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Le Figaro et Le Monde, de conserve contre Elon Musk

12 septembre 2024

Temps de lecture : 8 minutes
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Le Figaro et Le Monde, de conserve contre Elon Musk

Temps de lecture : 8 minutes

De respectables lecteurs font confiance au Figaro, supposé être une vigie droitisante en face du progressiste Monde. Certaines signatures font illusion et le Figaro Vox demeure un exutoire pour la fraction la plus conservatrice du lectorat. Pour le reste les positions sont souvent alignées entre les deux journaux et pour une raison simple, le profil de la majorité (pas tous bien entendu) des journalistes est à peu près le même dans les deux rédactions. Analyse de deux papiers hostiles à Elon Musk et à sa croisade pour la liberté d’expression.

Le Figaro : Elon Musk fait de la propagande

Sous la sig­na­ture d’Hélène Vis­sière nous lisons un papi­er du 13/08/24 inti­t­ulé « Émeutes en Grande-Bre­tagne, prési­den­tielle améri­caine : Elon Musk déploie sa pro­pa­gande très poli­tique ». L’introduction donne le ton, cet « abso­lutiste de la lib­erté d’expression » a « autorisé le retour d’extrémistes sur la plate­forme ». Un abso­lutiste ne présage rien de bon, encore moins si de sur­croît il sou­tient des extrémistes qui ne sauraient trop plaire à un pub­lic sup­posé bour­geois et rassis.

Hélène aime bien Keir Starmer et Humza Yousaf

Keir Starmer est le nou­veau pre­mier min­istre tra­vail­liste après la désas­treuse lég­is­la­ture des con­ser­va­teurs. C’est lui, après le meurtre de trois fil­lettes anglais­es par un rwandais, qui a séquestré et puni son peu­ple dont les réac­tions de dégoût et d’indignation se sont trans­for­mées en émeutes. C’est lui qui a fait met­tre en juge­ment et empris­on­ner des cen­taines de bri­tan­niques indignés, man­i­fes­tants ou sim­ples util­isa­teurs de X/Twitter exp­ri­mant leur colère. Elon Musk a exprimé son sou­tien aux protes­tataires embastil­lés, soulig­nant que la police qui matraquait les protes­tataires a soutenu les man­i­fes­tants diver­si­taires anglais antifas. Il a estimé – peut-être à tort – que « la guerre civile était inévitable ».

Nous auri­ons ten­dance à penser le con­traire, le pou­voir poli­tique anglais emploiera tous les moyens à sa dis­po­si­tion pour bris­er la con­science de son peu­ple et ses réac­tions, les meurtres de fil­lettes con­tin­ueront, les vio­ls de cen­taines de jeunes filles par des gangs pak­istanais con­tin­ueront d’être tus ou min­imisés, mais c’est un autre sujet. Hélène Vis­sière voit dans X/Twitter ren­du plus libre par Musk un réseau social qui « four­mille de bobards et de dis­cours haineux ». Elle partage l’avis de l’ex-premier min­istre écos­sais Hum­sa Yousaf qui voit dans Musk « l’un des hommes les plus dan­gereux de la planète ». On a les amis qu’on mérite.

Le Center for Countering Digital Hate (CCDH) d’Imran Ahmed

Vous ne con­nais­sez pas le CCDH, nor­mal si vous n’êtes pas anglo-sax­on, c’est un enfant chéri d’Hélène, qu’elle cite comme une référence. Le CCDH, avec des bureaux à Lon­dres et Wash­ing­ton, a été créé en 2018 d’abord sous le nom de Brix­ton Endeav­ors et a pour but de « lut­ter con­tre les dis­cours de haine en ligne et la dés­in­for­ma­tion ».

Il s’intéresse en par­ti­c­uli­er aux cam­pagnes non con­formes sur le Covid, aux finance­ments des médias améri­cains ou anglais con­ser­va­teurs (sur le mod­èle des Sleep­ing Giants), il sou­tient les cam­pagnes de l’Open Soci­ety de George Soros en dia­bolisant ses adver­saires, promeut la cam­pagne Black Lives Mat­ter, il mène une cam­pagne très active con­tre la poli­tique de moin­dre cen­sure d’Elon Musk etc. Le CCDH est mem­bre de la coali­tion Stop Hate for prof­it, (voir infra).

