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Le journalisme féministe woke en crise, Causette et Madmoizelle au bord du gouffre

17 juin 2024

Temps de lecture : 4 minutes
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Le journalisme féministe woke en crise, Causette et Madmoizelle au bord du gouffre

Temps de lecture : 4 minutes

L’Observatoire du journalisme (Ojim) a consacré une brochure papier au néo-féminisme (voir infra), un féminisme façon fast food, prêt à liker, prédigéré, un petit monde indigeste qui a eu du succès, maintenant en repli comme le prouvent le destin de deux titres phares, Causette et Madmoizelle.

Madmoizelle licencie l’intégralité de ses journalistes

Le webzine Mad­moizelle fondé en 2005 par Fab­rice Flo­rent était le cinquième site féminin préféré des français en 2020 lorsque le groupe Humanoid a annon­cé son rachat. Le site, conçu à des­ti­na­tion de la tranche d’âge 18–30 ans, répondait aux préoc­cu­pa­tions et aux inter­ro­ga­tions exis­ten­tielles de la jeunesse mod­erne : Insta­gram, Tik­Tok, har­cèle­ment de rue, Polan­s­ki, ten­dances beauté et mode… le tout parsemé de poli­tique fémin­iste mil­i­tante et de philoso­phie poli­tique­ment cor­recte de comptoir.

Rachat par EBRA en 2022 et fin en 2024

C’est en 2022 que le groupe EBRA du Crédit mutuel a repris le site en espérant surfer sur une vague plus jeune que les lecteurs de ses quo­ti­di­ens régionaux.La revue, comme tous les autres avatars du genre, s’appliquait avec brio à un grand écart quo­ti­di­en entre fémin­isme mil­i­tant et pon­cifs beauté et sexe des mag­a­zines féminins : les arti­cles sur les meilleurs auto­bron­zants de l’été 2020 ou sur la mode du moment joux­tent sans com­plex­es les arti­cles de vul­gar­i­sa­tion des con­cepts fémin­istes en vogue. Les jeunes lec­tri­ces sont ain­si invitées par le site à s’informer sur le « slut-sham­ing »la « cul­ture du viol »le « mansplain­ing », ou encore le mou­ve­ment « body pos­i­tive ». Le webzine a même ouvert dans son espace privé réservé aux abon­nées au forum une fresque d’images de seins, la Seinte Fresque, des­tinée à aider les jeunes filles à accepter leur corps. Une ini­tia­tive qui a mal tourné lorsque cer­taines de ces pho­tos ont été volées et repub­liées ailleurs sur la toile.

Deux ans plus tard rien ne va plus. Selon La Let­tre, la société éditrice a per­du près de 600K€ pour un chiffre d’affaires d’un mil­lion d’euros. Le site emploie une dizaine de jour­nal­istes qui vont être licen­ciés sans pro­jet de reprise du titre.

Causette au tribunal de commerce

« Plus fémi­nine du cerveau que du capi­ton », c’était la devise du mag­a­zine fémin­iste Causette, créé en 2009 par Gré­go­ry Las­sus-Débat. Seule­ment, ça ne suf­fit pas, déjà en redresse­ment judi­ci­aire en 2015 puis au bord du dépôt de bilan en 2017, le mag­a­zine en était réduit à faire appel à la générosité de ses lecteurs.

Un journal féministe ? Partout, sauf dans son fonctionnement

À par­tir de 2013 le mag­a­zine a con­nu des prob­lèmes internes très forts. À l’automne 2014 il y avait 8 arrêts mal­adies, qua­tre départs, qua­tre procé­dures en cours et une enquête de l’Inspection du Tra­vail, sans oubli­er une motion de défi­ance con­tre la rédac­trice en chef et une grève de 10 jours en novem­bre pour 15 salariés titulaires.

Le patron en prend pour son grade : ges­tion à l’affect, « méfi­ant, para­no, méga­lo », gross­es colères, les bouclages sont épiques, le patron appelle les salariés à toute heure, change les titres et les angles des papiers, veut tout voir. Une « ambiance absol­u­ment exécrable, à couteaux tirés : c’est à qui dira le plus de mal des autres ». Un dossier sur la pros­ti­tu­tion, paru en novem­bre 2013 et ponc­tué de blagues salaces, a par­ti­c­ulière­ment ali­men­té le conflit.

Fin de partie en juin 2024

Le mag­a­zine avait aban­don­né son édi­tion papi­er en sep­tem­bre 2023 pour devenir 100% numérique. La société éditrice (le groupe Hilde­garde qui pub­lie notam­ment Pre­mière) avait déposé le bilan fin mai en espérant un redresse­ment judi­ci­aire qui a été refusé. Le titre cherche un repre­neur pour faire face à « l’extrême droite » qui «  réalise des scores his­toriques aux élec­tions et s’impose tou­jours plus dans le champ médi­a­tique ». On leur souhaite bien du plaisir, fémin­iste woke bien entendu.

Le Néo-féminisme à l'assaut d'Internet