Première diffusion le 22 mai 2018
« L’évêque de Cracovie est certes opposé à l’avortement mais, dans “Avenue de l’Europe” du 16 mai 2018, il porte un jugement sans appel sur l’état de son pays. À 82 ans, Tadeusz Pieronek a connu le régime communiste polonais, puis l’ouverture à l’ouest. Voici son diagnostic sur la situation actuelle : “On peut parler de dérive autoritaire. Il n’y a plus de démocratie en Pologne. C’est une illusion de démocratie.” »
Voilà pour la présentation de l’émission de France 3 sur le site de France Info. La couleur est annoncée dans le chapeau, juste sous le titre « “Il n’y a plus de démocratie en Pologne” : l’évêque de Cracovie dénonce la dérive autoritaire du régime » : « Gouvernée par un parti ultraconservateur qui s’attaque à la séparation des pouvoirs et aux libertés civiques, la Pologne est-elle encore une démocratie ? Dans cet extrait du magazine “Avenue de l’Europe” du 16 mai 2018, voici le verdict, cinglant, de l’évêque de Cracovie. » Première phrase de l’extrait en question : « L’évêque de Cracovie est évidemment contre l’avortement, mais lui aussi est en colère. »
Ce n’est qu’à la minute 0’59 (sur 1’11) que l’on voit s’afficher en bas de l’écran « Tadeusz Pieronek Évêque du diocèse de Cracovie ». Car si Mgr Tadeusz Pieronek est bien rattaché au diocèse de Cracovie, il n’y est qu’évêque émérite. Cracovie est la ville où il a suivi les cours du séminaire et où il a travaillé comme prêtre et comme universitaire une bonne partie de sa vie. Consacré évêque en 1992 par Saint Jean-Paul II, il a alors été évêque auxiliaire du diocèse de Sosnowiec puis a exercé différentes fonctions auprès de l’archevêque de Cracovie, archevêché qu’il n’a jamais dirigé et où il n’a même pas été évêque auxiliaire. Mgr Pieronek était secrétaire général de la Conférence épiscopale polonaise dans les années 1993–98 et est aujourd’hui à la retraite. Il y a peu, il était encore membre du conseil de la Fondation Stefan Batory fondée et financée par le milliardaire américain George Soros.
L’archevêque de Cracovie, ce n’est pas Mgr Tadeusz Pieronek, contrairement à ce que cherche à faire croire France Télévisions, mais Mgr Marek Jędraszewski qui, comme la conférence épiscopale de son pays, ne partage pas forcément les vues de Tadeusz Pieronek. Mgr Pieronek est en effet très engagé en politique et il est sans doute l’un des évêques de Pologne les plus à gauche, ce que le journaliste de France 3 ne précise pas. Ainsi, quand il critique pour la télévision française la « panthéonisation » du président Lech Kaczyński au château du Wawel, à Cracovie, il conteste par là-même sans le dire la décision de l’archevêque de Cracovie en poste en 2010, le cardinal Stanisław Dziwisz.
« Ici se trouve la métropole des rois de Pologne, pas des présidents », se plaint Pieronek qui omet de préciser que le corps du maréchal Józef Piłsudski, dirigeant de la Pologne en 1918–22 puis deux fois premier ministre pendant l’Entre-deux-guerres, s’y trouve aussi. Mais si Mgr Pieronek proteste contre cela, c’est aussi pour enchaîner en affirmant que « dans le pays, tous les pouvoirs sont désormais entre les mains d’une seule personne, son frère, Jarosław Kaczyński » (le leader du PiS, le parti majoritaire au parlement).
Les Polonais ne seront pas surpris de cette déclaration de la part d’un évêque émérite connu pour son hostilité au PiS, qui gouverne depuis l’automne 2015 en Pologne. En janvier dernier, il avait affirmé face à un journaliste, que « l’on sent en Pologne la puanteur du fascisme, du racisme, du communisme et du nationalisme mal compris ». Depuis 2016, l’évêque émérite Tadeusz Pieronek a violemment critiqué plusieurs réformes du gouvernement du PiS. En novembre 2017, la conférence épiscopale de Pologne s’est désolidarisée de ses déclarations sur « l’héroïsme » d’un homme qui s’était immolé par le feu en plein centre de Varsovie après avoir distribué aux passants un manifeste politique pour protester contre le gouvernement du PiS et contre le fait que les manifestations de l’opposition attiraient de moins en moins de monde. La conférence des évêques avait alors publié un rappel de l’enseignement de l’Église sur le suicide. Plus récemment, en avril dernier, Mgr Pieronek a critiqué le soutien par la conférence épiscopale du projet de loi citoyen contre l’avortement eugénique.
C’est dire que cet évêque n’est ni « l’évêque de Cracovie » ni même en phase avec l’ensemble de l’épiscopat polonais, même si pour donner de la crédibilité à « l’évêque de Cracovie » que s’est choisi France Télévisions, l’on nous dit d’abord, en parlant de Tadeusz Pieronek : « L’évêque de Cracovie est certes opposé à l’avortement »…
Photo : capture d’écran vidéo France Télévisions (0,59 sec)