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[Dossier] Le 20h de France 2, un JT bien pauvre malgré une actualité exceptionnelle

22 septembre 2014

Temps de lecture : 6 minutes
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[Dossier] Le 20h de France 2, un JT bien pauvre malgré une actualité exceptionnelle

Temps de lecture : 6 minutes

Semaine du 1er au 6 septembre : 20h de France 2, un JT bien pauvre malgré une actualité exceptionnelle.

Si la semaine a été mar­quée par des reportages et des enquêtes sur de nom­breux sujets (fraude aux aides sociales, déficit du pays, fron­deurs du PS, CJUE, loge­ments étu­di­ants, Meh­di Nem­mouche), il est pos­si­ble d’en observ­er 3 qui se démar­quent des autres et appa­rais­sent à tour de rôle : ce fût, lun­di, ren­trée oblige, la ques­tion épineuse des rythmes sco­laires, mer­cre­di l’ac­tu­al­ité ukraini­enne (affron­te­ments à l’Est et ques­tion de la vente du Mis­tral) et enfin ven­dre­di la crise poli­tique (sondages, livre de V. Tri­er­wiel­er, démis­sion d’un ministre).

Si ces thèmes sont traités, on aurait pu cepen­dant espér­er des jour­nal­istes, et vu le contexte :

  • D’une part davan­tage d’au­dace dans les reportages, ain­si que de sens cri­tique amenant le téléspec­ta­teur à une réelle réflex­ion de fond sur la poli­tique française et les enjeux des tur­bu­lences actuelles. On remar­que un traite­ment banal de l’in­for­ma­tion, alors que celle-ci est excep­tion­nelle (notam­ment sur la crise « mul­ti fronts » subie par le pouvoir) ;
  • D’autre part davan­tage de mis­es en per­spec­tive pour nous éclair­er sur les grands sujets économiques, poli­tiques, géopoli­tiques, soci­ologiques (Libye, fron­deurs, Ebo­la, BCE, Moyen Ori­ent, Russie, CJUE).

Il est frappant de voir la question des rythmes scolaires traitée comme un affrontement entre maires et parents, avec un JT mettant en scène cette confrontation.

On remar­quera l’ab­sence notable de l’État de cette mise en scène, chose éton­nante étant don­né son rôle dans cette réforme. Deux camps sont per­cep­ti­bles : d’un côté les par­ents, traités et perçus comme vic­times, de l’autre les maires, « hors-la-loi » prenant en otage les enfants, le tout avec le vocab­u­laire de la con­fronta­tion : « L’État n’é­carte pas la force », « les maires refusent d’ou­vrir les écoles », « le min­istre bien décidé à faire respecter les règles » (lun­di) ; image le mar­di de mamans qui pleurent, par­ents en colère con­tre le maire de Mar­seille, « le maire a enlevé les poignées de porte » (mer­cre­di) ; man­i­fes­ta­tion ven­dre­di des par­ents con­tre les maires.

Dans cette mise en scène, l’État tient le rôle du jus­tici­er garant de l’or­dre et de la jus­tice. À aucun moment ne sont rap­pelées les craintes et cri­tiques exprimées par les maires lors du vote de la réforme.

L’actualité ukrainienne fait la une du JT de mercredi et rassemble deux problématiques : les affrontements locaux, ainsi que la vente du Mistral par la France à la Russie.

France 2 ne renie pas son posi­tion­nement plutôt « rus­so-cri­tique » : les rebelles proruss­es passent pour une minorité offen­sive attaquant une armée ukraini­enne perçue comme légitime car défen­dant son ter­ri­toire : «  les proruss­es passent pour vain­queurs » (jeu­di), « Mar­i­oupol est une enclave ukraini­enne dans des ter­res proruss­es » (jeu­di, et répété ven­dre­di), « les com­bat­tants proruss­es nous mon­trent une pop­u­la­tion recon­nais­sante, mais tout le monde ne tient pas ce dis­cours (…) qu’à cela ne tienne, pour ces proruss­es, c’est pareil», « l’ar­mée ukraini­enne a échoué dans sa recon­quête » (mer­cre­di).

Les reportages lais­sent plan­er un doute sur les éventuelles impli­ca­tions dans le con­flit d’une Russie perçue comme belliqueuse : « on ne saura rien de ce char de fab­ri­ca­tion russe » (mer­cre­di) ; « les Russ­es sont accusés de men­songe et de ne jamais tenir leurs promess­es » (jeu­di).

La ques­tion du Mis­tral est abor­dée quelque peu en sur­face : le jour­nal­iste para­phrase beau­coup les faits et les com­mu­niqués de presse du gou­verne­ment mais ne souligne pas le mer­cre­di le non-respect du con­trat, ses con­séquences et n’es­saye pas de don­ner une expli­ca­tion rationnelle du lien entre la vente du Mis­tral et les affron­te­ments ukrainiens. Sont évo­quées très briève­ment des sanc­tions économiques, mais dans la bouche d’un diplo­mate russe.

