Un nouveau journal a vu le jour avec l’arrivée en ligne de L’Aurore. Idéologiquement, rien à voir avec ses ancêtres du vingtième siècle mais, pour son lancement, il a pu compter sur des personnalités connues. Difficile de voir comment ce titre de sensibilité libérale-atlantiste pourra se faire une place dans un paysage médiatique saturé.
Un lancement discret et pas très neutre
Le 9 mai 2024, le site internet L’Aurore a publié ses premiers articles. Une arrivée discrète dans le paysage médiatique pour un journal en ligne gratuit qui s’inscrit dans une ligne résolument atlantiste.
Pour les premières publications, le titre a misé sur des noms connus avec notamment Nicolas Tenzer, politologue issu de l’ENA, OTANien convaincu et fervent défenseur d’une ligne dure contre Moscou qui a répondu à un entretien.
Dans les maigres-colonnes du site, les papiers anti-iraniens côtoient sans trop de difficulté les articles pro-américains.
Concernant les premiers, les colonnes de L’Aurore se sont ouvertes à Hamid Enayat, dont l’activité principale consiste à écrire des textes contre la République islamique que ce soit dans le très gaucher Politis ou chez les libéraux de Contrepoints. Encensé par Tribune Juive, il est un soutien affiché du Conseil national de la résistance iranienne qui abrite l’Organisation des moudjahiddines du peuple iranien, une organisation visant à déstabiliser l’État iranien et reconnue comme terroriste par nombre de pays occidentaux (dont les États-Unis) jusqu’en 2013.
Côté Oncle Sam, Charles-Henri Colombier, Directeur de la Conjoncture de l’Institut d’études économiques Rexecode explique dans un entretien que « la domination mondiale du dollar est loin d’être révolue » quand Gérard Vespierre, chercheur associé à la FEMO (Fondation d’Études pour le Moyen-Orient), rassure le lecteur en affirmant que « Les États-Unis sont de plus en plus présents au Moyen-Orient ».
Enfin, au rayon « célébrités », Stéphane Bern a donné un entretien au journal à l’instar du très médiatique urologue Laurent Alexandre qui est venu causer start-up.
Le Loup est entré dans la bergerie libérale
Le titre L’Aurore ramène à un passé double, celui du journal cofondé par Georges Clemenceau et entré dans la postérité pour le fameux « J’Accuse » d’Émile Zola en 1898 pendant l’affaire Dreyfus. Cette mouture a disparu en 1914 après 17 ans d’existence. Vint ensuite la version plus droitière qui exista de 1944 à 1985 qui se fondra dans Le Figaro et figurera dans le supplément du samedi Le Figaro‑L’Aurore avant de disparaître complètement au milieu des années 2000.
La création du site reprenant le nom du célèbre journal qui a connu deux vies n’a pas été fait en grande pompe et l’adresse « .io » peut étonner puisqu’elle ramène au Territoire britannique de l’Océan Indien.
Le directeur du journal est Loup Viallet ; auteur d’un livre remarqué sur le franc CFA, il a été membre du Front national où il a traité de la question de la francophonie mais où il a également été assistant parlementaire de l’eurodéputé Dominique Bilde. L’évolution politique du directeur de ce journal d’apparence libérale peut étonner. Il a en effet rallié le Front National en 2014 en se déclarant « patriote de gauche » et ancien chevènementiste à seulement 23 ans… Il a par ailleurs été candidat aux élections cantonales de 2015 à Audincourt et aux législatives de juin 2017 dans la 3ème circonscription du Doubs.
Admirateur de l’anti-atlantiste Chevènement, Loup Viallet, « venu de la gauche », est devenu en une décennie un défenseur de l’OTAN et du libéralisme et publie désormais des entretiens avec le vice-président du Medef Fabrice Le Saché. Avant de prendre la tête de ce nouveau média, il a été brièvement à la tête de Contrepoints « Le journal libéral de référence en France » duquel il semble être parti en vilains termes… De spécialiste des questions africaines à grand défenseur de la vaccination lors de la crise sanitaire, Loup Viallet a ensuite affiché un soutien inconditionnel (sur le réseau social X) de l’Ukraine.
Qui finance, quel avenir ?
À l’heure de l’obsession de la transparence, L’Aurore est d’apparence bien opaque.
Une rubrique manque à l’appel de ce nouveau journal en ligne : celle du « Qui sommes-nous ? » auxquels ont recours les journaux et sites internet pour présenter leur organisation… Ici pas de présentation. En revanche une mention « don » permet au lecteur d’apporter son obole à ce journal « 100 % gratuit ». Après six jours d’existence, la cagnotte était toujours à 0 €.
Au point mort comme les articles… En effet, entre le 13 et le 15 mai aucun papier n’a été publié sur le site. Le lancement du site, annoncé le 10 mai sur le réseau social X, a semble-t-il été opéré le 9 mai à en croire les dates de publications. Pas de papier non plus les 11 et 12 mai, premier weekend d’existence du journal… Après une semaine d’existence le titre comptait moins de 100 abonnés sur le réseau social X.
Dans un marché de l’information saturé, alors que le site d’information Factuel a fermé quelques jours avant son lancement, L’Aurore aura du mal à exister. Dans le créneau atlantiste, la concurrence est large pour ne pas dire pléthorique quant à la niche libérale-atlantiste, elle, est déjà occupée par plusieurs titres à commencer par Contrepoints, Atlantico dans une version plus conservatrice ou même L’Opinion voire La Tribune du dimanche.