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L’Aurore, une nouvelle pièce atlantiste dans le monde médiatique

25 mai 2024

Temps de lecture : 5 minutes
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L’Aurore, une nouvelle pièce atlantiste dans le monde médiatique

Temps de lecture : 5 minutes

Un nouveau journal a vu le jour avec l’arrivée en ligne de L’Aurore. Idéologiquement, rien à voir avec ses ancêtres du vingtième siècle mais, pour son lancement, il a pu compter sur des personnalités connues. Difficile de voir comment ce titre de sensibilité libérale-atlantiste pourra se faire une place dans un paysage médiatique saturé.

Un lancement discret et pas très neutre

Le 9 mai 2024, le site inter­net L’Aurore a pub­lié ses pre­miers arti­cles. Une arrivée dis­crète dans le paysage médi­a­tique pour un jour­nal en ligne gra­tu­it qui s’inscrit dans une ligne résol­u­ment atlantiste.

Pour les pre­mières pub­li­ca­tions, le titre a misé sur des noms con­nus avec notam­ment Nico­las Ten­z­er, poli­to­logue issu de l’ENA, OTANien con­va­in­cu et fer­vent défenseur d’une ligne dure con­tre Moscou qui a répon­du à un entretien.

Dans les mai­gres-colonnes du site, les papiers anti-iraniens côtoient sans trop de dif­fi­culté les arti­cles  pro-américains.

Con­cer­nant les pre­miers, les colonnes de L’Aurore se sont ouvertes à Hamid Enay­at, dont l’activité prin­ci­pale con­siste à écrire des textes con­tre la République islamique que ce soit dans le très gauch­er Poli­tis ou chez les libéraux de Con­tre­points. Encen­sé par Tri­bune Juive, il est un sou­tien affiché du Con­seil nation­al de la résis­tance irani­enne qui abrite l’Organisation des moud­jahid­dines du peu­ple iranien, une organ­i­sa­tion visant à désta­bilis­er l’État iranien et recon­nue comme ter­ror­iste par nom­bre de pays occi­den­taux (dont les États-Unis) jusqu’en 2013.

Côté Oncle Sam, Charles-Hen­ri Colom­bier, Directeur de la Con­jonc­ture de l’Institut d’é­tudes économiques Rex­e­code explique dans un entre­tien que « la dom­i­na­tion mon­di­ale du dol­lar est loin d’être révolue » quand Gérard Vespierre, chercheur asso­cié à la FEMO (Fon­da­tion d’Études pour le Moyen-Ori­ent), ras­sure le lecteur en affir­mant que « Les États-Unis sont de plus en plus présents au Moyen-Ori­ent ».

Enfin, au ray­on « célébrités », Stéphane Bern a don­né un entre­tien au jour­nal à l’instar du très médi­a­tique uro­logue Lau­rent Alexan­dre qui est venu causer start-up.

Le Loup est entré dans la bergerie libérale

Le titre L’Aurore ramène à un passé dou­ble, celui du jour­nal cofondé par Georges Clemenceau et entré dans la postérité pour le fameux « J’Accuse » d’Émile Zola en 1898 pen­dant l’affaire Drey­fus. Cette mou­ture a dis­paru en 1914 après 17 ans d’existence. Vint ensuite la ver­sion plus droitière qui exista de 1944 à 1985 qui se fon­dra dans Le Figaro et fig­ur­era dans le sup­plé­ment du same­di Le Figaro‑L’Aurore avant de dis­paraître com­plète­ment au milieu des années 2000.

La créa­tion du site reprenant le nom du célèbre jour­nal qui a con­nu deux vies n’a pas été fait en grande pompe et l’adresse « .io » peut éton­ner puisqu’elle ramène au Ter­ri­toire bri­tan­nique de l’Océan Indien.

Le directeur du jour­nal est Loup Vial­let ; auteur d’un livre remar­qué sur le franc CFA, il a été mem­bre du Front nation­al où il a traité de la ques­tion de la fran­coph­o­nie mais où il a égale­ment été assis­tant par­lemen­taire de l’eurodéputé Dominique Bilde. L’évolution poli­tique du directeur de ce jour­nal d’apparence libérale peut éton­ner. Il a en effet ral­lié le Front Nation­al en 2014 en se déclarant « patri­ote de gauche » et ancien chevène­men­tiste à seule­ment 23 ans… Il a par ailleurs été can­di­dat aux élec­tions can­tonales de 2015 à Aud­in­court et aux lég­isla­tives de juin 2017 dans la 3ème cir­con­scrip­tion du Doubs.

Admi­ra­teur de l’anti-atlantiste Chevène­ment, Loup Vial­let, « venu de la gauche », est devenu en une décen­nie un défenseur de l’OTAN et du libéral­isme et pub­lie désor­mais des entre­tiens avec le vice-prési­dent du Medef Fab­rice Le Saché. Avant de pren­dre la tête de ce nou­veau média, il a été briève­ment à la tête de Con­tre­points « Le jour­nal libéral de référence en France » duquel il sem­ble être par­ti en vilains ter­mes… De spé­cial­iste des ques­tions africaines à grand défenseur de la vac­ci­na­tion lors de la crise san­i­taire, Loup Vial­let a ensuite affiché un sou­tien incon­di­tion­nel (sur le réseau social X) de l’Ukraine.

Qui finance, quel avenir ?

À l’heure de l’obsession de la trans­parence, L’Aurore est d’apparence bien opaque.

Une rubrique manque à l’appel de ce nou­veau jour­nal en ligne : celle du « Qui sommes-nous ? » aux­quels ont recours les jour­naux et sites inter­net pour présen­ter leur organ­i­sa­tion… Ici pas de présen­ta­tion. En revanche une men­tion « don » per­met au lecteur d’apporter son obole à ce jour­nal « 100 % gra­tu­it ». Après six jours d’existence, la cagnotte était tou­jours à 0 €.

Au point mort comme les arti­cles… En effet, entre le 13 et le 15 mai aucun papi­er n’a été pub­lié sur le site. Le lance­ment du site, annon­cé le 10 mai sur le réseau social X, a sem­ble-t-il été opéré le 9 mai à en croire les dates de pub­li­ca­tions. Pas de papi­er non plus les 11 et 12 mai, pre­mier week­end d’existence du jour­nal… Après une semaine d’existence le titre comp­tait moins de 100 abon­nés sur le réseau social X.

Dans un marché de l’information sat­uré, alors que le site d’information Factuel a fer­mé quelques jours avant son lance­ment, L’Aurore aura du mal à exis­ter. Dans le créneau atlantiste, la con­cur­rence est large pour ne pas dire pléthorique quant à la niche libérale-atlantiste, elle, est déjà occupée par plusieurs titres à com­mencer par Con­tre­points, Atlanti­co dans une ver­sion plus con­ser­va­trice ou même L’Opinion voire La Tri­bune du dimanche.