Stop Hate for profit, une organisation d’extrême-gauche

Voyons d’un peu plus près à quoi ressem­ble Stop Hate et citons sur le sujet un arti­cle de Mar­i­anne du 13/01/21.  Après la défaite de Don­ald Trump et l’invasion du Capi­tole par ses par­ti­sans, YouTube (Google) prend la déci­sion de sup­primer la chaîne de Don­ald Trump, com­ment et pourquoi ? Citons Mar­i­anne :

« Une coali­tion d’ONG avait demandé à la plate­forme de sup­primer cette chaîne et l’avait men­acé de boy­cott pub­lic­i­taire si elle ne s’exé­cu­tait pas …  Ce 12 jan­vi­er, la plate­forme a blo­qué la chaîne du prési­dent “pour au moins 7 jours” et a sup­primé une vidéo pour motif de vio­la­tion de sa poli­tique lut­tant con­tre l’inci­ta­tion à la vio­lence. Cette déci­sion inter­vient après l’ap­pel, le même jour, d’une coali­tion d’ONG inti­t­ulée “Stop Hate for Prof­it” (“Arrêtez la haine pour le prof­it”), menaçant YouTube de boy­cott pub­lic­i­taire si elle ne sup­pri­mait pas le compte du président…

 

Une cen­taine d’or­gan­i­sa­tions améri­caines se trou­vent à l’o­rig­ine de cette ini­tia­tive. Cer­taines sont locales (Ari­zona Jews 4 Jus­tice, par exem­ple), d’autres, très présentes au niveau nation­al. La Gay & Les­bian Alliance Against Defama­tion, GLAAD, influ­ente asso­ci­a­tion décer­nant chaque année les GLAAD Media Awards, ou encore la Nation­al Asso­ci­a­tion for the Avance­ment of Col­ored Peo­ple, organ­i­sa­tion de défense des droits civiques his­torique aux États-Unis, font notam­ment par­tie des organ­isa­teurs. Démar­rée par la sig­na­ture de mar­ques d’équipements de ran­don­née REI, de vête­ments Patag­o­nia et les glaces Ben & Jer­ry, la cam­pagne Stop Hate for Prof­it a rapi­de­ment été rejointe par le roi des télé­coms Ver­i­zon, les con­struc­teurs auto­mo­biles Ford et Hon­da, ou encore le géant des phar­ma­cies Wal­green ».

Fer­mez le ban, c’est — tout cru — le vis­age de l’alliance du cyber cap­i­tal­isme et de l’aile d’extrême gauche du par­ti démoc­rate. Où pour­rait-on plutôt retrou­ver des admi­ra­teurs du CCDH et de Stop the Hate ? Sur Medi­a­part ? Que nen­ni, c’est dans le Figaro où la char­mante Hélène cite favor­able­ment ses cama­rades de CCDH/Stop the Hate. Ami lecteur du Figaro, une par­tie du con­tenu de ton quo­ti­di­en préféré pour­rait aus­si bien se trou­ver sur Libéra­tion sous la sig­na­ture d’Hélène et de quelques autres.

Le Monde : Elon Musk obsédé par le virus woke

Coïn­ci­dence ou non, c’est exacte­ment à la même date du 13/08/24 qu’Arnaud Lep­ar­men­tier signe un arti­cle dans Le Monde inti­t­ulé « Les obses­sions d’Elon Musk : repe­u­pler la planète et détru­ire le virus woke ». Avec Hélène, Musk était un abso­lutiste, avec Arnaud il est main­tenant dou­blé d’un obsédé. L’article de Lep­ar­men­tier exerce une sorte de psy­ch­analyse de Musk, dont la con­clu­sion s’énonce d’elle-même la lec­ture achevée : Musk est fou, tout simplement.

