Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, était l’invité du Grand Jury LCI-le Figaro-RTL, le dimanche 25 novembre 2018. Une séquence qui a donné lieu, pour l’auditeur attentif, à l’émission d’un « signal faible », révélateur de la crise que traversent actuellement les « élites » auto-proclamées.
Les saillies de Darmalin
On ne relèvera pas ici les dérives verbales de ce ministre, surnommé par ses collègues « Darmalin » : les Gilets Jaunes ne seraient au final qu’un « défilé de peste brune », il ne serait pas possible de déjeuner à Paris pour moins de 100 € (par personne, et sans le vin), il était certain que l’augmentation des taxes sur les carburants n’entraînerait pas de fronde sur le mode « Bonnets Rouges ». En pleine crise Darmanin reconnaissait d’ailleurs que près de 577 millions € tirés de la taxe sur les carburants seraient réaffectés au budget général et non plus à la transition énergétique.
Avertissement aux journalistes
On relèvera ici un avertissement en trois actes du ministre aux journalistes présents sur le plateau. Avertissement qui, comme les sommations de dispersion adressées aux manifestants par les forces de l’ordre, a été marqué par une gradation de la menace, en trois temps au cours de l’émission.
Cela commence de manière soft, quand le ministre rappelle gentiment que le Président de la République « est conscient qu’il y a une grande séparation entre le peuple et les élites, bien évidemment. Mais les élites ne sont pas que les élites politiques, elles sont AUSSI politiques ». Première et discrète sommation.
Visiblement, le Grand Jury manque de vivacité ce dimanche matin, et ne comprend pas la semonce qui leur est adressée. Les journalistes poursuivent donc, dans la tradition de l’émission avec des questions directes et insistantes. On sent Darmanin prêt à monter dans les tours.
Vient la séquence « Questions Net », avec le fameux sujet du restaurant à 100 €, qui affole les réseaux sociaux. Deuxième sommation très sèche du ministre au journaliste : « Vous n’y êtes jamais allé, vous, dans un restaurant à 100 € ? ». Réponse un peu gênée du journaliste : « Peut-être une ou deux fois ». La réponse claque comme un fouet : « Vous voyez, les gens qui touchent le RSA n’y sont jamais allés, eux ».
Et pour clore toute velléité de poursuivre sur le sujet, la dernière sommation, celle à l’issue de laquelle on peut faire légalement appel à la force, sera immédiate : « Il y a des gens en France qui touchent 900, 800, 700 € et qui voient la différence profonde qu’il y a entre eux et les élites. Et pas simplement les hommes politiques. C’est le cas des journalistes, c’est le cas des dirigeants d’administration, c’est le cas aussi des chefs d’entreprises ». Il n’y aura plus de question gênante pendant la dernière partie de l’émission.
Fessée publique
Une fessée publique à peine voilée, un ministre rappelle en direct à des journalistes issus de titres largement subventionnés (Le Figaro pour 5,8 millions €, par exemple) que, finalement, ils sont tous dans le même bateau face à une colère populaire sur le point de devenir incontrôlable.
On sait que nombre de journalistes sont devenus des cibles de la colère sourde du peuple, ils s’en plaignent suffisamment. Mais ont-ils compris ce que le peuple leur reproche ? Ont-ils compris que (pas pour tous mais pour une large proportion d’entre eux), par leur mode de pensée et de fonctionnement corporatiste et parfois dédaigneux, ils sont désormais classés nolens volens parmi les élites hors-sol?
Le rappel de Darmanin (qui pour le coup a bien mérité bien son surnom) évoque la réplique célèbre d’un film des années 90 « Backdraft » : « Si tu tombes, on tombe ». Une sorte de solidarité des élites.