Ce dimanche 3 septembre 2023 marquait le retour sur les ondes de Charline Vanhoenacker avec son émission, Le Grand Dimanche Soir, sur France Inter. Quelques mois après l’arrêt polémique du dernier programme qu’elle avait animé, l’humoriste a désormais un créneau de deux heures le dimanche soir avec, à ses côtés, une troupe d’humoristes du terroir Radio France, et parmi eux l’irremplaçable Guillaume Meurice. L’OJIM était derrière le poste pour la première.
Réchauffé de bouillie
Pour son inauguration, l’émission prenait place dans le grand auditorium de Radio France, où près de 1000 personnes avaient fait le déplacement de toute la France comme nous l’apprend Télérama. Le programme de ce Grand Dimanche Soir tenait en une formule, reprise à la patronne de Radio France, Adèle Van Reeth, qui avait déclaré il y a quelques semaines vouloir « titiller les interdits ». Dans un élan de naïveté, nous nous attendions donc à un humour transgressif qui allait s’attaquer aux tabous de notre époque, une vraie prise de risque pour celui qui réalise cette performance. Hélas, même pas deux minutes derrière le poste et voilà déjà les premières vannes sur Éric Ciotti ou Valérie Pécresse. En termes de prise de risque, c’est du même alambic que de tirer sur une ambulance aux quatre roues crevées. Ces plaisanteries fades étaient le symbole de ce qui allait composer cette première : une bouillie réchauffée de boutades sur l’hydre conservatrice, sur les salauds d’extrême droite et l’odieuse bourgeoisie.
Voir aussi : Charline Vanhoenacker, portrait
Coquillettes hallal et Lola oubliée
Parmi les têtes de Turc choisies : le JDD version Lejeune. Trois minutes seulement auront suffi à nos saltimbanques pour essayer de ridiculiser l’hebdomadaire en évoquant son grand combat : la lutte contre les coquillettes hallal dans les cantines scolaires. Un coup bas, digne d’un collégien, visant à nier le sérieux et la légitimité de la ligne éditoriale du JDD, dont la première une portait sur les meurtres et les agressions dont sont victimes les Français, comme la petite Lola. Un sujet éminemment sérieux et préoccupant, mais qu’il faut à tout prix minimiser par le rire.
D’autres moments ont retenu notre attention comme le moment où un chroniqueur met, toujours sur le ton de l’humour, les abayas sur le même plan que l’école privée catholique. Autre instant notable quand un intervenant caricature certains tweets disant que « 40° c’est normal ». C’est une façon détournée de tacler ceux qui ont fait remarquer à Sandrine Rousseau que, lorsqu’elle tweettait qu’il faisait une soixantaine de degrés en Espagne, la température n’avait rien de choquant puisqu’il s’agissait de la température du sol et non celle de l’air.
Maréchal nous voilà (sic)
Cependant, un élément nous attriste. Une heure était passée et personne n’avait été traité de pétainiste ou de nazi. Mais c’était parler un peu vite. Au bout d’une heure dix, le mot CNews est prononcé, tout de suite suivi du chant « Maréchal, nous voilà ! ».
Nos lecteurs l’auront compris, cette émission ressemble exactement à ce à quoi nous nous attendions en voyant le nom de Charline Vanhoenacker associé au groupe Radio France.
Cet humour éculé est-il la recette du succès ? Si la question semble ironique, la lecture d’un papier de Libération consacré à l’émission laisse la question en suspens. Naturellement, à aucun moment ce papier ne critique l’humour de l’émission. Cependant, il note tout de même la propension de la troupe à « donner les mêmes coups de marteau sur les mêmes clous »[1] (notons cependant que la remarque concerne l’ancienne émission de Vanhoenacker). C’est en effet l’impression que l’on a en écoutant cette émission. Pourtant, si l’on remonte aux années 80, les coups étaient donnés sur l’ensemble de la classe politique. Citons le cas de Thierry Le Luron. Certes, il a repris une chanson de Serge Lama et en a fait « Le Pen attention danger ». Mais c’est également lui qui en 1984 faisait chanter « L’emmerdant c’est la rose » à un public composé de sympathisants socialistes, en direct un samedi soir, s’adressant face caméra au président de l’époque François Mitterrand. Voilà un exemple de parité humoristique que la troupe du Grand Dimanche Soir devrait méditer.
Autre remarque de Libération : le public n’est pas très varié au niveau des opinions politiques (l’est-il au niveau social, nous l’ignorons). Si même Libé le dit, c’est alarmant. Cette émission est un entre-soi pour des gens finalement déjà conquis par l’humour France Inter. Comme le montre un article complice de Télérama, certaines personnes ont traversé la France afin d’assister à l’émission. C’est donc devant un public conquis par avance que cette émission a eu lieu. Alors, pourquoi innover ?
Enfin, dans son article Libération parle de la ligne « prétendument de gauche » de France Inter. On comprend mal, après avoir écouté l’émission, l’emploi du mot prétendument dans cette phrase.
Voir aussi : France Inter n’est ni de droite ni de gauche, vraiment ?
Notes
[1] Libération, 4 septembre 2023