Démolition en règle de Musk par sa vie privée

Accrochez-vous, Musk était mar­qué par Lucifer dès son enfance et ça ne s’est pas amélioré ensuite :

Il a été élevé dans « l’Afrique du Sud blanche de l’apartheid ». C’est un enfant « timide et soli­taire » qui « atteint du syn­drome d’Asperger » joue à « Don­jons et drag­ons ». Il évolue dans « une société très macho » mais pour­tant « il ne jouait pas au rug­by ». Pour la famille, c’est pire avec « une mère de 76 ans qui a des rêves d’éternité en faisant la top-mod­èle en cou­ver­ture des mag­a­zines, tan­dis que son père a eu deux enfants avec la fille de sa deux­ième femme ».

Sa vie sex­uelle n’est pas nette, il a eu douze enfants (hor­reur) dont un/une en tran­si­tion de genre, ce qu’il n’a pas accep­té (il aurait dû se réjouir). Il a pro­posé à une hôtesse de l’air « des rela­tions sex­uelles en échange d’un cheval » (sic), il a eu égale­ment « des aven­tures sans lende­main » (voilà qui est excep­tion­nel). Il a divor­cé plusieurs fois et dans un cas, « l’ancien cou­ple se dis­pute la garde des enfants devant les tri­bunaux, une audi­ence ayant eu lieu au Texas cet été », Lep­ar­men­tier doit con­sid­ér­er ce con­flit, hélas banal, comme une preuve sup­plé­men­taire de déséquilibre.

Absence de maturité personnelle

Tout ceci reflète une (regret­table) « absence de matu­rité per­son­nelle ». Une preuve de plus : « L’homme n’est pas religieux, mais il se définit comme « chré­tien cul­turel ». Der­rière le terme « chré­tien », sans doute faut-il lire « occi­den­tal », même si les trois quarts d’entre eux vivent dans des pays du Sud. « À moins que davan­tage de courage ne se mobilise pour défendre ce qui est juste et bon, le chris­tian­isme péri­ra », a‑t-il déclaré aggra­vant son cas.

Pire, il a annon­cé « mi-juil­let, sa volon­té de déplac­er au Texas le siège de SpaceX et celui de X, situés en Cal­i­fornie, en rai­son d’une loi inter­dis­ant aux écoles de cet État de noti­fi­er aux par­ents le change­ment de genre des élèves sans con­sen­te­ment de ces derniers » car « Le but de cette loi dia­bolique est de bris­er la rela­tion par­ent-enfant et de don­ner la charge de vos enfants à l’État », accuse t’il. Pas de doute, celui qui souhaite que les par­ents soient infor­més en cas de change­ment de sexe de leur enfant est un malade à enfer­mer. D’ailleurs, « ce lib­er­tarien – autrement dit adepte d’une lib­erté qua­si absolue – a dérivé aux con­fins de l’extrême droite et con­fir­mé son sou­tien à Don­ald Trump dans la foulée de la ten­ta­tive d’assassinat dont l’ancien prési­dent a été vic­time le 13 juil­let, en Penn­syl­vanie ».

N’en jetez plus, la cour est pleine ! À la lec­ture de cet arti­cle on a l’impression qu’Arnaud Lep­ar­men­tier – d’habitude plus mesuré – s’est lais­sé emporter par la haine de son sujet. Il a écrit mal­gré lui une sorte de pas­tiche, un réquisi­toire en forme de bric-à-brac, où tout y passe et où tout est à charge. Par exem­ple, Elon Musk a eu recours à la PMA (sou­vent encour­agée par le Monde) et aurait fait une propo­si­tion de GPA (très, très vive­ment encour­agée par le jour­nal) à une dame, c’est le signe d’une para­noïa pour un homme obsédé par le pos­si­ble déclin de la repro­duc­tion humaine.  On pour­rait citer d’autres exemples.

On peut se moquer de Musk, pourquoi pas ? L’attaquer poli­tique­ment aus­si. Mais l’homme qui a créé Tes­la, SpaceX, Neu­rolink, qui est une des per­son­nes à la base de la dif­fu­sion de l’intelligence arti­fi­cielle, n’est pas seule­ment l’absolutiste de Ves­sière ou l’obsédé de Lep­ar­men­tier. C’est aus­si un indus­triel d’exception et un par­ti­san de la lib­erté d’expression et d’opinion. C’est à ce dernier titre que, le même jour, deux jour­nal­istes un du Monde et une du Figaro le clouent au pilori. C’est tout sauf un hasard.

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