Ojim.fr
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
PUBLICATIONS
Yann Barthès, Dilcrah, Netflix, Frontex, Bellingcat... Découvrez les publications papier et numériques de l'Observatoire du journalisme.
→ En savoir plus
Le « ministère de la Vérité » voulu par Joe Biden suspendu mais pas abandonné

5 juin 2022

Temps de lecture : 6 minutes
Accueil | Veille médias | Le « ministère de la Vérité » voulu par Joe Biden suspendu mais pas abandonné

Le « ministère de la Vérité » voulu par Joe Biden suspendu mais pas abandonné

Temps de lecture : 6 minutes

Face au feu nourri des critiques, le « ministère de la Vérité » créé par l’administration Biden a été suspendu le 16 mai 2022, trois semaines seulement après sa création. Nina Jankowicz, qui avait été nommée à la tête de ce Conseil de la gouvernance de la désinformation (Disinformation Governance Board), rattaché au Département de la Sécurité intérieure des États-Unis, a présenté sa démission le lendemain.

Nina Jankowicz en martyre

« Com­ment l’ad­min­is­tra­tion Biden a lais­sé les attaques de la droite faire dérailler ses efforts de dés­in­for­ma­tion », titrait le Wash­ing­ton Post le 18 mai, pré­cisant en chapô : « La “pause ” du nou­veau con­seil du départe­ment de la Sécu­rité intérieure inter­vient après que sa direc­trice, Nina Jankow­icz, eut été vic­time d’at­taques coor­don­nées en ligne et alors que l’ad­min­is­tra­tion s’ef­forçait de réa­gir. » Un arti­cle signé de la plume de la jour­nal­iste Tay­lor Lorenz décrite par le site con­ser­va­teur chré­tien Life­news comme « per­pétuelle pleur­nicheuse d’extrême gauche ».

Lorenz rap­pelle que : « Le 27 avril au matin, le départe­ment de la Sécu­rité intérieure avait annon­cé la créa­tion du pre­mier Con­seil de gou­ver­nance de la dés­in­for­ma­tion, dont l’ob­jec­tif déclaré était de “coor­don­ner la lutte con­tre la dés­in­for­ma­tion liée à la sécu­rité intérieure”. L’ad­min­is­tra­tion Biden avait nom­mé Nina Jankow­icz, une fig­ure bien con­nue dans le domaine de la lutte con­tre la dés­in­for­ma­tion et l’ex­trémisme, au poste de direc­trice exéc­u­tive du con­seil. » Et de déplor­er dans son papi­er le fait que Jankow­icz est tombée vic­time « des forces mêmes qu’elle a con­sacré sa car­rière à com­bat­tre » après avoir « fait l’ob­jet des attaques les plus dures, son rôle ayant été défor­mé alors qu’elle deve­nait une cible priv­ilégiée de l’In­ter­net de droite. Elle a fait l’ob­jet d’un bar­rage inces­sant de har­cèle­ment et d’abus, tan­dis que les défor­ma­tions incon­trôlées de son tra­vail con­tin­u­ent à devenir virales ».

Une habituée de la désinformation

Il faut dire qu’il y avait provo­ca­tion à met­tre à la tête d’une nou­velle insti­tu­tion que l’on pou­vait légitime­ment soupçon­ner de par­ticiper d’une dérive orweli­enne de l’administration fédérale améri­caine une per­son­ne qui s’était dis­tin­guée, entre autres choses, en sou­tenant la thèse com­plo­tiste de gauche selon laque­lle le scan­dale du con­tenu com­pro­met­tant de l’ordinateur portable de Hunter Biden, le fils de l’actuel prési­dent et ancien vice-prési­dent, était une opéra­tion de dés­in­for­ma­tion russe. Ce qui fait dire au média con­ser­va­teur The New Amer­i­can que Nina Jankow­icz est « une agente poli­tique ayant elle-même par­ticipé à des opéra­tions de dés­in­for­ma­tion ».

C’est pourquoi, con­traire­ment à ce qu’ont pré­ten­du l’intéressée et des représen­tants de l’administration Biden, de même que les médias libéraux qui les sou­ti­en­nent, les attaques con­tre le nou­veau Con­seil de gou­ver­nance de la dés­in­for­ma­tion ne venaient pas que d’une droite dure et/ou com­plo­tiste sur Inter­net et dans quelques médias, dont bien sûr la chaîne Fox News, mais plus générale­ment de l’opposition répub­li­caine. Car est-ce bien au gou­verne­ment de lut­ter con­tre ce qu’il con­sid­ère ou pré­tend con­sid­ér­er comme faux ?

