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Propagande islamiste
Le 24 mars 2020, le magazine s’est penché sur la façon dont réagit l’État islamique devant la pandémie mondiale. L’auteur de l’article intitulé Châtiment divin : la propagande menée par l’État islamique autour du covid-19, Nur Aziemah Azman, est chercheur associée au Centre international de recherche sur la violence politique et le terrorisme (ICPVTR) à la S. Rajaratnam School of International Studies (RSIS), Nanyang Technological University (NTU) de Singapour. Elle surveille, traduit et analyse le contenu des sites web extrémistes arabes et des plateformes de médias sociaux en mettant l’accent sur la propagande et les récits de l’État islamique en ligne. Dans ce cas précis, elle a remarqué un fort développement d’une propagande anti-chinoise et anti-chiite.
Que montre-t-elle ?
Dès le développement de la pandémie, la propagande de l’EI s’est tournée vers la Chine, considérée pour l’heure comme foyer d’origine, parlant du coronavirus comme d’un « châtiment divin ». Précisément : « Qu’Allah punisse la Chine de mort car les chinois ont fait mourir des musulmans: Le coronavirus est l’armée d’Allah ». Bien que peu intéressé par leur sort auparavant, c’est au prétexte du comportement de la Chine vis-à-vis de sa minorité musulmane que se développe cette rhétorique. Depuis le 6 février 2020, c’est même le bulletin hebdomadaire officiel de l’EI en arabe, Al-Naba, qui répercute la propagande : « la vengeance d’Allah est terrible ». Il s’agit de rappeler aux croyants que la détermination sera récompensée, d’après le Coran, au Paradis. Les articles évoquent la « souffrance méritée » des chinois et la nécessité « d’exterminer leurs récoltes ».
Dans le même temps, le bulletin de l’EI a conseillé aux musulmans d’éviter d’entrer ou de sortir des « zones contaminées », un point qui ne surprendra que ceux qui pensent encore que le terrorisme islamiste n’est pas ultra organisé. Nous ne pouvons que leur conseiller la lecture des Espions de la terreur (Harpercollins) de Matthieu Suc, journaliste de Médiapart. D’ailleurs, l’EI conseille aussi aux personnes infectées d’éviter tout contact avec les autres et appelle les scientifiques et médecins à travailler efficacement en vue de trouver un traitement. Il n’est pas anodin de rappeler que la région où l’EI existe toujours, le Moyen-Orient, dans la poche de Baghouz en Syrie, est infectée par l’épidémie de MERS-Cov, virus de la même famille quelle covid-19, depuis 2012.
Ce côté raisonnable de l’EI, si l’on peut dire cela d’une telle organisation, est cependant contrebalancé par l’exhortation faite aux musulmans de prier Allah afin d’être protégés du virus. Le bulletin l’indique : le covid-19 est une opportunité pour chaque musulman afin de reprendre le chemin de la prière, de reconnaître la peur du châtiment divin et de réfléchir sur la faiblesse humaine, comparativement à la grandeur d’Allah.
Anti-chiisme
Ce même « châtiment divin » est invoqué à l’égard de l’Iran et donc du chiisme. Dans Al-Naba, l’EI s’est réjoui de l’épidémie en Iran, moquant le fait que l’une des villes saintes du chiisme serait hypothétiquement devenue l’épicentre du virus. Le bulletin se moque du fait que les lieux saints soient interdits pour « cause de maladie ». Il y a un « journaliste » de ce bulletin qui manie l’ironie. L’article va plus loin, évoquant le « polythéisme » des chiites.
Concernant le reste du monde, l’EI considère que les musulmans qui meurent de maladies telles que le covid-19 sont des martyrs. Cela ne vaut pas pour les Iraniens, plutôt appelés à faire amende honorable en rejoignant « l’islam véritable ». Ici aussi, l’État islamique compte sur « l’armée d’Allah », autrement dit le virus.
The Diplomat nous informe précisément : il est dans le monde des individus qui sont heureux de la pandémie, du moment qu’elle ne touche pas leurs semblables. Ces individus toujours actifs et bénéficiant encore d’un espace, même si fortement réduit, diffusent de la propagande, un « média » sur lequel les gouvernements occidentaux devraient plus se concentrer que sur les médias alternatifs qu’ils envisagent de réduire dans leurs contrées. D’autant que les « médias » de l’EI atteignent les banlieues françaises — d’où provenaient plus de 30 % des combattants récents du terrorisme de l’EI issus d’autres pays que des pays musulmans. Banlieues dont l’on sait actuellement que l’autorité de la police, en matière de confinement, est modérée par ses chefs. Avant d’être un tueur, le terroriste de l’EI exerçant en Europe est souvent un dealer de quartier ou une petite frappe. Du genre à prendre la propagande du bulletin hebdomadaire de l’EI à la lettre.