Les Inrocks, sa musique djeune, son look djeune, son propriétaire (Matthieu Pigasse) banquier/rocker djeune (son infographie), ses chasses aux sorcières djeunes de la Ligue du LOL, ses licenciements en série si djeunes. Pas très jeune finalement tout ça. Et un retour de flamme pour son ex directeur de la publication Elisabeth Laborde, chasseuse de scalps et finalement mise à l’écart par son patron mi-juillet 2019.
Chasseuse de scalps
Nous évoquions en février 2019 l’affaire de la Ligue du LOL. Un article de Libération du 8 février 2019 dénonce une « bande » de harceleurs formée par certains journalistes dont deux parmi la rédaction des Inrocks. Trois jours après (trois jours c’est bien peu pour une enquête sérieuse sur la véracité des faits, la déontologie implique pourtant la vérification dit la charte de Munich des journalistes) le rédacteur en chef David Doucet est mis à pied. Le lendemain (oui, vous lisez bien : le lendemain) contre toutes les règles de la présomption d’innocence, la directrice de la publication fait publier (avec les signatures de la rédaction, volontaires d’office) un communiqué à charge, véritable mise à mort professionnelle et sociale du journaliste incriminé et de son adjoint : sadisme, acharnement, pulsion féroce de domination, manipulations, humiliations. En termes d’entreprise on appelle cela un pare-feu : la désignation d’un bouc émissaire qui vous exonère de vos propres responsabilités. L’incriminé sera en effet licencié pour faute grave, une manière de détourner l’attention. Par la suite aucune victime de la Ligue du LOL ne désignera David Doucet ou son adjoint (licencié également) comme harceleurs.
L’affaire Bertrand Cantat
En octobre 2017, Les Inrocks font leur Une avec un portrait de Bertrand Cantat,. Ce dernier, condamné pour le meurtre de sa compagne Marie Trintignant dans des circonstances sordides a effectué sa peine et reprend sa carrière de chanteur. La couverture et l’entretien donnent une couleur hagiographique du personnage ce qui provoque un scandale et une forte chute des ventes. Alors que la rédaction est partagée sur le choix de la couverture, la directrice de la publication soutient sa publication, ouvrant une crise à l’hebdomadaire.
“Les Inrocks” sur Bertrand Cantat : “Le mettre en couverture était contestable” https://t.co/ZXcn3GeFlI pic.twitter.com/1WSOFmnx2m
— puremedias.com (@puremedias) October 17, 2017
Un article d’Olivier Mialet, ex journaliste des Inrocks dans Medium du 8 juillet 2019 remet l’affaire dans son contexte. Il signale entre autres que David Doucet et son adjoint s’étaient opposés à cette couverture contre l’avis de leur direction :
“David Doucet et François-Luc D. ont été les victimes émissaires de cette panique morale qui a amené la direction des Inrocks à choisir de se débarrasser subitement d’eux pour ne pas détériorer l’image du journal, déjà dégradée du fait de choix malheureux. Ils payent malgré eux les difficultés d’un titre fragilisé par la crise de la presse et ses propres erreurs rédactionnelles (comme par exemple la une sur Bertrand Cantat, à laquelle s’étaient pourtant vainement opposés David Doucet et François-Luc D.). Pour ne pas aggraver cette mauvaise (e-)réputation, ses dirigeants ont choisi de céder face au raz-de-marée de Twitter et consorts.”
Mauvaise publicité pour Matthieu Pigasse
Pigasse, banquier heureux est moins chanceux dans les médias. Contraint de revendre une partie de sa participation dans Le Monde au tchèque Kretinsky, Radio Nova qui vivote, Rock en Seine en petite forme, l’affaire Cantat, la baisse catastrophique des ventes et maintenant la Ligue du LOL et une défense qui peut paraître maladroite d’Elisabeth Laborde : je n’ai rien vu, je ne savais rien, c’est pas moi, c’est les autres. L’hebdomadaire apparaît comme un bateau ivre sans gouvernail ni personne à la barre sinon un capitanat qui se défausse en chargeant ses collaborateurs. De quoi s’agacer et s’inquiéter.
L’entretien de l’intéressée à France Inter du 7 mars 2019 où elle se s’exonère gentiment en parlant d’une période où elle n’était pas là n’a rien dû arranger. Elle était secrétaire général de la holding des LNEI depuis janvier 2017 (responsable notamment des questions sociales) et directrice de la publication depuis juin 2017. Pour l’actionnaire principal, l’argument « je ne savais rien » semble difficile à entendre.
Arrive Emmanuel Hoog à la tête des entreprises médias de Pigasse. Le 2 mai 2019 il est nommé directeur général des LNEI la holding média de Pigasse en remplacement de Bernard Zekri qui reste DG de Radio Nova. Elisabeth Laborde qui auparavant pouvait ambitionner de succéder à Zekri sent sa position menacée et demande à partir via une rupture conventionnelle. La négociation se passe mal et ce sera in fine un licenciement sec le 19 juillet 2019. Contrairement à ce qu’affirme Laurent Mauduit dans Médiapart du 17 juillet, ce licenciement est bien consécutif à une demande avortée de rupture conventionnelle et y voir une part de « machisme » n’est qu’un contresens, symptôme du féminisme maladif du moment.