Régis Le Sommier va prochainement lancer avec une équipe de journalistes, de caméramen et de producteurs un média d’enquêtes et de documentaires en ligne. Avant même le début de son activité annoncé pour le 16 novembre, Omerta a fait l’objet d’une critique en règle de la part du journal Libération. Et si l’on attendait de découvrir ce média avant de le juger et de le critiquer ?
Enquêtes de terrain et documentaires
Dans le secteur des médias, ces dernières années ont été marquées par la progression de l’information bon marché, avec des articles trop souvent rédigés à la hâte par des intellos précaires à partir de dépêches d’agences de presse. Les raisons en sont multiples : baisse du lectorat, irruption de médias en ligne, apparition de journaux gratuits, hausse du coût de production des journaux, etc.
Dans ces conditions, le lancement d’un média privé qui annonce sans ambages faire de son cœur de métier des enquêtes de terrain et des documentaires est une bonne nouvelle. Sur le site du média en ligne, Régis Le Sommier affiche les objectifs qu’il assigne à Omerta et à la trentaine de journalistes, caméramen et producteurs qui travailleront avec lui : « donner du temps à ses journalistes d’enquêter, à moyen et à long terme, sur des thématiques au centre du débat public ».
Un journaliste aux solides références
L’OJIM a fait un portrait de Régis Le Sommier qui passe en revue les différents médias auxquels il a collaboré : Paris match, où il a été directeur adjoint et RT France, jusqu’à l’arrêt récent de sa diffusion en Europe sur décision de la commission européenne. Il intervient régulièrement sur Europe 1 et CNews depuis 2021, en particulier pour commenter l’actualité internationale. Régis Le Sommier a obtenu deux prix, le grand prix de la presse internationale en 2017 décerné par l’association de la presse étrangère et en 2018 le prix de la meilleure enquête journalistique décerné par le syndicat des éditeurs de la presse magazine et de Relais. Le directeur de la rédaction d’Omerta a donc de solides références qui laissent présager des enquêtes dignes d’intérêt.
Accointance avec la Russie ?
Régis Le Sommier s’est exprimé en février de cette année sur son activité professionnelle au sein de RT France : « Je n’aurais jamais accepté de me prêter à un organisme de propagande quelconque ».
La liberté éditoriale des journalistes sur des médias financés par des Etats est un vaste sujet. Au fil des années, deux médias financés par le gouvernement russe, RT France et Sputnik, ont su grâce à une couverture non conformiste de l’actualité trouver un large public en France. Des journalistes talentueux pas particulièrement connus pour avoir des liens avec la Russie y ont travaillé, à l’instar de Frédéric Taddei. A contrario, l’émission Complément d’enquêtes diffusée sur France 2 le 27 octobre accrédite une autre thèse. Lors du reportage, des tweets attribués à la directrice de RT France à destination des journalistes de la chaine sont présentés, dont la teneur viserait à influencer leur présentation de l’intervention armée de la Russie en Ukraine, en février 2022. Une version des faits dont on aurait aimé avoir une version contradictoire de la part de la principale intéressée et connaitre l’impact réel sur la ligne éditoriale du média. Dans le même ordre d’idées, un récent article de Libération fait ses choux gras sur une prétendue accointance d’Omerta avec la Russie.
La soirée au Grand Rex annulée…
Le 13 octobre, le quotidien a consacré au nouveau média un article dont le titre est tout en subtilité : « Omerta», un nouveau média pro-russe dans la guerre de l’information » avec un chapeau tout aussi subtil « Fan de Poutine ». L’élément central de l’article est le fait que l’unique actionnaire serait « un certain Charles d’Anjou (…) L’homme a un passé flou, barbotant lui aussi dans les sphères russophiles ». Le fait que l’adresse d’immatriculation de la SAS Omerta média soit la même que celle d’un autre média, Livre noir, est également lourdement souligné. Au micro d’André Bercoff sur Sud Radio le 28 octobre, Régis Le Sommier a réagi à cet article de façon cinglante : « Libération ferait bien se rappeler que son fondateur, Serge July, a vénéré Mao Zedong, responsable de plus de 50 millions de morts ». Toujours est-il que le directeur de la rédaction d’Omerta attribue à l’article de Libération la décision de la direction du Grand Rex d’annuler la soirée de lancement du média qui y était prévue le 16 novembre, événement qui aura lieu finalement au Théâtre du gymnase à Paris.
Autre savonnage de planche, l’essayiste Grégory Roose annonçait le 13 octobre sur son site que « Twitter (…) n’apprécie visiblement pas que ses utilisateurs s’abonnent au compte @Omerta_officiel : depuis ce matin, chaque abonnement est systématiquement annulé par la plateforme. De nombreux utilisateurs, dont je fais partie, ont signalé ce dysfonctionnement qui, selon la formule consacrée, est très certainement indépendant de leur volonté ». Une pratique qui semble avoir été abandonnée depuis.
Un modèle économique à confirmer
Il faudra voir sur pièces la robustesse des enquêtes et des reportages et la ligne éditoriale du média. Omerta pourrait trouver un public lassé des articles écrits à la va-vite à partir de dépêches formatées de l’AFP et autres agences de presse. La viabilité économique de ce média payant sera également à observer avec attention. La récente disparition du média Fild positionné sur le même créneau montre que la ligne de crête est étroite.