Pendant les fêtes, l’Ojim vous propose tous les jours de revivre les grands moments de l’année 2013 du point de vue de la critique des médias. Affaire Méric, affaire Léonarda, affaire du « tireur fou » de Libé, dossier sur les roms de Valeurs actuelles, Marseille vue par les médias, connivence des journalistes et des politiques… C’est toute l’actualité médiatique de 2013 qui est analysée et mise en perspective par l’Ojim. N’oubliez pas que l’Ojim est un site 100% indépendant qui ne vit que de vos dons. Aidez-nous à remplir notre rôle d’Observatoire des médias, et à exercer librement notre critique du système médiatique. Tout don nous sera utile.
Lundi 23 décembre : C’est probablement la plus grande imposture de l’année. Ou comment une bagarre de rue se transforme en « retour de la Bête immonde »…
Comment la tragédie d’un fait divers s’est transformée en comédie nationale…
Après la mort du jeune Clément Méric suite à une bagarre de rue, la machine médiatico-politique a démarré en trombe. Dans un pays où sont commis 2000 agressions et 200 viols toutes les vingt-quatre heures selon les chiffres donnés par Laurent Obertone (La France Orange mécanique), cette victime-là a soudainement occupé tous les écrans de télévision, fait la une des principaux quotidiens, suscité des hommages à la mairie de Paris, au Sénat, à la fontaine Saint-Michel et même une intervention du président de la République en direct de Tokyo. Le gouvernement a fulminé des mesures de rétorsion et promis une sévérité exemplaire. Pas un responsable politique qui n’ait surenchéri dans la condamnation, à une ou deux exceptions près. Des manifestations furent organisées dans quarante villes françaises. La France entière fut plusieurs jours de suite sommée de pleurer, trembler, réagir, rugir, crier que cette fois, vraiment, c’en était trop ! On traqua les coupables qui se devaient d’être infiniment nombreux : les Skinheads effectivement impliqués dans la rixe fatale ; le groupuscule des Jeunesses Nationalistes Révolutionnaires auquel ils étaient censés être plus ou moins liés ; les groupuscules comparables à celui-ci ; le FN ayant eu des liens avec certains représentants des groupuscules en question ; la droite ayant participé à « dédiaboliser » le FN ; le moindre opposant au mariage gay qui avait pris part à des manifestations aux marges desquelles on n’avait pas toujours pu totalement évincer certains membres de ces groupuscules ; tous ceux enfin, même à gauche, qui n’avaient pas réagi avec suffisamment de force contre l’effet de « droitisation » perçu dans la vie politique française… En somme, presque tout le pays était coupable et presque tout le pays devait s’accuser, s’excuser et faire pénitence devant le sang innocent qui venait d’être versé ; tout ce pays inconscient, veule, amnésique, auquel une mini-apocalypse, soudain, enfin, avait rappelé l’unique danger qui menaçait encore férocement la patrie et faisait trembler les fondements mêmes de la République : le ventre de la bête, toujours fécond…