Pour survivre à vingt années de pertes, il faut avoir les poches profondes et surtout dépendre d’une très riche fondation indépendante. Et pour rétablir l’équilibre, il faut aussi avoir trouvé un mode de financement original, via les dons.
Scott Trust Limited
Peu de spécialistes connaissent l’existence du Scott Trust Limited, présidé en 2019 par Alex Graham et dont les actifs étaient estimés en 2018 à un milliard de livres, (une livre valait 1,16€ le 8 mai 2019). Créée en 1936 par John Scott, alors propriétaire du Manchester Guardian (devenu plus tard le Guardian), le fonds avait un double objectif : régler des problèmes de succession et assurer la continuité de la ligne libérale du quotidien.
Le trust s’est progressivement séparé de ses actifs dans les médias (autres que le Guardian et l’Observer) et a vendu la place de marché Auto Trader (achat et vente de véhicules automobiles) pour plus de 600 millions de livres à un fonds d’investissement américain en 2014. Le fonds a pu absorber les quelque 250 millions de livres perdues par le quotidien britannique. Un chiffre à rapprocher des 440 millions d’euros injectés par LVMH de Bernard Arnault dans Le Parisien.
Le salut vient des États-Unis et des donations
Comme son confrère le magazine The Economist, le Guardian a une majorité de lecteurs aux États-Unis, qui représentent 60% du lectorat. De quoi alimenter les 650 000 donateurs. Car le système a ceci d’original que la lecture de la plupart des articles est gratuite. S’il y a bien des abonnements payants (un peu plus de 100 000) et une formule particulière pour les amateurs de mots croisés, environ trois cent mille donateurs ont choisi un prélèvement mensuel et autant font un don ponctuel. Les donateurs se transforment en militants du quotidien, s’identifiant aux causes qu’il défend : les valeurs libérales libertaires, le combat contre le Brexit, une vigoureuse opposition à Trump. Comme le New York Times, le Guardian a su fédérer une communauté de lecteurs/donateurs/abonnés qui génèrent une grande partie de ses revenus où le digital compte pour plus de 55%.