Alors que Le Monde fête cette année ses 80 ans, il est intéressant de se pencher sur ce titre, qu’il s’agisse de sa vocation ou de ses actions. Promotion de la pédophilie dans les années 70, mitterrandôlatrie dans les années 80, pilotage d’élections dans les années 90, surveillance médiatique dans les années 2020, Le Monde a tout vu, tout fait, et peu regretté.
Quand Le Monde défendait la pédophilie
On se rappelle bien comment Libération défendait les pédocriminels dans les années 70, notamment par sa Une présentant un enfant dans une position suggestive. Le Monde a également pris part à ce combat peu glorieux, et il en a même été le précurseur avec, en janvier 1977, la publication d’un communiqué de plusieurs intellectuels, parmi lesquels Aragon, Jack Lang, Bernard Kouchner ou André Glucksmann, qui voulaient défendre trois pédocriminels qui étaient devant les assises. « Trois ans de prison pour des caresses et des baisers, cela suffit », « Si une fille de 13 ans a droit à la pilule, c’est pour quoi faire ? », on saisit bien l’idée, et les rêves, des intellectuels. Une lettre ouverte également publiée par Le Monde demandera également l’abrogation ou la redéfinition du détournement de mineur pour reconnaître le « droit de l’enfant et de l’adolescent à entretenir des relations avec les personnes de son choix ». Jean-Paul Aron, Roland Barthes, Simone de Beauvoir, Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Françoise Dolto, Michel Foucault, Gabriel Matzneff, Alain Robbe-Grillet ou encore Jean-Paul Sartre feront partie des signataires.
Le Monde, neutre ? Pas ses dirigeants
Le Monde aime se penser comme le journal « au centre », qui tient le juste milieu entre Le Figaro et Libération. D’une certaine façon, le média neutre et objectif par excellence, quand les autres restent entachés de ce vilain défaut qu’est l’opinion. Le moins qu’on puisse dire, c’est que cela se discute. En 1994, le quotidien est contrôlé par Jean-Marie Colombani, Edwy Plenel et Alain Minc. Le premier engagera ensuite la création du groupe Le Monde, et essaiera de racheter L’Express. Plus inquiétant : en 2005, avec Alain Minc, il crée le « jounalisme de validation », qui doit remplacer le « journalisme d’investigation ». Cette expression montre une dérive que l’on retrouve aujourd’hui chez ceux qui « croient à la science ». Le journalisme d’investigation n’est légitime que parce qu’il se remet en question et cherche, sans relâche, la vérité. Un journalisme de validation se contente de vérifier certaines thèses. Partant, lesquelles vérifie-t-on en priorité ? Celles qui dérangent ? Qui ne doit-on alors pas déranger ?
Dans La Face cachée du Monde, Jean-Marie Colombani est également accusé de mêler la presse et le pouvoir, dans un mélange des genres dont les Français se méfient de plus en plus. Il admettra ensuite des « erreurs » et rejettera la faute sur Edwy Plenel et ses « enracinements trotskistes profonds » qui auraient modifié l’esprit du Monde. Un titre modifié par des enracinements trotskistes peut-il encore se revendiquer d’une quelconque neutralité ? La question reste ouverte. Edwy Plenel, au reste, ne se présente plus. Présentons-le tout de même, ne serait-ce que pour son parcours journalistique : dans les années 70, il écrit pour Rouge, hebdomadaire de la Ligue communiste révolutionnaire. C’est ensuite qu’il s’éloignera de l’extrême-gauche pour entrer au Monde en 1980. Un éloignement qui, à en croire Jean-Marie Colombani, n’était qu’une façade. Ce dernier a pourtant beau jeu de renvoyer la faute à Edwy Plenel, qui l’aurait placé à la tête du Monde. Par un échange de bons procédés, Edwy Plenel sera ensuite nommé directeur de la rédaction. Peut-on considérer que Jean-Marie Colombani a découvert par la suite les opinions de son compère, et a amèrement regretté la place qu’il lui avait donnée ? Il est permis d’en douter.
