Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Le matin où France Inter est revenu au réel

2 mai 2018

Temps de lecture : 6 minutes
Accueil | not_global | Le matin où France Inter est revenu au réel

Le matin où France Inter est revenu au réel

Temps de lecture : 6 minutes

Le 25 avril 2018, « le zoom de la rédaction » de France Inter, émission diffusée chaque jour de la semaine à 7h16 dans la Matinale semble marquer un tournant dans la ligne éditoriale de la radio.

Ce mer­cre­di 25 avril 2018, le « zoom de la rédac­tion » de la Mati­nale de France Inter, Mati­nale présen­tée par Nico­las Demor­and et Léa Salamé, est tourné vers le Séné­gal, sur le thème « Quand la dias­po­ra revient ». France Inter intè­gre le con­cept de « rem­i­gra­tion » en vari­ant la for­mule, con­cept habituelle­ment con­sid­éré, en par­ti­c­uli­er sur cette même antenne, comme étant de « droite extrême ». Un tel événe­ment méri­tait une écoute approfondie.

Géraldine Hallot aux manettes entre deux bobards

Ce zoom est réal­isé par Géral­dine Hal­lot, grand reporter au ser­vice reportages de France Inter depuis 2009, diplômée du Cel­sa, enseignante en sec­tion radio à l’IPJ de Paris Dauphine. Hal­lot n’est pas n’importe quelle jour­nal­iste, elle est déten­trice d’un Bobard d’or, la plus impor­tante des dis­tinc­tions à laque­lle peut pré­ten­dre un jour­nal­iste des médias offi­ciels. Son reportage du zoom du jeu­di 25 avril 2018 est ain­si annon­cé par Nico­las Demor­and : « Dakar, où vous avez ren­con­tré, Géral­dine, des repa­triés, j’ai bien dit des repa­triés (l’auditeur sent que Demor­and est con­scient de ce qui se passe), un néol­o­gisme qui désigne les immi­grés sou­vent très diplômés qui ont décidé de revenir vivre et tra­vailler dans leur pays d’origine. Au Séné­gal, ils sont de plus en plus nom­breux à faire ce choix. Avec suc­cès ».

Le Sénégal présenté comme exemple à suivre ?

Le reportage (extraits) :

« Soad Diouf a tous les attrib­uts de la femme d’affaires. Hyper­con­nec­tée, en tailleur som­bre et talons ver­tig­ineux, la poignée de main volon­taire. Elle nous reçoit au siège de son entre­prise dans le cen­tre de Dakar. Il  y a un an et demi, Soad Diouf, 32 ans, a quit­té Rouen, où elle a fait toutes ses études (en génie des sys­tèmes indus­triels) et elle est rev­enue s’installer à Dakar. Elle y a ouvert un cab­i­net d’au­dit énergé­tique, grâce notam­ment à une sub­ven­tion de 7 000 euros, ver­sée par l’Ofii (Office français de l’im­mi­gra­tion et de l’in­té­gra­tion), l’or­gan­isme qui finance les retours volon­taires. Pour Soad Diouf, le retour au pays était un “devoir moral”. Il vaut mieux ren­tr­er et dévelop­per notre pays en étant sur place, plutôt que d’en­voy­er de l’aide. (…) Un pays ne s’est jamais dévelop­pé avec de l’aide. Au départ sa famille n’é­tait pas franche­ment ravie. “Pour eux, il faut rester en Europe. C’est l’El­do­ra­do, explique-t-elle. Mais c’est un mythe. Ils adorent l’Eu­rope mais ils ne la con­nais­sent pas. Ils ne voient que les touristes qui vien­nent ici, mais quand on est en vacances, for­cé­ment, tout est par­fait !“Aujour­d’hui, Soad Diouf ne regrette pas la France, même si elle est un peu “nos­tal­gique” de la Nor­mandie ».

Pre­mières infor­ma­tions importantes :

  • Le témoin est heureux d’être retournée dans son pays d’origine, après que la France ait financé toutes ses études et sub­ven­tion­né son choix rapatriement/remigration (ce dernier mot qui effraie sans doute Demor­and, n’est pas prononcé ).
  • C’est une immi­grée ayant con­servé son iden­tité africaine mal­gré sa jeunesse passée en France qui l’affirme et non des iden­ti­taires européens : l’Europe n’est pas un « eldo­ra­do » pour les africains ; « l’aide » européenne ne per­met pas le développe­ment. Autrement dit les poli­tiques migra­toires et de développe­ment actuelles sont com­plète­ment inutiles. Les citoyens con­tribuables seront heureux que cette réal­ité leur soit con­fir­mée sur France Inter.

