Ceux qui ont eu la chance d’assister à la conférence de presse, organisée par le fin connaisseur des médias Jean-Clément Texier, dans les salons de l’hôtel Bristol le 23 mai à Paris ont vu un exercice de haut vol : comment un groupe de presse dont les revenus digitaux étaient égaux à zéro en 2012, réalise les deux-tiers de son profit dans ce secteur cinq ans plus tard.
Ringier ? Inconnu du grand public français
Le groupe Ringier (présidé par Michael Ringier) est peu connu en France. Il y a revendu sa participation dans l’hebdomadaire Le Point, dispose de quelques modestes licences de titres français (Elle au Vietnam, Gault & Millau en Suisse) et d’accords entre le quotidien suisse francophone Le Temps (possédé avec Springer) et Le Monde. Ce groupe familial évoque peu de choses aux yeux du grand public français.
Mais le groupe est le premier en Suisse devant le rival Tamedia, avec le tabloïd quotidien germanophone Blick qui est en train de révolutionner la manière de publier un quotidien populaire, avec d’innombrables places de marché (emploi, immobilier, emploi, santé), des radios privées (Energy), une participation à la première régie publicitaire du pays (Admeira) avec Swisscom et la radio télévision publique suisse, de l’imprimerie et de l’évènementiel. Sans compter la JV avec l’allemand Springer dans Le Temps.
Une présence internationale
Le groupe a investi au bon moment en Europe Centrale et Orientale. Présent en Pologne, Slovaquie, Serbie, Hongrie, Roumanie, Ukraine et maintenant dans les Pays Baltes. Le portail polonais Onet revendique 430 millions de vidéos vues par mois en Pologne. Vous avez bien lu, plus de 400 millions de vues pour un pays de quarante millions d’habitants.
Ringier a eu la sagesse d’arrêter ses activités en Chine (l’Eldorado où le réseau Viadeo s’est cassé les dents et a dû être cédé au Figaro) pour se recentrer sur le Vietnam et le Myanmar. Plus original le groupe investit en Afrique anglophone et francophone via son portail Pulse et des places de marché (immobilier, emploi).
Et des chiffres impressionnants
Avec un chiffre d’affaires presque tout rond de 1002K francs suisses (soit 850M€ au cours du 25 mai 2018), le groupe réalise un profit après amortissements et taxes de 11% (supérieur à 90M€). Et 66% du profit vient du digital, un secteur absent cinq ans avant. Une performance qui serait encore meilleure si le groupe ne réalisait pas encore 10% de son activité dans l’imprimerie, un segment qui ressemble à un boulet mais qui est à l’origine du groupe.
Ringier a décidé de faire appel chaque année à un artiste pour illustrer son rapport annuel. Pour 2017 c’est l’artiste (digitale bien sûr, mais mise sur papier) estonienne d’origine russe Katja Novitskova (née en 1984) qui a été choisie. Influencée par les images d’animaux, « l’animal, c’est de la vie crue », l’artiste présente un grand port-folio avec un superbe chien bleu dont on ne sait si sa couleur est due à la pollution de l’endroit où la photo a été prise ou à Photoshop. Mais comme le souligne l’artiste « Toute tentative de capturer la vérité est biaisée d’une manière ou une autre », ce qui pourrait servir de définition au journalisme.