Un projet qui pourrait rebondir

Dès le 29 avril, l’éditorialiste et ani­ma­teur de télévi­sion Ben­ny John­son annonçait sur son compte Twit­ter : « OFFICIEL : Une “loi sur l’élim­i­na­tion du min­istère de la Vérité” vient d’être pro­posée. Met fin à tous les finance­ments du Départe­ment de la sécu­rité intérieure pour le Con­seil de gou­ver­nance de la dés­in­for­ma­tion et inter­dit tout finance­ment de toute entité de restric­tion de la lib­erté d’ex­pres­sion à l’avenir. »

Un pro­jet de loi qui pour­rait vite s’avérer utile, car sus­pen­sion ne veut pas dire sup­pres­sion. Ain­si que l’écrivait l’hebdomadaire con­ser­va­teur Wash­ing­ton Exam­in­er le 25 mai sur son site :

« Les Améri­cains auraient tort d’être ras­surés en se dis­ant que les efforts de l’ad­min­is­tra­tion Biden pour cen­sur­er les infor­ma­tions depuis le départe­ment de la Sécu­rité intérieure et d’ailleurs vont pren­dre fin. En fait, l’ad­min­is­tra­tion a annon­cé que l’an­cien secré­taire à la sécu­rité intérieure Michael Chertoff et l’an­cien pro­cureur général adjoint Jamie Gore­lick prendraient le relais de Jankow­icz et con­tin­ueraient sur la voie de la dés­in­for­ma­tion. » Pour­tant, s’insurge le jour­nal, « Le gou­verne­ment fédéral n’a pas à déter­min­er ce qu’est la vérité, ce n’est en rien la mis­sion de la Sécu­rité intérieure, et Jankow­icz avait un his­torique con­stant d’identification erronée de la “dés­in­for­ma­tion”. »

Réticences jusqu’au Washington Post

Mais les médias con­ser­va­teurs ne sont pas les seuls à s’inquiéter des vel­léités de Joe Biden et de son admin­is­tra­tion démoc­rate en matière de con­trôle de l’information. Même au Wash­ing­ton Post, il se trou­ve des jour­nal­istes pour s’en inquiéter, tel le très respectable édi­to­ri­al­iste du jour­nal George Will, prix Pulitzer 1977, dans un édi­to­r­i­al du 25 mai inti­t­ulé : « Atten­dez-vous à un retour de l’ig­no­ble Con­seil de gou­ver­nance de la dés­in­for­ma­tion ». « La “pause” annon­cée par le départe­ment de la Sécu­rité intérieure con­cer­nant son Con­seil de gou­ver­nance de la dés­in­for­ma­tion, 21 jours après sa créa­tion en tant que mesure de “sécu­rité nationale”, est prob­a­ble­ment elle-même de la dés­in­for­ma­tion. », met en garde l’éditorialiste du Wash­ing­ton Post.

En ce qui con­cerne le choix ini­tial de Nina Jankow­icz, même dans les colonnes du très anti-Trump Wash­ing­ton Post, on le reconnaît :

« Avant d’être, pen­dant trois semaines, à la tête de ce Con­seil de la dés­in­for­ma­tion “non par­ti­san” (c’est ce qu’a déclaré l’at­taché de presse du prési­dent), Nina Jankow­icz a mené une car­rière haute en couleur en rép­ri­man­dant “les répub­li­cains et autres dés­in­for­ma­teurs”. Le con­tenu de l’or­di­na­teur portable de Hunter Biden ? “Un pro­duit de la cam­pagne Trump”, a‑t-elle décrété. Ses cer­ti­tudes sont nom­breuses. »

Plus loin, dans son édi­to­r­i­al, George Will énumère les men­songes récents du prési­dent Biden lui-même, avant de conclure :

« Si – quand – la “pause” du départe­ment de la Sécu­rité publique prend fin et qu’un bureau de dés­in­for­ma­tion ressus­cité s’at­telle à la pro­tec­tion des Améri­cains con­tre les men­songes, il ne s’oc­cu­pera bien sûr que de la dés­in­for­ma­tion d’o­rig­ine étrangère, la théorie étant que seule cette sorte de dés­in­for­ma­tion men­ace la sécu­rité nationale. »

Alors qu’il inter­ro­geait le secré­taire à la Sécu­rité intérieure Ale­jan­dro May­orkas au Sénat le 4 mai 2022, le séna­teur répub­li­cain Rand Paul s’est inquiété : « Nous ne sommes même pas d’ac­cord sur ce qu’est la dés­in­for­ma­tion ». Et Paul de remar­quer : « Savez-vous qui est le plus grand prop­a­ga­teur de dés­in­for­ma­tion de l’his­toire du monde ? Le gou­verne­ment améri­cain. »

Voir aus­si : Nina Jankow­icz min­istre de l’information de Joe Biden et Castafiore

Voir aussi

Vidéos à la une

Derniers portraits ajoutés