« Au Séné­gal, les oppor­tu­nités de tra­vail pour ces “repa­triés” sont nom­breuses. La  crois­sance du PIB atteint 7 % et, grâce au plan Séné­gal émer­gent, lancé par le prési­dent Macky Sall, le pays est un vaste chantier. Des villes nou­velles sor­tent de terre, sur le mod­èle de ce qui s’est fait en France. Abdoulaye Ba est le directeur d’un cab­i­net de con­seil. Lui aus­si est un ancien immi­gré. Mul­ti­diplômé, il est ren­tré de France dès 2008. L’El­do­ra­do c’est l’Afrique. Parce qu’en Afrique, tout est à faire, tout est à con­stru­ire. Toutes les matières pre­mières vien­nent d’Afrique. Les Africains sont de plus en plus for­més et qual­i­fiés. Abdoulaye Ba appelle de ses voeux un “sur­saut patri­o­tique” pour que la jeunesse africaine reste chez elle. “Cha­cun peut apporter sa con­tri­bu­tion.” Il cite John Fitzger­ald Kennedy : « Ne vous deman­dez pas ce que votre pays peut faire pour vous, deman­dez-vous ce que vous pou­vez faire pour votre pays ».

Sec­on­des infor­ma­tions importantes :

  • L’Afrique con­naît une crois­sance qui devrait lui per­me­t­tre de men­er elle-même sa pro­pre lutte con­tre la pau­vreté et pour son développe­ment, et donc de réguler en con­séquence sa démographie.
  • « L’eldorado c’est l’Afrique »
  • Le « patri­o­tisme » devient, ce jeu­di 25 avril 2018, une valeur pos­i­tive sur France Inter. Il paraît alors urgent de suiv­re la recom­man­da­tion du prési­dent Kennedy et de se met­tre au ser­vice de son pays plutôt que de migrer.

Et ce sont les immi­grés ayant remi­gré qui le dis­ent… d’autant que « le suc­cès de ceux qui sont revenus pour­rait dis­suad­er ceux qui veu­lent par­tir ».

« Ces retours sont évidem­ment loin de com­penser le nom­bre de départs vers l’Europe. Mais le suc­cès de ceux qui sont revenus pour­rait dis­suad­er ceux qui veu­lent par­tir. C’est l’avis de Moubarak Wade, patron d’une agence de com­mu­ni­ca­tion à Dakar. Il est ren­tré de France en 2012, après avoir vécu neuf ans à Nice avec un visa étu­di­ant. “Ce matin (9 avril NDLR), une pirogue a chaviré à Saint-Louis. Ces gens-là par­taient pour l’im­mi­gra­tion clan­des­tine. Il y a cinq morts”, déplore le jeune homme. “Ces jeunes-là n’ont rien com­pris. Pour par­tir, ils ont dû pay­er au moins 300 000 ou 500 000 francs CFA (760 euros)”, explique-t-il. Ils auraient pu utilis­er ce même courage, cette même hargne qu’ils ont mis pour par­tir en pirogue, pour mon­ter un busi­ness ici. L’Eu­rope est un miroir aux alou­ettes, dis­ent ces anciens immi­grés, qui, pour cer­tains, ont con­nu en France le chô­mage ou la xéno­pho­bie. Pour eux, l’avenir est claire­ment en Afrique. »

Troisièmes infor­ma­tions importantes :

  • La volon­té et le courage des Africains auraient intérêt à être util­isés sur place, ain­si que l’argent qu’ils dépensent pour les passeurs, .
  • L’avenir des Africains est « en Afrique ».

Si les infor­ma­tions qui ressor­tent de ce reportage étaient dif­fusées par un site ou une per­son­ne con­sid­érés comme de droite (par France Inter), les médias hurleraient sans aucun doute au « racisme » ou à la « lep­éni­sa­tion des esprits ». Là, c’est un reportage de France Inter et ce sont les Africains remi­grés eux-mêmes qui le dis­ent : la place des Africains n’est pas en Europe, elle est en Afrique. Retour au réel pour France Inter ?

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés