sur CNews: « Il y a un concept américain qui s’appelle l’anarcho-tyrannie ». Philippe-Joseph Salazar a saisi l’occasion pour de nouveau expliciter ce concept et en présenter quelques enjeux dans un article paru sur le site de Causeur le 17 février.
Éric Zemmour y a également consacré un article le 19 février dans Le Figaro :
« Le pouvoir macronien est un mélange d’anarchie — car il ne punit pas assez les délinquants et les séparatistes islamistes — et de tyrannie car il n’hésite pas à prendre des mesures liberticides contre ceux qui «pensent mal ».
Une illustration quotidienne
L’actualité n’est-elle pas une source quotidienne d’illustration de la justesse de cette théorie ?
Alors qu’en 2005, le couvre-feu avait dû être décrété pour mettre fin aux émeutes dans les cités, en 2021, les violences dans les banlieues redoublent le soir, notamment à Lyon, Beauvais, Elancourt, Plaisir, Coignières, Montbéliard, Wattrelos, Chaudron, etc.
Par contre, gare aux automobilistes montpelliérains, comme ailleurs, pris dans les embouteillages et qui se font verbaliser de façon systématique après 18h, comme nous apprend France bleu le 27 février. Il est vrai que pour le ministre de l’intérieur s’exprimant sur BFMTV : « c’est aux Français de s’organiser »…
Aucun souci par contre pour les étrangers en situation irrégulière violents et multirécidivistes, comme celui qui a sauvagement agressé un photoreporter à Reims.
Ne parlons pas des décisions incompréhensibles, comme la mise en place du confinement le week-end dans le département du Pas de Calais, alors que le taux d’incidence de la contamination au coronavirus y est le même dans le département de Seine-Saint-Denis. Une décision que la radio affiliée à l’État français France bleu tente laborieusement d’expliquer avec les arguments du ministre de la santé dans un article du 5 mars.
Les médias de grand chemin sont jusqu’à présent restés hermétiques à l’emploi du terme d’anarcho-tyrannie. Par contre, quel que soit le terme, la réalité est la même.
Le 23 février, le délégué général de l’Institut pour la Justice (IPJ), une association de citoyens mobilisés au côté des victimes, s’exprimait dans Le Figaro. Évoquant notamment une « soirée géante d’un rappeur à Noisiel », il affirmait : « L’État est fort avec les faibles et faible avec les forts ».
David Lisnard, François-Xavier Bellamy et Hervé Morin définissaient dans une tribune du Figaro du 7 mars le même phénomène avec d’autres mots : « Un État tracassier avec les citoyens paisibles, et faible avec les délinquants: jusqu’à quand ? ».
Quel que soit le terme employé, l’important n’est-il pas que la question soit bien posée, mais surtout… qu’une réponse y soit apportée ?