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Le faux évêque de Cracovie de France Télévisions : tout est bon pour discréditer le gouvernement polonais…

24 juillet 2018

Temps de lecture : 4 minutes
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Le faux évêque de Cracovie de France Télévisions : tout est bon pour discréditer le gouvernement polonais…

Temps de lecture : 4 minutes

Pre­mière dif­fu­sion le 22 mai 2018

« L’évêque de Cracovie est certes opposé à l’avortement mais, dans “Avenue de l’Europe” du 16 mai 2018, il porte un jugement sans appel sur l’état de son pays. À 82 ans, Tadeusz Pieronek a connu le régime communiste polonais, puis l’ouverture à l’ouest. Voici son diagnostic sur la situation actuelle : “On peut parler de dérive autoritaire. Il n’y a plus de démocratie en Pologne. C’est une illusion de démocratie.” »

Voilà pour la présen­ta­tion de l’émission de France 3 sur le site de France Info. La couleur est annon­cée dans le cha­peau, juste sous le titre « “Il n’y a plus de démoc­ra­tie en Pologne” : l’évêque de Cra­covie dénonce la dérive autori­taire du régime » : « Gou­vernée par un par­ti ultra­con­ser­va­teur qui s’at­taque à la sépa­ra­tion des pou­voirs et aux lib­ertés civiques, la Pologne est-elle encore une démoc­ra­tie ? Dans cet extrait du mag­a­zine “Avenue de l’Eu­rope” du 16 mai 2018, voici le ver­dict, cinglant, de l’évêque de Cra­covie. » Pre­mière phrase de l’extrait en ques­tion : « L’évêque de Cra­covie est évidem­ment con­tre l’avortement, mais lui aus­si est en colère. »

Ce n’est qu’à la minute 0’59 (sur 1’11) que l’on voit s’afficher en bas de l’écran « Tadeusz Pieronek Évêque du diocèse de Cra­covie ». Car si Mgr Tadeusz Pieronek est bien rat­taché au diocèse de Cra­covie, il n’y est qu’évêque émérite. Cra­covie est la ville où il a suivi les cours du sémi­naire et où il a tra­vail­lé comme prêtre et comme uni­ver­si­taire une bonne par­tie de sa vie. Con­sacré évêque en 1992 par Saint Jean-Paul II, il a alors été évêque aux­il­i­aire du diocèse de Sos­nowiec puis a exer­cé dif­férentes fonc­tions auprès de l’archevêque de Cra­covie, archevêché qu’il n’a jamais dirigé et où il n’a même pas été évêque aux­il­i­aire. Mgr Pieronek était secré­taire général de la Con­férence épis­co­pale polon­aise dans les années 1993–98 et est aujourd’hui à la retraite. Il y a peu, il était encore mem­bre du con­seil de la Fon­da­tion Ste­fan Bato­ry fondée et financée par le mil­liar­daire améri­cain George Soros.

L’archevêque de Cra­covie, ce n’est pas Mgr Tadeusz Pieronek, con­traire­ment à ce que cherche à faire croire France Télévi­sions, mais Mgr Marek Jędraszews­ki qui, comme la con­férence épis­co­pale de son pays, ne partage pas for­cé­ment les vues de Tadeusz Pieronek. Mgr Pieronek est en effet très engagé en poli­tique et il est sans doute l’un des évêques de Pologne les plus à gauche, ce que le jour­nal­iste de France 3 ne pré­cise pas. Ain­si, quand il cri­tique pour la télévi­sion française la « pan­théon­i­sa­tion » du prési­dent Lech Kaczyńs­ki au château du Wawel, à Cra­covie, il con­teste par là-même sans le dire la déci­sion de l’archevêque de Cra­covie en poste en 2010, le car­di­nal Stanisław Dziwisz.

« Ici se trou­ve la métro­pole des rois de Pologne, pas des prési­dents », se plaint Pieronek qui omet de pré­cis­er que le corps du maréchal Józef Pił­sud­s­ki, dirigeant de la Pologne en 1918–22 puis deux fois pre­mier min­istre pen­dant l’Entre-deux-guerres, s’y trou­ve aus­si. Mais si Mgr Pieronek proteste con­tre cela, c’est aus­si pour enchaîn­er en affir­mant que « dans le pays, tous les pou­voirs sont désor­mais entre les mains d’une seule per­son­ne, son frère, Jarosław Kaczyńs­ki » (le leader du PiS, le par­ti majori­taire au parlement).

Les Polon­ais ne seront pas sur­pris de cette déc­la­ra­tion de la part d’un évêque émérite con­nu pour son hos­til­ité au PiS, qui gou­verne depuis l’automne 2015 en Pologne. En jan­vi­er dernier, il avait affir­mé face à un jour­nal­iste, que « l’on sent en Pologne la puan­teur du fas­cisme, du racisme, du com­mu­nisme et du nation­al­isme mal com­pris ». Depuis 2016, l’évêque émérite Tadeusz Pieronek a vio­lem­ment cri­tiqué plusieurs réformes du gou­verne­ment du PiS. En novem­bre 2017, la con­férence épis­co­pale de Pologne s’est désol­i­darisée de ses déc­la­ra­tions sur « l’héroïsme » d’un homme qui s’était immolé par le feu en plein cen­tre de Varso­vie après avoir dis­tribué aux pas­sants un man­i­feste poli­tique pour pro­test­er con­tre le gou­verne­ment du PiS et con­tre le fait que les man­i­fes­ta­tions de l’opposition atti­raient de moins en moins de monde. La con­férence des évêques avait alors pub­lié un rap­pel de l’enseignement de l’Église sur le sui­cide. Plus récem­ment, en avril dernier, Mgr Pieronek a cri­tiqué le sou­tien par la con­férence épis­co­pale du pro­jet de loi citoyen con­tre l’avortement eugénique.

C’est dire que cet évêque n’est ni « l’évêque de Cra­covie » ni même en phase avec l’ensemble de l’épiscopat polon­ais, même si pour don­ner de la crédi­bil­ité à « l’évêque de Cra­covie » que s’est choisi France Télévi­sions, l’on nous dit d’abord, en par­lant de Tadeusz Pieronek : « L’évêque de Cra­covie est certes opposé à l’avortement »…

Pho­to : cap­ture d’écran vidéo France Télévi­sions (0,59 sec)

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