Voir aussi : Edwy Plenel, portrait
Quand Le Monde fait la politique française
Le Monde est donc racheté en 1994, et pour La Face cachée du Monde, c’est là que tout commence. Le journal aurait soutenu Edouard Balladur, ancien Premier ministre de François Mitterrand, lors de la campagne de 1995, qui débouche sur l’élection de Jacques Chirac. On se rappelle qu’après deux mandats, François Mitterrand ne pouvait se représenter. Il a donc tenté de passer le relais à Balladur qui, lui, a perdu le duel avec Jacques Chirac, déjà joué lors du second tour Mitterrand-Chirac de 1988. Pendant cette élection cruciale, Le Monde aurait donc roulé pour le parti socialiste. Il n’en était d’ailleurs pas à son coup d’essai. Un « abonné au Monde depuis 40 ans », pour qui le journal est « la meilleure source d’information de France » se rappelle « l’euphorie du journal suite à la victoire de Mitterrand en 81 ». C’est le début d’une phase de « mitterrandôlatrie » que Le Monde regrettera par la suite. Le 11 mai 1981, il titre en effet sur « la très nette victoire de François Mitterrand », qui avait remporté le second tour avec 51,76% des suffrages. Ce même lecteur regrette ensuite la baisse de niveau des articles, qui n’ont plus d’analyses que le nom dont ils se revendiquent, et ajoute que Le Monde ne cesse jamais d’appliquer un vernis de moraline sur ces sujets. Une chute qui doit peut-être beaucoup au trio arrivé aux manettes en 1995.
Le Monde, une vision biaisée de l’actualité
Aucun journal n’est neutre, on le sait. Mais Le Monde, qui se targue de l’être, est lui aussi loin de s’approcher de cette neutralité rêvée. Dans un éditorial du 19 avril 2022, il appelait à une guerre totale contre la Russie, parce que « l’agression russe de l’Ukraine » serait « une attaque contre l’ordre mondial qui régit les relations entre États ». Une analyse de fine géopolitique, comme s’il pouvait y avoir un ordre mondial ailleurs que dans les romans dystopiques ou dans les écrits des néoconservateurs américains. Pour combattre la Russie, il fallait donc augmenter les sanctions, notamment financières, cesser d’acheter le gaz et le pétrole russes, et surtout ne pas cesser d’armer l’Ukraine. Certes, il s’agissait d’un éditorial, et ces derniers comportent toujours une part d’opinion. Était-il pour autant nécessaire qu’elle soit si polarisée ?
Le Monde choisit les sujets… des autres
Le Monde ne se contente pas de soutenir des positions pour le moins discutables, il veille aussi à choisir ses sujets. Ainsi l’a‑t-on constaté en 2020, lorsque la revue Le Débat a disparu du paysage médiatique. Cette revue permettait de lire de grands noms, la plupart du temps classés à gauche, sur des sujets divers. Pour Le Monde, la revue a disparu parce qu’elle est passée à côté des « vrais sujets ». Autrement dit, pour le journal, il existe des sujets qui méritent qu’on s’y intéresse, et d’autres qui doivent tomber dans l’oubli. Pareille conception n’est pas forcément grave quand on ne l’applique qu’aux sujets de son propre journal. En revanche, quand on se mêle des choix des autres titres, il ne s’agit plus de libre choix selon une ligne éditoriale mais de censure médiatique. Si j’estime que ce sujet n’a pas d’intérêt, vous ne devez pas le traiter. Selon Le Monde, la revue Le Débat commettait en plus la faute impardonnable de flirter depuis quelques temps avec ceux que le journal qualifie d’extrême-droite, notamment parce qu’elle invitait des personnalités comme Matthieu Bock-Côté ou Alexandre Devecchio. Elle devait donc disparaître.