Le Figaro, grand quotidien de la droite libérale française détenu par l’avionneur Serge Dassault, semble régulièrement confondre business et journalisme. Le 1er juin dernier, une réunion entre le patron des rédactions, Alexis Brézet, et la société des journalistes du titre a donné lieu à des récriminations à propos du traitement de certains sujets d’actualité visant visiblement à ne pas gêner les intérêts de l’industriel propriétaire du titre, au détriment de la liberté d’informer.
Le Canard Enchaîné en donne des extraits savoureux. Première point de friction : l’Égypte qui vient d’acheter quelques Rafales. Un article du service étranger est tout simplement sucré dans la première édition du dimanche 24 mai puis réécrit et « planqué » dans la seconde. Au passage, la condamnation à mort d’un universitaire par le régime d’Al-Sissi a disparu. Commentaire d’Alexis Brézet qui sonne comme un terrible aveu : “tous les journaux qui sont détenus par des industriels (et ils le sont tous) sont confrontés à cette problématique (…) Il faut être particulièrement rigoureux, avoir conscience de la surinterprétation à l’extérieur des articles que nous écrivons sur les pays dans lesquels notre actionnaire a des intérêts”. Voilà qui rappelle singulièrement Nicolas de Tavernost sur M6 qui avouait censurer certaines de ses émissions (« Capital » et « Zone interdite » notamment) car il ne pouvait pas “supporter qu’on dise du mal de ses clients”.
Autres sujets sensibles en ce début juin : le Qatar et l’Inde, pour les mêmes raisons. Avec un petit numéro de langue de bois d’Alexis Brézet en prime : “il n’y a pas de papier sur le Qatar qu’on ne peut pas écrire. La preuve ce matin [1er juin] avec Philippot qui est attaqué en diffamation par le Qatar.” Mais il s’empresse d’admettre que “dans ce cas précis, il était plutôt de nature à rendre service au Qatar”…
Dernier sujet soulevé par la SDJ : Le Figaro a été le seul des principaux médias français à ne pas avoir titré en une sur le scandale de corruption qui secoue la Fifa, relégué en sujet secondaire. Ce qui rappelle le temps des affaires Dassault qui faisaient la une de la plupart des journaux mais d’un entrefilet pudique dans Le Figaro.
La SDJ accuse : “certains journalistes nous affirment qu’on leur a demandé d’être prudents avec le Qatar et la Fifa”. Le patron quant à lui botte en touche : “je ne suis pas un spécialiste du football”. Mais pour ménager les clients, en revanche, il s’y connaît très bien.