Pour bénéficier d’une carte de presse et des avantages (plutôt modestes) qui y sont liés il faut que l’activité principale du candidat soit liée à une action strictement journalistique, Dov Alfon, rédacteur en chef de Libération, vient de se la voir refusée, à notre avis indûment.
Dov Alfon et l’unité 8200
Né en 1961 en Tunisie alors sous protectorat français, Dov Alfon bénéficie de la nationalité française mais prendra la nationalité israélienne (sa mère a alors émigré en Israël) lorsqu’il choisit de faire son service militaire dans l’unité 8200, la crème de la crème des services de renseignement israéliens.
Selon le Times of Israël en français (16 juin 2019, 25 juin 2020)
« L’unité 8200 – ou unité Shmoneh-Matayim en hébreu – est considérée par la majorité des analystes des renseignements comme l’une des unités d’espionnage les plus sophistiquées – et quelque peu controversées – de toute la planète. Une enquête parue en 2014 dans le Guardian avait par exemple révélé qu’elle était chargée d’espionner les civils palestiniens en Cisjordanie…. Il est de notoriété publique que le journaliste, éditeur et auteur Dov Alfon, 58 ans, a participé à la collecte de renseignements en vue de l’opération israélienne Opéra, un raid aérien surprise mené au mois de juin 1981 qui avait détruit un réacteur nucléaire iranien situé aux abords de Bagdad.
Mais lorsqu’on lui demande de citer des exemples spécifiques d’opérations auxquelles il a participé quand, jeune homme, il appartenait à l’unité 8200 de l’armée israélienne, Dov Alfon fait une pause, marquant une hésitation.
« Je ne peux pas parler des choses que j’ai pu faire ou ne pas faire dans les rangs de l’unité 8200 », explique-t-il au Times of Israël avec un détachement que ne renierait pas James Bond, lors d’une interview réalisée à Paris, dans un lieu qui ne sera pas divulgué. »
Toujours de la même source, on précise que cette unité (à laquelle Dov Alfon n’appartient plus depuis la fin de son service militaire selon les sources officielles) a été récemment décorée pour services rendus, comme le dit le général Hayman, son responsable :
« L’excellence par un besoin clair, l’excellence par la soif de succès, l’excellence par le fait de ne pas transiger sur les petits détails – c’est l’esprit du renseignement militaire et cela s’exprime également lors de cet événement », a déclaré Hayman. « Les activités opérationnelles ont été menées de manière clandestine, avec créativité et un fort désir de réussite. »
« Les capacités opérationnelles, la collaboration et les réalisations uniques qui se sont reflétées dans vos actions ne peuvent pas être prises à la légère », a‑t‑il déclaré. « Cette opération est une première et la plus importante étape d’un long chemin qui nous attend. »
Voir aussi : Libération : Dov Alfon, ancien des services de renseignements israéliens, nouveau rédacteur en chef
La carte de presse
C’est la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) qui délivre cette carte qui permet à la fois un dégrèvement fiscal et de se faire admettre dans certaines conférences de presse, séminaires, conventions, etc. Cette commission avait déjà refusé en janvier 2021 la fameuse carte à Patrick Halfon (son vrai nom, Dov Alfon est un pseudonyme), arguant que ses fonctions managériales prédominent sur ses activités de journaliste ; et vient de confirmer son refus. Un appel est possible mais Dov Alfon a indiqué qu’il n’utiliserait pas cette procédure.
Sous cette jurisprudence Denis Olivennes s’était vu refuser la carte en 2009 alors qu’il était à la tête du Nouvel Observateur. Le cas nous paraît différent de celui de Halfon/Alfon. Olivennes (ex Fnac, Air France, Canal+- etc) n’a jamais été journaliste. Dov Alfon l’est incontestablement, il a effectué (en-dehors de ses activités d’espion) et exerce une activité journalistique, certes de direction mais bien dirigée sur le journalisme. Lui refuser la carte semble plutôt obéir à un réflexe corporatiste de fermeture qu’à la logique du journalisme en soi.
Voir aussi : La pseudo-indépendance de Libération