Après sa « petite loi sur les médias » polonaise votée le 31 décembre 2015 par la nouvelle majorité conservatrice afin de remplacer rapidement la direction des médias publics qui lui étaient farouchement hostiles, ce qui a attiré contre Varsovie les foudres de Bruxelles et de nombreuses critiques dans les médias de pays comme l’Allemagne ou la France (où l’indépendance des médias publics vis-à-vis du gouvernement n’est pas non plus assurée), la Pologne avait créé en juin, conformément à son intention annoncée au moment du vote de la loi du 31 décembre, un Conseil des médias nationaux (RMN) pour nommer et révoquer les directeurs des médias publics.
Ce RMN a reconduit dans ses fonctions au début du mois d’octobre le président de la télévision publique (TVP) Jacek Kurski qui avait été nommé en janvier par le ministre du Trésor public en vertu de la « petite loi sur les médias ». Voilà donc qui devrait faire taire les critiques étrangères, même si le président de TVP reste le même, puisque le RMN a organisé un concours en bonne et due forme et que ses membres sont inamovibles pour 6 ans. La nomination des directeurs et présidents des médias publics ne dépend donc plus directement du gouvernement. Le RMN a également reconduit dans ses fonctions le président de l’Agence de presse polonaise (PAP) Artur Dmochowski qui avait été choisi par le gouvernement du PiS. Car le RMN est bien entendu dominé par le PiS puisqu’il compte trois membres nommés par la majorité parlementaire, un membre proposé par le plus gros parti d’opposition au parlement, le parti libéral-libertaire PO, et un membre proposé par le parti conservateur d’opposition Kukiz’15. Mais une telle situation est plutôt standard dans l’UE, et ce n’est pas la France avec son CSA qui pourrait donner des leçons de démocratie à la Pologne dans ce domaine.
La nouveauté par rapport à la situation sous les deux gouvernements de la coalition libérale et européiste PO-PSL (2007–2015), c’est que la majorité parlementaire ne peut plus, une fois tous les ans, changer les membres du conseil chargés de nommer les dirigeants des médias publics, et donc remplacer aussi ces derniers. Si les médias européens qui accusaient en janvier-février le gouvernement polonais d’avoir mis les médias publics sous contrôle étaient un tantinet honnêtes, ils devraient donc aujourd’hui le féliciter d’avoir rendu ces dirigeants des médias publics plus indépendants du pouvoir politique qu’ils ne l’étaient avant l’arrivée des conservateurs au pouvoir.
Les Polonais attendent toutefois toujours la réforme de la redevance audiovisuelle, payée aujourd’hui par environ 30 % des ménages alors qu’elle devrait l’être par tous ceux qui possèdent un poste de télévision ou de radio, afin de rendre les médias publics plus indépendants des annonceurs publicitaires et leur permettre de se concentrer sur leur mission de service public. Jacek Kurski, le président de TVP, et Krzysztof Czabański, le président du RMN, ont confirmé dans des déclarations récentes aux médias que l’universalisation de la redevance, qui s’accompagnerait d’une baisse (elle coûte aujourd’hui 22,70 zlotys, soit environ 5 €, par mois, ou 7 zlotys pour ceux qui ont un poste de radio mais pas de téléviseur), était toujours en projet et qu’on réfléchissait en fait à un mode de prélèvement qui éviterait d’avoir à envoyer une notification à la Commission européenne. En effet, Bruxelles doit normalement confirmer pour ce type de financement qu’il s’agit d’une aide publique légale au regard du droit européen. Or les Polonais, échaudés par l’hostilité mal réprimée des institutions européennes, et en particulier de la Commission européenne, depuis l’arrivée du PiS au pouvoir, craignent que celle-ci ne leur fasse toutes les difficultés du monde si la nouvelle redevance audiovisuelle en faveur des médias publics exige son accord.