Les exter­nal­ités néga­tives pour l’é­conomie française de la perte de cette vente sont nom­breuses, tant pour l’emploi que pour les con­tribuables (paiement d’a­mendes par l’État), mais n’ap­pa­rais­sent qu’en six­ième posi­tion du JT de jeu­di, et non en une le mercredi.

Concernant la crise politique, il est notable qu’une convergence de difficultés s’abattent sur le pouvoir français : entre la démission d’un ministre pour des raisons fiscales, le livre de l’ex-première dame, les sondages, et précédemment le phénomène des frondeurs, de nombreux fronts sont ouverts contre le Président et le gouvernement.

Cette crise est cepen­dant min­imisée par la rédac­tion de France 2 : la chroniqueuse poli­tique Nathalie Saint Cricq prend claire­ment par­ti con­tre le livre de Valérie Tri­er­wiel­er : « cela relève de la vie privée », « volon­té de revanche », « sa vision ne grandit pas la fonc­tion prési­den­tielle » (mer­cre­di).

De même David Pujadas souligne mer­cre­di le non-respect de cer­taines claus­es du choc de sim­pli­fi­ca­tion promis par le gou­verne­ment, mais ne se mon­tre pas franche­ment critique.

L’af­faire Theve­noud jeu­di est rel­a­tivisée, la rédac­tion con­sid­érant qu’il ne s’ag­it que d’un « défaut de vig­i­lance du gou­verne­ment ». Il en est de même du sondage du Figaro plaçant le pou­voir social­iste au plus bas : Nathalie Saint Cricq explique cette chute con­tin­ue de la pop­u­lar­ité par le fait que ce qu’a lancé le gou­verne­ment n’a pas marché (certes), sans toute­fois analyser les caus­es et les formes de cette impop­u­lar­ité depuis plusieurs mois. Il faut not­er de même que cette démis­sion et ce sondage ne sont traités qu’en fin de JT jeu­di. La phrase résumant cepen­dant cette appar­ente volon­té de la chaîne de ne pas heurter le pou­voir est celle de Madame Saint Cricq jeu­di : « Pour lut­ter con­tre ça (cette chute, ndlr) il faut réformer mais le gou­verne­ment n’a pas le sou­tien de la pop­u­la­tion » ; ain­si, si le gou­verne­ment est faible dans les sondages, c’est parce que les gens ne lui font pas confiance !

Cette crise poli­tique devient véri­ta­ble­ment la pri­or­ité du JT de ven­dre­di, avec la réac­tion de François Hol­lande lors d’une con­férence de presse au som­met de l’OTAN : nous obser­vons une retrans­mis­sion, mais peu d’analyse, et surtout un vocab­u­laire de l’é­mo­tion et de l’empathie : Alain Duhamel, invité de la chaîne, par­le, avec les jour­nal­istes, de « l’é­mo­tion de François Hol­lande », d’un « prési­dent qui aura ten­té de sor­tir de cette crise » mal­gré « V. Tri­er­wiel­er qui lui a mis un coup de poignard », et espère que « l’ex­pres­sion sans-dents est fausse », sans oubli­er de rap­pel­er que « la dis­so­lu­tion fait le jeu du FN ». Mal­gré cette allu­sion à l’op­po­si­tion, les prin­ci­paux chefs de l’op­po­si­tion (François Fil­lon ou Marine le Pen) ne seront présents à l’écran que quelques sec­on­des pour évo­quer ce con­texte politique.

Si ce JT par­le de nom­breux sujets, nous notons toute­fois un cer­tain nom­bre de non-dits qui n’ont pas moins mar­qué l’ac­tu­al­ité : le change­ment de taux d’in­térêts opéré par la Banque cen­trale européenne est très briève­ment évo­qué, quelques sec­on­des en 5ème posi­tion de l’édi­tion de jeu­di, alors qu’il s’ag­it d’une infor­ma­tion économique majeure ; l’u­ni­ver­sité d’été du FNJ rassem­blant les cadres du Front nation­al est, elle, passée sous silence, alors que le rassem­ble­ment des jeunes UMP est évo­qué dans l’édi­tion de same­di avec un reportage sur Alain Jup­pé. Con­cer­nant l’ac­tu­al­ité inter­na­tionale, si l’Ukraine a fait la une, rien n’a été dit sur la sit­u­a­tion au Moyen Ori­ent pour­tant très insta­ble (Gaza, Irak) ni sur le référen­dum écos­sais et ses enjeux.

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