Créé en 2019, le “Conseil de Déontologie Journalistique et de Médiation” (CDJM) est une association loi 1901 qui donne son avis sur le respect par les différents médias de la “déontologie journalistique”. Très critiqué à sa création (la plupart des médias ont renoncé à y participer) — le journaliste Clément Weill-Raynal l’avait même qualifié de “tribunal suprême et moralisateur de la profession” — le CDJM continue à rendre régulièrement des avis, assez largement pour lui-même.
L’un de ses derniers avis concerne des propos d’Éric Zemmour tenus lors de son émission Face à l’info, sur le militant d’extrême gauche Taha Bouhafs.
Christine Kelly critiquée par le CDJM pour avoir laissé Zemmour s’exprimer
Cet avis publié le 24 janvier, est la conséquence de 80 saisines du CDJM faites suite à un passage de Zemmour sur CNews, le lundi 30 novembre 2020, lors duquel le journaliste avait qualifié Bouhafs de “militant indigéniste” et “islamiste”.
Le CDJM a rétorqué qu’il s’agissait “d’accusations graves” et “sans preuve” car “on ne trouve pas publiquement trace d’un engagement ou d’une opinion relevant de ce qu’on appelle “indigénisme””.
Le Conseil ne semble pas avoir beaucoup enquêté quand on voit les attaques faites par Bouhafs contre Charlie Hebdo par exemple, ou son organisation avec le militant “indigéniste” Youcef Brakni, d’une “Marche contre l’islamophobie”.
Mais en plus de jouer les avocats pour Bouhafs, le Conseil condamne avant tout dans sa conclusion, la journaliste Christine Kelly, qui “n’a pas réagi” face à de tels propos et par conséquent, les aurait indirectement validés, manquant ainsi à son devoir journalistique de questionner les faits. Pour éviter la condamnation, il faudra donc désormais réagir à tous les propos tenus sur un plateau par les autres journalistes.
Valeurs Actuelles aussi dans le viseur du CDJM
Valeurs Actuelles connaît aussi des péripéties avec ces nouveaux moralisateurs. Suite au récit intitulé “Obono l’Africaine”, écrit dans Valeurs Actuelles en août dernier (voir notre dernier dossier publié dans la Collection Désintox : L’affaire Obono-Valeurs Actuelles), le CDJM avait rendu un avis estimant que cet article “ne respecte pas la dignité humaine et est susceptible de nourrir les préjugés”.
En réponse, le média a assigné en référé le CDJM, estimant que ce dernier portait atteinte à leur “présomption d’innocence”. Le syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) a d’ailleurs apporté son soutien au journal.
Une première audience a eu lieu le 2 février, lors de laquelle les avocats du média et du SEPM ont fustigé “l’impérialisme déontologique” du Conseil, “organisme autoproclamé”, non souhaité par la majorité du secteur médiatique et notoirement incompétent. Ce dernier a donc au moins réussi quelque chose, celui d’unir la profession contre lui. Décision du tribunal le 11 mars 2021.