Ils ont privatisé leur audiovisuel public : en Israël, le Parlement saute le pas, au grand dam de l’opposition politique au gouvernement de Benyamin Netanyahou.
C’est « une attaque contre la démocratie et la liberté d’expression », dénonçait le chef de l’opposition au gouvernement, Yaïr Lapid. Au Parlement israélien, l’atmosphère est tendue : ce 27 novembre 2024, la Chambre vient d’approuver un vote préliminaire sur une proposition visant à privatiser le service public de l’audiovisuel. Une première étape dans la perspective d’une adoption future (dans deux ans).
Une salve de projets de loi
Le texte s’inscrit dans une salve de projets de loi, dont l’objectif est de privatiser les trois chaînes de télévision et les neuf stations de radio du secteur ainsi que la radio de l’armée, Galeï Tsahali Tsahal. Membre dite de la tendance « dure » du Likoud (le parti de Benjamin Netanyahou), le député Tally Gotliv a présenté le projet de loi du 27 novembre comme une opportunité pour favoriser la concurrence avec le secteur privé et la fin du financement par l’État de la Société de la radio-diffusion publique. Elle a également souligné qu’il « n’y a[vait] aucune raison d’avoir une radio de Tsahal financée par le public, qui fonctionne comme une unité militaire ». Le ministre des Communications Shlomo Karhi, qui présentait le projet de loi, a ainsi proposé de fermer la chaîne de télévision Kan (qui appellerait selon lui « à la haine contre l’État d’Israël ») et les radios publiques, qui devront être rachetées par des entreprises privées et obtenir des autorisations de diffusion.
L’un des autres projets de loi doit permettre au gouvernement de maîtriser l’institution à l’origine de la détermination des taux d’écoute des différents médias, mission pour l’heure aux mains d’un organisme indépendant et qui permet notamment de fixer les tarifs des annonceurs. Un autre texte prévoit aussi la possibilité pour le gouvernement de renforcer son contrôle sur le budget des médias publics, soulevant ainsi la question du respect de la neutralité des contenus.
Ruée sur les bancs de l’opposition
Sur les bancs de l’opposition au gouvernement de Benjamin Netanyahou, l’heure est au désespoir. « Il n’y a pas d’État démocratique sans liberté d’expression, déplore encore cet ancien journaliste. Ils veulent faire ce que font les dictatures, en commençant par détruire la presse libre ». Sans surprise, le groupe Kan a également réagi et dénoncé « une autre étape sur la voie de la prise de contrôle de la radiodiffusion publique, de sa liquidation, de la vente de ses actifs et de ses ressources […] et de leur transfert direct à des capitaux privés ».
Plus généralement, les opposants de cette réforme dénoncent une conséquence de la couverture critique des médias israéliens vis-à-vis du gouvernement. Selon Les Échos, députés et ministres de la majorité qualifieraient les médias du service public de « foyers de gauchistes », quand Netanyahou lui-même boycotte certains médias qu’il accuse de vouloir « faire tomber » son gouvernement. L’Association de la presse étrangère en Israël a critiqué une « offensive » « motivée par des raisons politiques ». De même, le procureur général Gali Baharav Miara a indiqué que cette conduite « envo[yait] un message clair et grave selon lequel toute critique envers le gouvernement ou toute diffusion d’informations qui ne sont pas favorables au gouvernement, pourraient mener à des mesures à l’encontre des médias ».
Et en France ?
En France, la privatisation de l’audiovisuel public n’est portée que par le groupe du Rassemblement national. Le parti justifie cette privatisation par les trois milliards d’euros qu’une telle disposition génèrerait et l’absence de neutralité dont l’audiovisuel public serait coupable. Si la question est revenue sur le devant de la scène après les législatives de juillet 2024, elle ne semble plus être désormais à l’ordre du jour du Parlement français, surtout après la chute du gouvernement Barnier.
Voir aussi : Panorama des aides à la presse en 2023, infographie